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Relations des classes causale et adversative

Dans le document Vers une algèbre des relations de discours (Page 188-191)

7.2 Inférences identifiées

7.2.2 Relations des classes causale et adversative

Dans cette section, nous discutons des cas d’inférence de relations de la classe causale ou de la classe adversative entre les unités (α) et (γ) dans les discours présentant la prémisse Narration(α, β) ∧ Explanation(β, γ). Ces inférences viennent souvent s’ajouter à des inférences d’ordre temporel, que nous avons traitées dans les sections précédentes. Nous les regroupons ici sous une même section, car elles peuvent avoir lieu dans des contextes communs, dans lesquels la relation Narration(α, β) est accompagnée d’une relation adver- sative.

Inférence d’une causalité Nous présentons tout d’abord des discours dans lesquels un lien causal peut être établi entre les éventualités décrites en (α) et (γ). Ces discours peuvent correspondre aux quatre configurations précédemment envisagées, définies à partir du type des éventualités eαet eγ. En effet, il peut y avoir, en présence de la prémisse Narration(α, β)∧

Explanation(β, γ), inférence de cause(eα, eγ) lorsque : eα et eγ sont des événements, comme

avec (290c-ii) ; eα et eγ sont des événements, comme dans le discours en (292) ; eα est un

événement et eγ un état, comme dans le discours en (291).

(290) a. Jean a acheté une glace à Julie, (α)

b. puis il a offert un tour de manège à Marie (β) c. i. parce qu’ elle a piqué une crise de jalousie. (γ)

ii. parce qu’ elle était jalouse. (γ) (291) a. Jean dormait en cours. (α)

b. Puis il s’est réveillé (β)

c. parce que le prof lui a hurlé dessus. (γ) (292) a. Jean vivait à Strasbourg, (α)

b. puis il est revenu à Paris (β)

c. parce que ses enfants lui manquaient. (γ)

Dans ces quatre discours, d’un point de vue sémantique, il y a inférence d’un lien causal, qui est compatible avec la contrainte temporelle : Init(eα) ≺ Init(eγ). L’inférence d’un tel lien

causal peut donc s’ajouter à l’inférence de différents liens temporels, comme une succession ou un recouvrement. Si l’on effectue une réorganisation de ces discours, il semble que l’on puisse lexicaliser la relation Result(α, γ) — on effectue le test avec du coup.

(293) Test de réorganisation pour les discours en (290) : a. Jean a acheté une glace à Julie. (α)

b. i. Du coup, Marie a piqué une crise de jalousie. (γ) ii. Du coup, Marie était jalouse. (γ)

c. donc il lui a offert un tour de manège. (β)

(294) Test de réorganisation pour le discours en (291) : a. Jean dormait en cours. (α)

b. Du coup/Mais le prof lui a hurlé dessus, (γ) c. donc il s’est réveillé. (β)

(295) Test de réorganisation pour le discours en (292) : a. Jean vivait à Strasbourg, (α)

b. Du coup/Mais ses enfants lui manquaient, (γ) c. donc il est revenu à Paris. (β)

Inférence d’une causalité ou d’une relation adversative La lexicalisation de Result(α, γ) lors de la réorganisation est possible, mais on observe pour les réorganisations en (294) et (295) que la lexicalisation d’une relation adversative l’est également — le test est effectué avec mais. Lorsque le test de réorganisation permet ainsi l’introduction d’un indice de relation adversative, il semble que dans le discours initial, la relation Narration(α, β) soit accompagnée d’une relation adversative, et que puis ait un rôle de clôture, que nous avons mentionné précédemment et qui a été mis en évidence par Bras et al. (2003). Dans les contextes où puis endosse un rôle de clôture et où à la relation Narration vient s’ajouter une relation adversative, comme en (296), Bras et al. (2003) notent que : puis « permet [...]

d’imposer une borne droite à la situation décrite par la proposition à l’imparfait » ; il ne peut être supprimé sans produire un discours incohérent — voir (297)17; on peut observer

une incompatibilité temporelle entre les propositions reliées.

(296) Le docteur se taisait. Puis il dit à sa mère de ne pas pleurer. (297) # Le docteur se taisait. Il dit à sa mère de ne pas pleurer.

