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La notion de fermeture temporelle

Dans le document Vers une algèbre des relations de discours (Page 111-114)

3.2 L’identification des relations de discours

4.1.3 Comparaison « sémantique » de structures

4.1.3.1 La notion de fermeture temporelle

Une des méthodes qui peuvent être utilisées pour comparer des annotations temporelles au niveau sémantique (et pas au niveau syntaxique) est de calculer la fermeture temporelle de ces annotations, comme le souligne Verhagen (2005) :

la fermeture temporelle peut servir à convertir des annotations sémantiquement identiques en annotations syntaxiquement identiques3

.

Le calcul de la fermeture temporelle s’appuie sur un raisonnement temporel formalisé par des règles d’inférence de liens temporels. Nous illustrons à la Figure 4.1 le calcul de la fermeture temporelle d’une annotation temporelle — ou plus précisément d’un graphe tem- porel. La structure de départ contient quatre éventualités (e1, e2, e3 et e4) et les relations

before(e1, e2)4, before(e2, e3) et before(e3, e4) — la relation before est représentée par l’éti-

quette b sur les arcs du graphe5

. À partir de ces trois relations, dans un premier temps, deux relations peuvent être déduites : before(e1, e3) et before(e2, e4) — les relations issues d’un

raisonnement temporel sont représentées par des flèches en pointillés. Ces deux relations peuvent être déduites grâce à un raisonnement temporel que l’on peut formaliser avec la règle : before(ei, ej) ∧ before(ej, ek) → before(ei, ek)6. Dans un second temps, cette même

règle peut être appliquée en considérant les relations déduites. Par exemple, la présence de before(e1, e4) peut être déduite à partir de la présence des relations before(e1, e3) et de

before(e3, e4).

Dans différents travaux (Setzer & Gaizauskas, 2000; Setzer et al., 2003; Verhagen, 2004, 2005; Mani et al., 2006), le calcul de la fermeture temporelle des graphes temporels est utilisé pour la comparaison d’annotations temporelles. Deux annotations d’un même texte

1. Traduit de (Katz & Arosio, 2001) : we associate with each verb a temporal interval, and concern ourselves with relations among these intervals.

2. Traduit de (Verhagen, 2005) : [...] temporal annotations need to be compared at the semantic level and not the syntactic level.

3. Traduit de (Verhagen, 2005) : Temporal closure can be used to map semantically identical annotations onto syntactically identical annotations.

4. Les relations temporelles sont généralement notées comme des opérateurs en notation infixe, comme e1 before e2.

5. La relation before appartient à l’ensemble de relations temporelles défini par Allen (1983), que nous présentons à la section 4.1.3.3. Cette relation correspond à une succession temporelle, précédemment expri- mée avec le symbole ≺.

e1 e2 e3 e4

b b b

b b

b

Figure 4.1 – La fermeture temporelle d’un graphe

sont alors comparées en termes d’équivalence ou de recouvrement de leurs fermetures tempo- relles. Comme on l’observe à la Figure 4.2, la comparaison de deux annotations temporelles peut être améliorée par le calcul de leurs fermetures temporelles, car celui-ci permet de représenter les informations implicites communes aux deux annotations. Avant le calcul de leurs fermetures temporelles, les deux annotations de la Figure 4.2 contiennent chacune trois relations, et une seule de ces relations est commune : before(e1, e2). Après le calcul de leurs

fermetures temporelles, les deux annotations contiennent chacune quatre relations, et elles ont trois relations communes : before(e1, e2), before(e1, e3) et before(e1, e4).

