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2.2 Les relations de discours

2.2.2 Les ensembles de relations de discours

2.2.2.6 Bilan

Dans les sections précédentes, nous avons présenté différents jeux de relations, en tentant d’identifier leurs points communs et leurs divergences. Dans cette section, nous proposons un bilan succinct concernant ces différents jeux de relations, et l’approche adoptée dans la définition des relations au sein de chacun d’eux. L’observation des correspondances entre jeux de relations et des distinctions prises en compte nous permet de motiver à la section suivante le jeu de relation adopté, et la définition des relations exploitée dans notre travail.

Les premiers travaux que nous avons présentés sont ceux de Sanders et al. (1992, 1993); Spooren & Sanders (2008), dont l’objectif est de fournir une taxonomie des relations de discours. La taxonomie proposée par Sanders et al. permet de caractériser les relations de discours en fonction de « réponses » à des questions binaires, comme : la relation opère-t- elle au niveau sémantique ou au niveau pragmatique ? La taxonomie peut ainsi être utilisée pour caractériser les relations contenues dans d’autres jeux de relations, comme ceux de la RST et la SDRT, ainsi que pour mettre en évidence les distinctions prises en compte dans les hiérarchies de relations. Nous avons cependant souligné que la taxonomie présente cer- taines lacunes, en particulier en ce qui concerne les relations additives. Dans la taxonomie, les relations additives sont résumées à des relations exprimant une conjonction — elles impliquent la présence de deux propositions P et Q telles que l’on ait : P ∧ Q. Dès lors, ces relations sont systématiquement considérées comme symétriques — P ∧ Q équivalant à Q∧ P —, et la primitive sur l’ordre des arguments (basique ou non basique) ne peut leur être appliquée. Or, cette définition des relations additives — qui dans la taxonomie de Sanders et al. est censée couvrir toutes les relations n’exprimant pas une causalité — ne permet pas de caractériser les cas où, dans un discours, une unité discursive a pour fonction d’apporter une information supplémentaire à l’information contenue dans une autre unité. Par exemple, elle ne permet pas de caractériser certaines des relations s’établissant dans un discours comme en (71), dans lequel les unités en (71b–71d) ont pour fonction d’élaborer le contenu de l’unité en (71a).

b. Elle a a d’abord longé la rivière. c. Ensuite, elle traversé la forêt.

d. Pour finir, elle a fait un petit tour dans le village.

Les relations additives peuvent être asymétriques. Elles peuvent donc être découpées en deux groupes : un premier groupe de relations symétriques, couvrant notamment des rela- tions comme Continuation (SDRT), List (RST), ou Contrast (RST) ; un second groupe de relations asymétriques, couvrant notamment la relation Elaboration (SDRT) et la rela- tion Summary (RST), pour lequel la distinction sur l’ordre des arguments (basique/non basique) peut s’appliquer, sous réserve d’établir quel est l’ordre basique pour les rela- tions concernées. La définition relativement restreinte de Sanders et al. pour les relations additives a également pour conséquence la non prise en compte des relations dites tem- porelles dans la taxonomie, qui peuvent être vues comme un sous-ensemble des relations additives — dès lors qu’elles n’expriment pas une causalité — asymétriques. Pourtant, ces relations sont largement présentes dans les jeux de relations définis dans les travaux sur le discours. Une autre lacune dans cette taxonomie tient à la définition des relations de pola- rité négative. Premièrement, la définition de la polarité négative proposée par Sanders et al. s’applique avant tout aux relations causales, et la définition est moins claire pour les relation additives. En ce qui concerne les relations causales de polarité négative, la distinction entre celles qui opèrent au niveau sémantique et celles opérant au niveau pragmatique est moins nette que pour les relations causales de polarité positive. Comme nous l’avons déjà dit, la taxonomie de Sanders et al. nous permet de mieux caracté- riser les relations présentes dans les jeux de relations de la RST et de la SDRT. En ce qui concerne les jeux de relations, la RST définit globalement des relations de granularité plus fine que les relations la SDRT. Outre des divergences dans les objectifs initiaux de ces deux théories, à savoir la génération pour la RST et l’analyse pour la SDRT, cette différence peut également être expliquée par l’approche adoptée dans la définition des relations : la RST fournit des définitions très précises des relations, essentiellement descriptives et non formelles ; la SDRT cherche pour sa part à formaliser les conséquences sémantiques des relations, en s’éloignant parfois de la réalité linguistique.

La définition des relations dans la RST présente plusieurs avantages. Cette théorie cherche à décrire les relations en prenant en compte leur dimension rhétorique, c’est-à-dire qu’elle cherche à mettre en évidence les intentions, les buts du locuteur (ou de l’auteur), et les effets sur l’allocutaire (ou le lecteur). À travers la description de ces buts communicatifs, elle définit des relations de granularité fine. Un des principaux avantages de la description des relations dans la RST est d’expliciter les liens entre les relations rhétoriques définies et les intuitions des locuteurs. Bien qu’il soit utile, comme le fait la RST, de décrire les intuitions des locuteurs en ce qui concerne la définition des relations de discours, notamment dans une optique d’annotation manuelle, l’ensemble des relations qu’elle définit présente deux faiblesses importantes : cet ensemble est extensible, et il y a peu de regroupements explicités parmi la multitude de relations définies ; la définition des relations n’est pas faite dans une approche formelle.

En revanche, l’approche adoptée dans la SDRT a l’avantage de fournir une définition for- melle des relations, notamment en explicitant les contraintes sémantiques associées à l’éta- blissement des relations. Elle établit donc le lien entre le contenu sémantique du discours et les relations de discours. Cette approche formelle a l’avantage de s’écarter d’une définition

intuitive des relations de discours, fournissant ainsi des outils théoriques plus solides pour travailler sur ces relations. D’un point de vue moins théorique, elles peuvent également ai- der à la précision de l’annotation en discours26

. Le désavantage de l’approche de la SDRT tient au manque de distance vis-à-vis aux contraintes sémantiques associées aux relations : il est parfois difficile de distinguer les relations de discours des informations sémantiques auxquelles elles sont associées. La dimension rhétorique est encore peu prise en compte dans la définition des relations, et doit être formalisée, comme nous le verrons au chapitre 4, notamment à travers les travaux de Vieu (2007, 2011).

En ce qui concerne la hiérarchie du PDTB, nous retiendrons essentiellement le découpage en quatre classes de relations, que nous reprenons dans notre travail : la classe additive (Expansion), la classe temporelle (Temporal), la classe causale (Contingency) et classe adversative (Comparison).

Dans le document Vers une algèbre des relations de discours (Page 61-63)