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Inférence d’une relation de la classe causale

Dans le document Vers une algèbre des relations de discours (Page 160-164)

6.2 Inférences dans le cas de Concession et de Violation

6.2.1 Inférence d’une relation de la classe causale

Dans cette section, nous présentons les cas où la présence des prémisses Result(α, β) ∧ Concession(β, γ) et Result(α, β) ∧ Violation(β, γ) donnent lieu à l’inférence d’une relation de la classe causale entre les unités (α) et (γ). Nous présentons à la section 6.2.1.1 les cas d’inférence de Result(α, γ), et à la section 6.2.1.2, nous décrivons l’inférence de la relation Explanation(α, γ) à partir d’une structure proche de la prémisse Result(α, β) ∧ Concession(β, γ).

6.2.1.1 Inférence de Result

Le premier cas d’inférence que nous présentons pour la prémisse Result(α, β) ∧ Concession(β, γ) est celui de Result(α, γ), qui a été identifié au cours de l’annotation des

α β γ Result Violation ? Kα Kβ Kα > Kβ Kβ Kγ Kβ > P Kγ > ¬P ¬P Kα > Kβ > P Kγ > ¬P ¬P

Figure 6.5 – Contraintes sémantiques associées à la prémisse Result(α, β) ∧ Violation(β, γ)

discours extraits automatiquement pour l’étude. Nous illustrons ce cas d’inférence par le discours en (233). Dans ce discours, la relation Result(α, β) est signalée par la présence de du coup et la relation Concession(β, γ) est signalée par la présence de même si. Les éven- tualités décrites en (α) et (γ) sont interprétées comme étant causalement reliées : on infère que Pierre est crevé parce qu’il a marché 20 kilomètres.

(233) a. Pierre a marché 20 kilomètres hier. (α) b. Du coup, il se sent bien, (β)

c. même s’ il est crevé. (γ)

Comme nous le voyons en (234), l’insertion en (γ) d’un connecteur signalant la relation Result(α, γ) est possible. Le discours peut également être réorganisé comme en (235), et la relation entre (α) et (γ) peut être lexicalisée par du coup. La relation causale établie entre les éventualités en (α) et (γ) ne peut être réfutée sans produire un discours incomplet, comme on l’observe en (236). Nous en concluons que dans les discours comme en (233), la relation Result(α, γ) est inférée, et qu’une même éventualité (décrite en (α)) a deux effets présentés comme étant normalement incompatibles, et plus précisément, l’effet présenté en (γ) est décrit comme pouvant produire une attente qui est niée par l’effet présenté en (β).

(234) Test d’insertion après suppression de du coup en (β) : a. Pierre a marché 20 kilomètres hier. (α)

b. Il se sent bien, (β)

c. même s’ il est crevé, (du coup). (γ) (235) Test de réorganisation :

a. Pierre a marché 20 kilomètres hier. (α) b. (Du coup) il est crevé. (γ)

(236) Test de réfutation :

a. Pierre a marché 20 kilomètres hier. (α) b. Du coup, il se sent bien, (β)

c. même s’ il est crevé. (γ)

d. # Mais il n’est pas crevé parce qu’il a marché 20 kilomètres. (δ)

L’inférence de Result(α, γ) à partir de la prémisse Result(α, β)∧Violation(β, γ) est également possible, comme on l’observe dans le discours réorganisé en (235) et repris en (237).

(237) a. Pierre a marché 20 kilomètres hier. (α) b. Du coup, il est crevé. (β)

c. Mais il se sent bien. (γ)

Nous observons donc que l’inférence de Result(α, γ) est commune aux trois prémisses Result(α, β)∧Contrast(β, γ), Result(α, β)∧Concession(β, γ) et Result(α, β)∧Violation(β, γ). Les trois déductions présentent une similarité : dans les discours qu’elles couvrent, une même éventualité a deux effets distincts impliquant la présence de propriétés incompatibles. Dans le cas où l’on a Concession(β, γ) ou Violation(β, γ), ces effets sont présentés comme nor- malement incompatibles ou contradictoires. Ils peuvent impliquer une seule et même entité — comme Pierre en (233) — à laquelle sont attribuées les deux propriétés — être crevé et se sentir bien. Dans le cas où l’on a Contrast(β, γ), les deux effets sont présentés comme étant en opposition sémantique, mais ne sont pas contradictoires. On peut formuler pour les prémisses Result(α, β) ∧ Concession(β, γ) et Result(α, β) ∧ Violation(β, γ) une règle simi- laire à celle que nous avons formulée pour la prémisse Result(α, β) ∧ Contrast(β, γ), à savoir que l’inférence de Result(α, γ) peut avoir lieu lorsque l’éventualité décrite en (γ) est une cause possible de l’éventualité en (α) — ce que l’on exprime par le prédicat causeD. Nous

formulons ces règles en (238) et (239).

