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3 Reconfiguration de la représentation des femmes dans le secteur du numérique à

3.1 Figure de la femme développeuse renouvelée mais stéréotypée

code[Her] est l’association de l’École 42, une école fondée par Xavier Niel en 2013 qui est spécialisée dans l’apprentissage du code et dont Laurette et Fabienne font partie. Visée par des scandales de sexisme en son sein en 2017, comment cette jeune école de développement web va chercher à promouvoir la mixité, en ligne, à travers cette association ? Dans un premier temps nous analyserons la manière dont l’association de l’École 42 essaye d’aller à l’encontre des stéréotypes négatifs liés à l’univers du numérique et des développeurs en particulier, pour ensuite analyser les limites de leur approche.

125Ibid.

Annexe 21 : Capture d’écran de la page d’accueil du site de l’association code[Her] de l’École 42 (version intégrale disponible en annexe 21)

Comme nous pouvons le voir sur l’annexe 21, pour faire du numérique un endroit « accueillant » ou en tout cas non repoussant pour les femmes, l’association 42 a choisi un « nom-logo » spécifique : code[Her]. Il est possible de noter la référence au code informatique « >_ » et les symboles qui renvoient à l’imaginaire du code informatique. Le « Her » en anglais peut notamment connoter les origines du code informatique, soit l’esprit du web qui s’est forgé aux États-Unis à travers l’anglais. Aussi, le mot « code » est en noir, comme si celui-ci connotait l’aspect cartésien et soi-disant « froid » du code informatique, tandis que le mot « Her » qui représente la femme, est présenté avec un dégradé de violet et jaune qui connote, comme Talents du numérique [que nous étudierons par la suite], le logo du réseau social Instagram. Soit une volonté de faire référence aux codes des réseaux sociaux et de mettre en avant les femmes à travers ce « Her » qui se démarque.

Il est possible de noter l’utilisation de l’écriture inclusive dans le deuxième axe qui présente l’association : « Les fondatrices et fondateur de code[Her] sont parti.e.S d’un constat simple :

avec seulement 8% d’étudiantes à 42, nous sommes encore loin de la parité au sein de l’école, et plus généralement dans le milieu informatique en France. Nous avons donc fondé code[Her] afin de promouvoir la mixité au sein de 42 et dans l’écosystème tech de manière plus globale. ».

Pour plus de clarté dans cette analyse sémiotique, nous avons découpé ce site en 6 axes en fonction « des grands axes » du site. Le 4ème axe contient deux blocs qui représentent la mixité et l’égalité à l’aide de pictogrammes qui forment une addition. Nous pouvons ainsi retrouver l’imaginaire du code qui serait traditionnellement lié aux mathématiques. Le résultat de cette

addition entre la mixité et l’égalité amèneraient à « meet the future », soit deux éléments symboliquement vus comme des conditions sine qua non pour appréhender le futur et le « rencontrer ». Cette addition s’accompagne de chiffres clés sur la mixité au sein de l’école « 8% d’étudiants sont des femmes, 40h de code par semaine, qu’on soit un homme ou une

femme », soit une réassurance du fait que la réussite à 42 se fait non pas grâce au genre, mais à

ses heures de travail, soit une certaine méritocratie mise en avant.

La promotion de la mixité au sein de 42 est notamment visible au niveau du 3ème axe qui

représente trois actions qui visent à favoriser la communication entre les femmes (« Échange direct entre Piscineuses et étudiantes ») qui pourrait s’apparenter d’une part à des témoignages ou des retours d’expériences tel que cette action est présentée « L’expérience de la piscine est

difficile pour tous et toutes, mais il ne faut en aucun cas que le fait d’être une femme soit une difficulté supplémentaire. ». D’autre part, cette action viserait à créer un réseau et à favoriser la

solidarité entre les femmes de 42 : « L’objectif est de permettre aux piscineuses d’identifier des

étudiantes présentes dans l’école. » A travers ces premières actions, il est intéressant de voir

que cette association met en avant la volonté de créer un réseau de femmes de 42 fondé sur la solidarité féminine et le témoignage. Ce réseau pourrait notamment véhiculer un sentiment d’appartenance avec des codes qui semblent marquer cette école, notamment à travers le terme des « piscineuses » par exemple. Enfin, les deux autres actions sont tournées vers des évènements : d’une part la sensibilisation en externe (développer des interventions dans les collèges et lycées) et interne (sensibiliser à des questions comme l’inclusion ou la lutte contre les discriminations), d’autre part de l’évènementiel (« code[Her] organise des évènements

mixtes sur des sujets techniques au sein de 42 et à l’extérieur de l’école »).

Néanmoins à travers cette volonté de mettre en place des actions, ce site a un aspect « déshumanisant » dans le sens où l’association instaure une relation de distance (pas de tutoiement, pas de vouvoiement, aucune adresse directe au visiteur de la page) et de dissymétrie (« nous contacter », « nos coordonnées »). Ce « nous » qui représente l’association n’est pas incarné à travers cette page, que cela soit à travers des prénoms ou des images de personnes et plus spécifiquement de femmes. La seule incarnation de ce site est dans la première image du premier axe qui est accompagnée d’une baseline « L’association de la mixité à 42 ». L’image est très imposante et symboliserait la mixité à 42 et l’imaginaire de la femme développeuse. Néanmoins cette image pose de nombreuses questions sur la représentation de la femme développeuse pour 42. Sur cette image, tout est très soigné, rangé, ordonné, aussi on ne voit pas le visage de cette femme sinon seulement ses mains qui renvoient à de nombreux

codes de la féminité stéréotypée (l’alliance symbole du mariage, le vernis rose par exemple). Cette image de représentation de la femme en devient ainsi maladroitement sexiste et déshumanisante. En effet, la chose la plus visible sur cette image est l’ordinateur et sa marque (mac d’Apple) alors que la femme est uniquement représentée à travers ses mains sans que son visage ou corps n’apparaissent.

Nous pouvons conclure que l’école 42 souhaite mettre en place des initiatives pour favoriser la mixité au sein de son école en répondant ainsi aux problèmes de sexisme en reprenant l’architexte de l’association, néanmoins sans en avoir les codes (témoignages, adhésion peu mise en valeur, présentation de rôles modèles etc.) que l’on retrouve habituellement sur les sites des associations Elles Bougent ou Talents du numérique par exemple. A noter que la mixité dans le numérique est le cœur de métiers de ces associations et que le site internet de l’association de 42 est peut-être une landing page non-finalisée (sans menu ni beaucoup de contenu mais aussi non-accessible en ligne depuis peu). Ainsi, des efforts pour promouvoir le témoignage des femmes et les initiatives en faveur de la mixité (sensibilisation externe et interne) sont mis en exergue sur ce site, néanmoins l’école 42 propose un imaginaire du code qui resterait lié à un aspect traditionnellement « froid » et « mathématique » avec une quasi non-représentation de rôle modèle féminin, sinon une représentation stéréotypée d’une femme devant un écran qui serait reconnaissable qu’à ses mains à travers des codes stéréotypés liés à la féminité. Cette récente association peut ainsi s’améliorer à travers la mise en avant de représentations moins stéréotypées de leurs élèves.

Nous nous sommes ensuite intéressés à deux associations qui ont le même but, promouvoir les femmes au sein des métiers du numérique mais qui vont mobiliser et représenter un imaginaire différent afin de s’adresser à des cibles spécifiques. Nous avons cherché à étudier et à comparer ces sites sous le prisme de l’imaginaire qui s’en dégage, de la représentation des femmes dans le numérique à travers des rôles modèles ou non, ainsi que des éléments de langages utilisés.