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3. Promotion des femmes au sein du secteur du numérique : engagement,

3.2 Militantisme, féminisme et entreprises : liaisons dangereuses

3.2.2 Étude du cas de Simplon.co

Claudine a mis en exergue le besoin de favoriser un espace sécuritaire pour les femmes évoluant dans ces formations ou encore d’avoir un discours bienveillant et non agressif pour promouvoir les femmes au sein de ces formations : « les jeunes femmes qui veulent postuler, les mecs se

jettent dessus, genre « il nous faut des femmes, venez ! », donc elles se sentent agressées. ».

Elle relatait le fait que Simplon devait passer, dans un premier temps par la discrimination positive afin d’atteindre l’équité : « Chez Simplon on est à 35% de femmes dans nos promos,

sachant que dans le secteur c’est moins de 8% et via la discrimination positive on va atteindre les 50%, c’est notre objectif pour 2020. ». Il est intéressant de noter qu’elle refusait d’employer

le terme de quotas, que nous supposons mal vu, et préférait parler « d’offrir aux femmes qui ont

des lacunes un espace sécuritaire à travers la discrimination positive ».

En ce qui concerne le manque de visibilité des projets qui promeuvent les femmes dans les formations de Simplon.co (MissCode, #Codehasnogender), elle m’expliquait qu’il s’agissait de

projets pilotes qui faisaient suite à une levée de fond et qui n’étaient donc pas encore valorisés à l’heure actuelle, du fait de leur aspect récent.

Enfin, sur la relation qu’entretient Simplon.co avec les parties prenantes, elle déclarait qu’elle était très globale : « On agit vraiment sur tous les volets, aussi bien sur la communication que

sur la formation, que sur l’orientation. On travaille avec les prescripteurs donc on sensibilise les prescripteurs aux outils de missions locales, Pole Emploi, École de la Seconde Chance, et on travaille aussi avec la presse et avec les entreprises. ». Néanmoins elle m’expliquait qu’il y

avait parfois un réel décalage, voire des tensions dans leur relation avec les entreprises. En effet, le but de ces formations est de placer ensuite leurs élèves dans des entreprises avec qui Simplon.co effectue des partenariats, afin de favoriser leur bonne insertion. Elle m’expliquait que « l’image de marque » et la communication possible derrière ces recrutements féminins pouvaient compter dans la stratégie des entreprises. A titre d’exemple, dans le cadre du projet appelé « Hackeuse » par Simplon.co, celui a été renommé en « MissCode » car l’entreprise avec qui ils menaient le projet aurait insisté pour qu’il s’appelle ainsi. Soit un nom qui ne déconstruit pas les stéréotypes mais qui, à l’inverse les conserve, les véhicule et les renforce : « Hackeuse et MissCode c’est la même chose, en fait c’est juste que l’entreprise nous a forcé à

choisir un nom qu’on ne voulait pas. On ne voulait pas que ça s’appelle Miss Code, mais c’est eux qui finançaient le programme » me déclarait-elle car j’avais remarqué que ce projet avait

deux noms différents sur leur site.

Cette relative dépendance financière (ou autre) qu’entretiennent les écoles avec des entreprises peut ainsi impliquer le fait de céder à des images de marque voulues et reflète ainsi des intérêts ou des visions divergentes pour les entreprises qui penseraient dans certains cas à la portée communicationnelle et les Entreprises Sociales et Solidaires comme Simplon.co qui penseraient à leur mission sociale et engagée.

Aussi, Lucie me parlait d’une autre tension et d’un décalage qui existe dans la relation qu’entretient Simplon avec les entreprises. Celui-ci s’illustrerait par la difficulté de placer des promotions notamment à cause d’un « culte du diplôme » de la part d’entreprises voire de cas de discriminations liés au fait qu’il s’agisse d’élèves issus de milieux défavorisés : « Les

formations Simplon, c’est pas un public que les entreprises connaissent bien et veulent forcément car ce sont des publics peu ou pas du tout diplômés, qui viennent des quartiers, qui ont une expérience courte (formation de 6 mois très courte), et en fait par exemple il y a des boites qui ne recrutent pas ces profils-là clairement. Genre Capgemini ça ne sera pas la peine d’aller là-bas. ». Certaines entreprises déclareraient « nous ce qu’on veut c’est des personnes

qui ont un bac +3 avec telle technologie ». En outre selon Lucie, sans vouloir en faire une

généralité, elle pointait du doigt le fait il y aurait des cas de discriminations de la part de certaines entreprises : « t’as des profils aussi divers qui ne rentrent pas dans le stéréotype de

l’homme blanc, de ce type-là c’est encore plus difficile. Même si les entreprises se cachent derrière le truc de dire « on veut de la diversité etc. » mais en fait pas du tout ». Elle prenait

l’exemple de ce qu’elle appelle « le cumul de discrimination » qui serait par exemple le fait d’être une femme noire et développeuse qui trouverait moins vite une entreprise qu’un jeune de vingt ans blanc qui aurait pourtant le même niveau de compétences mais plus de chance d’être embauché.

A l’aune de cet entretien qualitatif avec Claudine, nous pouvons conclure qu’il existe des rapports de force qui s’exercent dans la collaboration entre Simplon.co et ses entreprises partenaires. Ces points de frictions se retrouvent d’une part, au niveau des messages véhiculés à travers la promotion des femmes au sein des métiers du numérique (campagnes de communication, projet MissCode etc.) et d’autre part au niveau des recrutements des élèves de cette école (cas de discrimination).

Enfin, cette tension dans la collaboration avec les entreprises pour promouvoir les femmes au sein des métiers du numérique s’incarne également à travers l’exemple du discours de l’association Elles Bougent.