Reprenons l’exemple du discours en (291). En ce qui concerne les liens entre (α) et (β), on peut associer au contenu de l’unité (α) une propriété de la forme dormir(x), et au contenu de l’unité (β) la négation de cette propriété, car l’état résultant de eβ est : Jean ne dort plus.

Les unités (α) et (β) décrivent donc des propriétés incompatibles, ou plutôt des propriétés temporellement incompatibles, c’est-à-dire qu’elles ne peuvent être toutes les deux vraies au même moment. Nous pensons que dans ces emplois, la relation adversative établie entre (α) et (β) est plus proche de Violation que d’une autre relation adversative : d’une part, notamment du fait de la cooccurrence avec une succession temporelle18

, la relation n’est pas symétrique ; d’autre part, elle met en jeu des contenus incompatibles, comme dormir(x) et ¬dormir(x). Observons maintenant les liens entre (α) et (γ). D’une part, on a l’établissement d’un lien causal, cause(eα, eγ). Ceci correspond à l’établissement d’une chaîne causale : Jean

dormait, du coup le prof a hurlé, du coup Jean s’est réveillé. C’est la dimension causale des liens entre (α) et (γ). D’autre part, l’événement eγ est la cause de l’événement qui vient

clôturer l’état eα : Jean dormait, mais le prof a hurlé, du coup Jean s’est réveillé. C’est la

dimension adversative des liens entre (α) et (γ). D’un point de vue sémantique, les liens entre le contenu de (α) et le contenu de (γ) sont donc compatibles à la fois avec l’inférence de Result(α, γ) et l’inférence de Violation(α, γ). Mais du point de vue rhétorique, il n’y a pas de but communicatif identifié du locuteur en ce qui concerne les liens entre les deux unités. Sans marquage additionnel, aucun indice ne favorise l’une de ces inférences possibles.

Inférence d’une relation adversative Il existe également des discours pour lesquels une relation adversative s’ajoute à Narration(α, β), pour lesquels une relation adversative peut être inférée entre (α) et (γ), sans qu’il y ait inférence d’un lien causal entre eα et

eγ. C’est par exemple le cas pour les discours en (298) et (299), qui couvrent les quatre

configurations envisagées selon le type des éventualités eα et eγ.

(298) a. Pierre a été emprisonné. (α) b. Puis il a été libéré (β)

c. i. car il a été innocenté. (γ) ii. car il était innocent. (γ) (299) a. Pierre était en prison. (α)

b. Puis il a été libéré (β)

c. i. car il a été innocenté. (γ) ii. car il était innocent. (γ)

17. Cet exemple est repris à Bras et al. (2003).

18. Nous avons vu dans le chapitre précédent que la relation Violation est compatible avec une succession temporelle.

On observe que le rôle de clôture peut être endossé par puis lorsqu’il relie un état et un événement, comme en (299), mais aussi lorsqu’il relie deux événements, comme en (298). Ici, puis marque une clôture : il impose une borne droite non pas à un état décrit à sa gauche, mais à l’état résultant de l’événement décrit à sa gauche.

7.2.3 Bilan

Dans les sections précédentes, nous avons décrit un certain nombre d’inférences possibles à partir de la prémisse Narration(α, β) ∧ Explanation(β, γ). Nous avons vu que, compa- rativement à ce que l’on a observé pour la prémisse Result(α, β) ∧ Contrast(β, γ) étudiée dans le chapitre précédent, ces inférences possibles sont nombreuses, et peuvent parfois se recouvrir : on peut inférer des liens temporels et des liens causaux, par exemple. Nous avons également vu que l’inférence d’un lien temporel n’est pas toujours accompagné de l’établis- sement d’une relation rhétorique. Nous reportons à la Table 7.6 les différentes inférences de relations rhétoriques identifiées, que nous avons présentées au cours de cette section.

Type de l’éventualité eα Event Event State State

Type de l’éventualité eγ Event State Event State

Narration(α, γ) + − (+) − Background Backward(α, γ) − + − + Background Forward(α, γ) − − + − Flashback(α, γ) + + + + Result(α, γ) + + + + Violation(α, γ) + + + +

Table 7.6 – Inférences possibles pour les différents cas traités

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