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(A) Le recours à la volonté du législateur pour éclairer un texte obscur

La reconnaissance du pouvoir d’interprétation du juge a mis du temps à s’implanter dans la pratique jurisprudentielle et la doctrine française. En effet, il fut longtemps considéré que l’interprétation d’une norme ne pouvait être donnée que par l’autorité d’où émanait le texte253

. La loi des 16-24 août 1790 sur l’organisation judiciaire prévoyait, à l’article 12 du Titre II, que les juges « ne pourront faire de règlements, mais ils s’adresseront au corps législatif toutes les fois qu’ils croiront nécessaire, soit d’interpréter une loi, soit d’en faire une nouvelle ». La mise en place de ce référé s’expliquait par la méfiance du législateur

252 D. M

AUS, « À la recherche “des travaux préparatoires” de la Constitution de 1958 », RFDC, 1999, p. 681.

253 R. O

révolutionnaire à l’égard des juges254

. Il fut cependant l’objet de nombreuses critiques car il aboutissait à remettre la solution d’un litige à un organe politique qui pouvait mettre un temps considérable à approuver une interprétation, suspendant de façon indéfinie le cours de la justice255

. Il fut donc abrogé par la loi du 30 juillet 1828 sur l’interprétation des lois et par celle du 1er

avril 1837 relative à l’autorité des arrêts par la Cour de cassation après deux pourvois. Le privilège d’interprétation fut néanmoins maintenu durant tout le XIXe

siècle pour les actes administratifs. Malgré cet abandon du référé au législateur, la représentation de la loi comme expression de la volonté nationale continua à influencer la conception du juge de son office, en limitant son recours à l’interprétation de la loi.

Cette prudence dans l’interprétation se manifeste notamment par la distinction fondamentale entre un texte clair et celui qui ne l’est pas256

. Elle fut exprimée pour la première fois dans les conclusions du commissaire du gouvernement REVERCHON prononcées le 16 juillet 1852 sur l’arrêt Merilhou257

. Ainsi, quand le juge se trouve face à un texte clair doté d’un sens certain, il n’a pas le droit de le modifier, quand bien même ce sens ne correspondrait pas à l’intention de ses rédacteurs258

. C’est seulement quand sa formulation est équivoque ou ambiguë que le juge peut faire appel à des méthodes d’interprétation autres que l’application littérale de la disposition. Néanmoins, la distinction entre une norme claire et

254 « Le législateur révolutionnaire, jaloux de son œuvre, et voulant empêcher toute déformation par la

jurisprudence, avait imaginé de se constituer en interprète supérieur de la loi ». (P. ROUBIER, Le droit transitoire.

Conflits des lois dans le temps (1960), Paris : Dalloz, Coll. Bibliothèque Dalloz, 2008, p. 243).

255

Ibid., p. 244.

256 B. G

ENEVOIS, « Le Conseil d’État et l’interprétation de la loi », RFDA, 2002, p. 877.

257 Cité par ibid., p. 879. 258 H. C

APITANT, « Les travaux préparatoires et l’interprétation des lois », in Recueil d’études sur les sources du

droit en l’honneur de François Gény, Tome II, Paris : Librairie du Recueil Sirey, 1934, p. 210.

Par exemple, le Conseil d’État, dans un arrêt concernant le droit de demander l’assistance d’un avocat dès le début du maintien en rétention, a souligné « que, si le législateur, par la loi du 11 mai 1998 qui a modifié l'article 35 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, a prévu que la faculté de demander l'assistance d'un conseil doit s'exercer dès le début du maintien en rétention, cette disposition, dont la portée ne soulève aucune difficulté d'interprétation qui justifierait une référence aux travaux préparatoires, implique seulement que les personnes placées en rétention puissent demander l'assistance d'un avocat, sans qu'il soit nécessaire qu'un avocat soit, grâce à une permanence, accessible à tout moment » (CE, 30 décembre 2002, Ordre des avocats à la cour de Paris, nº 234415, Leb., p. 487). De son côté, le Conseil constitutionnel refuse aussi de recourir à des méthodes complémentaires d’interprétation en cas de texte clair. Ainsi, analysant la constitutionnalité de la dernière loi de finances rectificative pour 1978, il considéra que « contrairement à ce qui figure dans l'exposé des motifs et aux déclarations faites au nom du Gouvernement au cours des débats parlementaires, il résulte des termes mêmes de l'article 16 de la loi soumise au Conseil constitutionnel que ce texte a pour objet et aura pour seul effet d'autoriser, non une cession de créances de l'État, non plus qu'une dation en paiement de créances de l'État, mais l'affectation de certaines recettes à certaines dépenses » (CC nº 78-100 DC du 29 décembre 1978, Dernière loi

de finances rectificative pour 1978 (prise de participation de l'État dans la société A.M.D. - BA ; adaptation de la législation sur la T.V.A. à la sixième directive du Conseil des Communautés européennes), Rec., p. 38 ; JO du 30 décembre 1978, p. 4413). Même si les travaux préparatoires semblaient mener vers une autre conclusion, le Conseil se contente de l’application littérale de la disposition qu’il considère comme « claire ».

une obscure est parfois délicate et, derrière la considération d’une norme comme claire, peut se cacher une opération d’interprétation constructive.