(238) ?(α, γ) ∧ Result(α, β) ∧ Concession(β, γ) ∧ causeD(α, γ) > Result(α, γ)

(239) ?(α, γ) ∧ Result(α, β) ∧ Violation(β, γ) ∧ causeD(α, γ) > Result(α, γ)

6.2.1.2 Une structure proche et l’inférence de Explanation

Le second cas d’inférence que nous présentons est celui de la relation Explanation(α, γ) dans des discours comme en (240), où la relation Result est marquée par du coup et la relation Concession par pourtant. Ce cas n’a pas été rencontré dans les données annotées, mais nous l’avons identifié au cours du travail d’introspection et de construction manuelle de discours.

Dans le discours en (240), on infère que Pierre a préparé le dîner parce qu’il voulait faire plaisir à Marie, ou dans l’intention de faire plaisir à Marie. La relation établie entre (α) et (γ) est une relation d’opération causale, et l’on peut, à partir des tests de réorganisation et de réfutation, établir que la relation Explanation(α, γ) est inférée — voir les discours en (241) et (242). En revanche, le test d’insertion ne peut pas être mis en oeuvre pour iden- tifier l’inférence de Explanation, puisqu’il n’existe pas, à notre connaissance, de marqueur adverbial pour cette relation en français.

(240) a. Pierre a préparé le dîner (α) b. Du coup, Marie s’est énervée. (β)

c. Pourtant, il voulait lui faire plaisir. (γ) (241) Test de réorganisation :

a. Pierre a préparé le dîner (α)

b. parce qu’ il voulait faire plaisir à Marie, (γ) c. mais elle s’est énervée. (β)

(242) Test de réfutation :

a. Pierre a préparé le dîner (α) b. Du coup, Marie s’est énervée. (β)

c. Pourtant, il voulait lui faire plaisir. (γ)

d. # Mais il n’a pas préparé le dîner parce qu’ il voulait lui faire plaisir. (δ)

L’inférence de Explanation(α, γ) est limitée à des contextes bien précis, dans lesquels la cause décrite en (γ) est l’attente d’un résultat — dans la RST, il existe une relation corres- pondante, la relation Volitional Cause. Cette attente appartient au contenu propositionnel de (γ). Dans le discours en (240), l’attente — faire plaisir à Marie — est exprimée grâce à la présence du verbe vouloir. Dans ce type de discours, la relation Concession met donc en jeu une attente qui est explicitée.

Reprenons les différents liens établis dans le discours en (240). Marie s’est énervée parce que Pierre a préparé le dîner, ce qui correspond à l’établissement de Result(α, β), avec les contraintes sémantiques : Kα ∧ Kβ ∧ (Kα > Kβ). Pierre a préparé le dîner parce qu’il

voulait faire plaisir à Marie, ce qui correspond à l’établissement de Explanation(α, γ), avec les contraintes sémantiques : Kγ∧ Kα∧ (Kγ > Kα). Contrairement à l’attente de Pierre,

le fait qu’il ait préparé le dîner n’a pas fait plaisir à Marie (Marie s’est énervée), ce que l’on pourrait représenter par les contraintes (Kα > P) ∧ (Kβ >¬P ) ∧ ¬P , dans lesquelles

l’attente P peut être glosée par Marie est contente, et sa violation ¬P par Marie n’est pas contente. Cependant, ces contraintes correspondent à l’établissement de la relation Violation entre (α) et (β). Or il n’y a pas de marquage de cette relation, et ces deux unités sont même reliées par Result, dont la présence est incompatible avec celle de Violation.

On peut donc se demander quelle est la portée de la relation Concession marquée par pourtant dans le discours en (240). Nous pensons que dans les discours comme en (240), la relation Concession met en jeu une attente et une violation qui sont des liens causaux : en (240), l’attente peut être glosée par que Pierre prépare le dîner cause la joie de Marie et la violation par que Pierre prépare le dîner ne cause pas la joie de Marie. Nous ne sommes donc pas en présence de la prémisse Result(α, β) ∧ Concession(β, γ), mais d’une structure proche, dans laquelle l’argument gauche de Concession couvre les unités (α) et (β). Dans les discours comme en (240), dans lesquels un résultat attendu est explicité, on est en présence d’une relation proche de la relation Goal, ce que l’on peut mettre en évidence par la réorganisation du discours en (240) présentée en (243) — la relation Goal est ici signalée par pour. Comme nous l’avons vu à la section 2.2.2.2 (page 49), cette relation est d’opération causale, mais l’orientation de la causalité peut être envisagée sous deux angles.

a. Pierre a préparé le dîner (α) b. pour faire plaisir à Marie, (γ)

c. mais elle s’est énervée. (β)

Dans le document Vers une algèbre des relations de discours (Page 160-164)