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Background et recouvrement temporel

Dans le document Vers une algèbre des relations de discours (Page 183-186)

7.2 Inférences identifiées

7.2.1 Relations de la classe temporelle

7.2.1.2 Background et recouvrement temporel

Dans cette section, nous traitons des contextes discursifs dans lesquels la présence de la prémisse Narration(α, β) ∧ Explanation(β, γ) donne lieu à l’inférence de la relation Background(α, γ) et/ou d’un recouvrement temporel entre eα et eγ. Comme nous l’avons

vu à la section 7.1, la relation Background implique un événement et un état qui constitue l’arrière-plan de cet événement. La relation se manifeste dans deux contextes distincts : soit l’événement est décrit avant l’état, et l’on est en présence de Background Backward ; soit l’événement est décrit après l’état, et l’on est en présence de Background Forward.

Nous présentons ici différents cas identifiés pour lesquels il y a inférence de Background(α, γ) et/ou d’un recouvrement temporel entre eα et eγ. On regroupe ces cas en fonction des types

d’éventualités décrites dans les discours concernés : les cas dans lesquels eα est événement

et eγ un état ; les cas dans lesquels eα et eγ sont des états ; les cas dans lesquels eα est un

état et eγ un événement14.

Cas où (α) décrit un événement et (γ) décrit un état Pour ces cas, nous avons identifié deux inférences possibles : l’inférence d’un recouvrement temporel (et/ou spatial) entre eα et eγ sans inférence de Background Backward(α, γ) ; l’inférence d’un recouvrement

temporel (et/ou spatial) entre eα et eγ avec inférence de Background Backward(α, γ). Ces

deux cas d’inférence sont respectivement illustrés par les discours en (272) et (273).

(272) a. Jean est allé chez le coiffeur, (α) b. puis il est passé voir sa mère (β)

c. parce qu’ elle est malade. (γ) (273) a. Jean est entré dans la pièce, (α)

b. puis il a allumé la lumière (β) c. parce qu’ il faisait très sombre. (γ)

Dans le discours en (272), on infère qu’au moment où Jean est allé chez le coiffeur, sa mère était déjà malade. On a donc un recouvrement temporel entre les intervalles temporels correspondant à ces deux éventualités. Plus précisément, on a during(eα, eγ). Mais il n’existe

pas de lien rhétorique direct entre les unités (α) et (γ). D’ailleurs, si l’on supprime l’unité (β) — voir le discours en (274) — on peut éventuellement inférer un lien entre les unités (α) et (γ)15

, mais ce lien n’est pas présent dans le discours initial : il y a modification de

14. Pas d’inférence de Background possible entre deux événements.

15. Par exemple, on peut inférer que Jean n’a le temps d’aller chez le coiffeur que lorsque sa mère est malade, ou qu’il va se faire couper les cheveux pour lui faire plaisir, etc.

l’interprétation en ce qui concerne le lien entre (α) et (γ). La suppression de (β) n’est donc pas possible.

(274) Test de suppression pour (272) : a. Jean est allé chez le coiffeur. (α) b. 6= Sa mère est malade. (γ)

Observons maintenant le discours en (273). Dans ce discours, on infère qu’il faisait sombre dans la pièce au moment où Jean y est entré — jusqu’au moment où il a allumé la lumière. On a donc un recouvrement temporel et spatial entre les éventualités en eα et eγ16. D’ailleurs,

si l’on applique le test de suppression à ce discours, on obtient le discours en (275). Il n’y a pas de modification de l’interprétation en ce qui concerne le lien entre (α) et (γ) : la suppression est donc possible, et l’on établit un lien rhétorique entre ces deux unités. Dans ce type de discours, la relation Background Backward(α, γ) est inférée — l’arrière-plan est décrit dans la seconde unité.

(275) Test de suppression pour (273) : a. Jean est entré dans la pièce. (α) b. Il faisait très sombre. (γ)

Nous avons identifié certains des paramètres ayant un impact sur l’inférence de Background Backward. En observant les contextes dans lesquels les événements eα et eβ sont décrits par

des verbes au passé composé, on constate que si l’état eγ est décrit par un verbe au présent,

l’inférence de Background Backward n’est pas permise. En revanche, si l’état eγ est décrit

par un verbe au présent, l’inférence de Background Backward est permise. Les discours en (276) et (277) illustrent ces deux cas. Dans le discours en (276), on infère que le père vit à 5 kilomètres de Strasbourg, et que Marie voulait s’en rapprocher. Il n’y a pas d’inférence de Background Backward(α, γ) — on n’infère pas que le père vit à 5 kilomètres de Paris. Pour le discours en (277), deux interprétations sont possibles. La première correspond à celle du discours en (276). Dans la seconde on infère que le père vit à 5 kilomètres de Paris et que Marie voulait s’en éloigner. Cette seconde interprétation correspond à l’inférence de Background Backward(α, γ).