Face à un texte obscur, le juge interne a toute une palette de techniques d’interprétation qu’il utilise à différents degrés259

. Un des outils le plus utilisé parmi cette palette est la recherche de l’intention des auteurs, notamment par le recours aux travaux préparatoires260

. Malgré les objections théoriques et les difficultés pratiques qu’elle peut engendrer261, la méthode historique occupe une place importante parmi les méthodes d’interprétation, notamment pour le juge administratif.

Cette méthode est aussi mobilisée par le Conseil constitutionnel dans le cadre du contrôle a priori262

. En particulier, le Conseil fait appel aux travaux préparatoires pour contrôler la régularité de la procédure parlementaire, dans le cadre du contrôle de la constitutionnalité formelle. Notamment, le Conseil constitutionnel a recours aux travaux préparatoires pour vérifier que la procédure parlementaire respecte les exigences de clarté et de sincérité des débats263. De même, il peut les utiliser afin de vérifier si un amendement susceptible de diminuer les ressources publiques fut l’objet d’une contestation relative à sa recevabilité lors du débat, condition préalable nécessaire pour le contrôle exercé par rapport à l’article 40 de la Constitution264

.

259 Parmi les nombreux outils, on peut mentionner, de manière non exhaustive, la méthode exégétique, la lettre

du texte, l’esprit du texte, l’esprit de la réforme, l’esprit des lois voire l’esprit des parlementaires, l’interprétation téléologique, l’interprétation structuraliste ou systémique, le raisonnement par analogie, le raisonnement a

contrario, a fortiori, contra legem, l’interprétation stricte, littérale, conforme, neutralisante, la formulation des termes, leur généralité ou leurs différences terminologiques, les maximes (C. VOCANSON, « Le texte », in P. DEUMIER (dir.), Le raisonnement juridique. Recherche sur les travaux préparatoires des arrêts, Paris : Dalloz, Coll. Méthodes du droit, 2013, p. 25-26).

260

Loc. cit.

261 Parmi les difficultés pratiques, peuvent être soulignés la problématique de retrouver la volonté du législateur

de textes codifiés dont l’origine peut remonter à des lois centenaires et dont la recherche peut relever d’une véritable « archéologie juridique », reprenant ainsi l’expression du Président GENEVOIS,ou le problème de textes issus d’ordonnances qui n’ont comme travaux préparatoires que le rapport de présentation au Président de la République ou encore le cas de sources normatives qui n’ont pas de travaux préparatoires comme la doctrine administrative, si importante en droit fiscal.

262 Le recours aux travaux préparatoires des lois dans le cadre du contrôle a priori se justifie avant tout par le fait

que le Conseil constitutionnel contrôle la loi avant son entrée en vigueur. La volonté du législateur est un des seuls indices sur lesquels l’interprète peut compter pour clarifier le sens d’une disposition qui n’a pas encore fait l’objet d’une application. Le qualificatif d’historique a moins sa place puisqu’il s’agit d’un contrôle contemporain à ces travaux.

263

À titre d’exemple, CC nº 2013-684 DC du 29 décembre 2013, Loi de finances rectificative pour 2013, Rec. [à paraître], JO du 30 décembre 2013, p. 22232, consid. 22.

264 Par exemple, CC nº 96-384 DC du 19 décembre 1996, Loi de financement de la sécurité sociale pour 1997,

Rec., p. 141, JO du 29 décembre 1996, p. 19380, consid. 4 ou CC nº 98-404 DC du 18 décembre 1998, Loi de

Dans le cadre du contrôle a posteriori, où il est confronté à des lois qui sont déjà en vigueur, le Conseil constitutionnel préfère toutefois garder une approche évolutive où il prend en compte les incidences que l’application de la loi peut avoir sur sa signification. Par conséquent, il applique de plus en plus la théorie dite « du droit vivant », importée d’Italie et selon laquelle « lorsqu’il existe une interprétation de la disposition législative contrôlée, la Cour adopte cette interprétation “vivante” en renonçant à interpréter de façon autonome la disposition mise en cause » 265. Néanmoins, dans le cas de certaines QPC, le Conseil inclut parmi les documents qui accompagnent la décision, un historique des dispositions contestées résumant les travaux préparatoires en relation à la disposition objet de son contrôle266

. Cette pratique était presque systématique durant les premiers mois de la mise en place du contrôle a

posteriori, mais elle est devenue moins fréquente par la suite267

. Pour l’élaboration de ces documents, les services du Conseil peuvent remonter assez loin dans l’histoire parlementaire. Par exemple, lors de l’examen d’une QPC sur les articles L. 451-1 et L. 452-1 à L. 452-5 du code de la sécurité sociale relatifs au régime d'indemnisation des accidents du travail, le dossier documentaire retrace l’origine de ces dispositions jusqu’en 1898 avec la loi concernant la responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail. La présence de ces documents complémentaires démontre ainsi que le juge constitutionnel, malgré le fait de donner une préférence à la méthode évolutive, prend quand même en compte l’histoire et l’origine de la disposition qui fait l’objet de son contrôle.