e1 e2 e3 e4 b b b b e1 e2 e3 e4 b b b b

Figure 4.2 – Calcul de la fermeture temporelle pour la comparaison d’annotations

Dans les exemples que nous venons de voir, la règle impliquée dans le calcul des ferme- tures temporelles est : before(ei, ej) ∧ before(ej, ek) → before(ei, ek). L’application de cette

règle aboutit à la déduction d’une seule relation temporelle (before) entre les éventuali- tés ei et ek. Cependant, toutes les prémisses de règles ne donnent pas lieu à la déduc-

tion d’une seule relation temporelle : la déduction peut être une disjonction de relations, ce qui revient à déduire que la relation entre deux éventualités appartient à un sous- ensemble de relations temporelles. Par exemple, la règle overlaps(ei, ej) ∧ overlaps(ej, ek) →

before(ei, ek) ∨ meets(ei, ek) ∨ overlaps(ei, ek)7 permet de déduire que la relation entre

les éventualités ei et ek appartient au sous-ensemble de relations {before, meets, overlaps}.

Comme nous le verrons à la section 4.1.3.3, la déduction de disjonctions pour une prémisse de règle donnée est dépendante de l’ensemble de relations adopté, c’est-à-dire le niveau de granularité adopté pour définir les relations temporelles. Les métriques d’évaluation définies dans le cadre de la campagne TempEval (Verhagen et al., 2007) prennent en compte les disjonctions de relations. Deux versions des mesures de rappel et de précision sont définies : des mesures strictes (strict metrics), qui considèrent par exemple que les labels before et before ∨ overlaps sont différents, et des mesures relâchées (relaxed metrics), qui considèrent qu’il y a une correspondance entre ces deux mêmes labels.

Les règles permettant de calculer la fermeture temporelle de graphes sont, comme nous l’avons vu, utiles à la comparaison de différentes annotations. Mais elles sont également utiles lorsqu’elles sont appliquées à une seule annotation. Dans le cas de l’annotation ma- nuelle, l’application de règles d’inférence de relations temporelles à la structure en cours d’annotation peut permettre de soumettre automatiquement à la validation de l’annota- teur des relations découlant de celles qu’il a déjà annotées ou validées (Setzer et al., 2003). Dans le cas de l’annotation automatique, l’utilisation de règles d’inférences permet de res- treindre les relations possibles entre deux intervalles temporels, ce qui facilite la tâche de prédiction de la relation (Chambers & Jurafsky, 2008; Denis & Muller, 2010), même dans le cas où la déduction est une disjonction de relations. Enfin, les règles d’inférences sont utiles à la détection d’incohérences dans une annotation temporelle, qu’elle soit manuelle ou automatique. Considérons par exemple la structure temporelle de la Figure 4.3. Trois relations sont annotées : before(e1, e2), before(e2, e3) et after(e1, e3)8. La déduction de la

relation before(e1, e3) à partir des relations before(e1, e2) et before(e2, e3) permet de déduire

que l’annotation présente une incohérence : les relations before et after sont incompatibles.

e1 e2 e3

b b

b a

Figure 4.3 – Calcul de la fermeture temporelle pour la détection d’incohérences

La déduction d’informations implicites est également utilisée dans le cadre de l’évaluation de systèmes identifiant les chaînes de coréférence dans un texte (Vilain et al., 1995). La déduction de ces informations s’appuie sur le raisonnement suivant : si l’expression i coréfère avec l’expression j et que l’expression j coréfère avec l’expression k, alors e1 coréfère avec

e3. De plus, comme pour l’annotation temporelle, la tâche de résolution de coréférence peut être améliorée par le calcul des informations implicites (Denis & Baldridge, 2009).

7. Cette règle utilise les relations définies dans l’algèbre temporelle de Allen (1983), que nous présentons à la section suivante.

8. La relation after appartient à l’ensemble de relations temporelles défini par Allen (1983). Cette relation correspond à une précédence temporelle, précédemment exprimée avec le symbole ≻.

Nous avons introduit dans cette section la notion de fermeture temporelle, dont le calcul consiste à expliciter les informations dans une annotation. La fermeture temporelle est donc la représentation maximale des conséquences temporelles d’un graphe. À la section suivante, nous présentons des notions reliées, qui sont définies dans le but d’identifier non pas la représentation maximale d’une annotation, mais la représentation minimale, c’est-à-dire les informations que l’on pourrait qualifier d’essentielles.

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