(276) a. Marie s’est installée à Paris avec ses enfants. b. Puis elle a déménagé à Strasbourg

c. car leur père vit à 5 kilomètres.

(277) a. Marie s’est installée à Paris avec ses enfants. b. Puis elle a déménagé à Strasbourg

c. car leur père vivait à 5 kilomètres.

La connaissance du monde et la sémantique lexicale guident également l’interprétation. Par exemple, pour interpréter les discours en (278), on exploite une règle générale de raisonne- ment que l’on pourrait gloser ainsi : le fait que les loyers soient très élevés dans une ville peut causer que l’on quitte cette ville. Dans le discours avec (278c-i), cette règle est ex- ploitée, et l’on infère que (γ) ne peut décrire que la situation à Paris : les loyers sont très

16. Plus précisément, il y a un recouvrement entre Poststate(eα)et eγ, ainsi qu’entre Prestate(eβ)et eγ,

élevés à Paris, pas à Strasbourg. La cohérence du discours avec (278c-i) nous permet de montrer que si les temps verbaux des unités en (α), (β) et (γ) sont (passé composé, passé composé, imparfait), l’attachement de (γ) à (α) par la relation Background Backward est permise. Observons maintenant les discours avec (278c-ii) et (278c-iii). Dans le discours avec (278c-ii), on fait varier le temps verbal en (γ), et les temps verbaux des unités sont (passé composé, passé composé, présent). Ce discours semble peu acceptable. En effet, les temps verbaux favorisent une interprétation dans laquelle (γ) décrirait la situation à Strasbourg. Mais cette interprétation est bloquée par une règle générale de raisonnement qui pourrait être glosée ainsi : le fait que les loyers soient très élevés dans une ville ne peut pas causer que l’on emménage dans cette ville. Le discours avec (278c-iii) est incohérent. Ici, c’est la présence de l’adverbe pronominal y qui semble favoriser ou forcer une interprétation dans laquelle (γ) décrit la situation à Strasbourg. Encore une fois, cette interprétation est bloquée par une règle générale de raisonnement.

(278) a. Marie s’est installée à Paris avec ses enfants. (α) b. Puis elle a déménagé à Strasbourg (β)

c. i. parce que les loyers étaient très élevés. (γ) ii. ? parce que les loyers sont très élevés. (γ) iii. # parce que les loyers y étaient très élevés.

Cas où (α) et (γ) décrivent des états Les cas dans lesquels (α) et (γ) décrivent des états ne sont pas susceptibles de donner lieu à l’inférence de Background Backward(α, γ) si l’on s’en tient à la définition qui en est fournie par Asher et al. (2007), qui stipule que l’avant- plan dans une relation de Background doit décrire un événement. Néanmoins, si l’on observe un discours comme en (279), on constate que l’inférence de Background Backward(α, γ) est possible entre deux unités décrivant des états. D’une part, il existe un recouvrement temporel et spatial entre (α) et (γ), et d’autre part, la réorganisation du discours en (280), avec insertion du connecteur lorsque aboutit à un discours cohérent.

(279) a. Marie vivait à Paris,

b. puis elle a déménagé à Strasbourg c. car les loyers étaient très élevés. (280) Test de réorganisation :

a. Lorsque Marie vivait à Paris, b. les loyers étaient très élevés.

c. Du coup elle a déménagé à Strasbourg.

Cas où (α) décrit un état et (γ) décrit un événement Nous avons vu à la section précédente que pour les discours comme en (268), repris ici en (281), les unités (α) et (γ) réunissent toutes les conditions pour que Background Forward(α, γ) soit inférée. De plus, on peut réorganiser le discours en lexicalisant Background Forward(α, γ) par l’insertion du connecteur lorsque (en antéposition). Dans ces cas, l’éventualité eβ (la démission de Max)

décrit un changement d’état (Max est convoyeur de fonds, puis Max n’est plus convoyeur de fonds) et Prestate(eβ) est égal à eα. L’événement eγ (l’agression) est la cause de ce

(281) a. Max était convoyeur de fonds, (α) b. puis il a démissionné (β)

c. car il a été agressé. (γ) (282) Test de réorganisation :

a. Lorsque Max était convoyeur de fonds, (α) b. il a été agressé. (γ)

c. Du coup il a démissionné. (β)

Nous dressons à la Table 7.4 un petit bilan en ce qui concerne la possibilité d’inférence de Background(α, γ) pour les cas traités dans cette section.

Type de l’éventualité eα Event Event State State

Type de l’éventualité eγ Event State Event State

Possibilité d’inférence de Background Backward(α, γ) − + − +

Possibilité d’inférence de Background Forward(α, γ) − − + −

Table 7.4 – Inférence de Background(α, γ) pour les différents cas traités

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