Dans un sens strict, les travaux préparatoires sont composés de l’exposé des motifs du projet ou de la proposition de loi, les rapports en commission et les débats en séance. L’ensemble de ces documents sont mentionnés en note de bas de page lors de la publication de la loi au Journal Officiel et sont accessibles au public. Toutefois, de l’étude des

265 C. S

AVERINO, La doctrine du droit vivant, Aix-en-Provence : PUAM, Coll. Droit public positif, 2003, p. 13. Pour une application de cette théorie dans la jurisprudence v. CC nº 2011-216 QPC du 3 février 2012, M. Franck

S., Rec., p. 101, JO du 4 février 2012 p. 2075.

266 Cet historique, élaboré par les services de la documentation du Conseil, peut faire partie du dossier

documentaire qui accompagne la décision (c’est le cas, par exemple, de la décision CC nº 2010-3 QPC du 28 mai 2010, Union des familles en Europe, Rec., p. 97, JO du 29 mai 2010 p. 9730 qui, dans le dossier documentaire retrace les travaux préparatoires de plusieurs dispositions des années 1940, qui sont à l’origine de l’article L. 211-3 du code de l’action sociale et de la famille, objet de la QPC) ou faire l’objet d’un document à part (par exemple, la décision CC nº 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, M. Daniel W. et autres, Rec., p. 179, JO du 31 juillet 2010 p. 14198 où l’exposé des motifs d’une loi de 1957 ainsi que les travaux préparatoires des différentes dispositions relatifs au régime de la garde à vue sont présentés dans un document à part intitulé « Historique »). Dans tous les cas, ces documents sont disponibles sur le site internet du Conseil.

267 Parmi les 324 décisions QPC rendues au 1er mars 2014, 28 présentent un examen de l’historique parlementaire

parmi leur documentation complémentaire. Toutes ces décisions ont été rendues durant les premiers mois de la QPC, à l’exception de la décision CC 2013-366 QPC du 14 février 2014, SELARL PJA, ès qualités de

conclusions des rapporteurs, il est possible d’observer une conception plus large pour inclure d’autres sources, comme les rapports d’un comité de réflexion ou les avis donnés par le Conseil d’État dans sa fonction de conseil. Par exemple, dans ses conclusions sous l’arrêt

MM. Hollande et Mathus relatif à la question de savoir si les interventions du président de la République pouvaient ne pas être prises en compte pour l’appréciation du respect du pluralisme par les médias audiovisuels, le rapporteur eut recours, pour clarifier la volonté du constituant qui avait inséré des dispositions relatives au respect du pluralisme dans les médias dans la Constitution, aux rapports du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve

République (Comité Balladur)268 .

Le recours aux travaux préparatoires est surtout mobilisé pour les lois les plus récentes, même si cela pourrait paraître un oxymore par rapport à la qualification d’historique de cette méthode d’interprétation. En effet, suivant le conseil de F. LUCHAIRE d’après lequel « plus un texte est ancien et plus le juge doit se reconnaître de liberté pour l’interpréter »269

, les juges sont plus enclins à avoir recours aux travaux préparatoires des lois les plus récentes. Pour les lois les plus anciennes, le juge a tendance à se laisser une plus grande marge d’appréciation, afin de les adapter aux circonstances qui ont pu évoluer depuis le moment de la promulgation de la disposition en cause. Néanmoins, le juge peut faire référence à des travaux préparatoires de normes assez anciennes, les combinant avec d’autres dispositions plus récentes, afin de démontrer une application constante des dispositions270.

La référence aux travaux préparatoires peut se faire sous diverses modalités. Combinant la typologie mise en place par le professeur P. GÉRARD271 avec l’analyse de la

jurisprudence du Conseil d’État et du Conseil constitutionnel, il est possible d’identifier trois grandes catégories. Le juge peut, tout d’abord, faire une référence globale ou un appel général à la volonté du législateur sans donner plus de précisions. Ces références ont avant tout une

268 C.

DE SALINS, « Conclusions sous CE, Ass., 8 avril 2009, MM. Hollande et Mathus, nº 311136 », RFDA, 2009 p. 351.

269 F. L

UCHAIRE, « La lecture actualisée de la Déclaration de 1789 », in La Déclaration des droits de l’homme et

du citoyen et la jurisprudence (actes du colloque des 25 et 26 mai 1989 au Conseil constitutionnel), Paris : PUF, 1989, p. 217.

270 Par exemple, dans le cas du régime fiscal des sociétés mères, le Conseil d’État prit en compte « en particulier

les travaux préparatoires de l'article 27 de la loi du 31 juillet 1920 portant fixation du budget général de l'exercice 1920, de l'article 53 de la loi du 31 décembre 1936 portant réforme fiscale, de l'article 45 de la loi n° 52-401 du 14 avril 1952 portant loi de finances pour 1952, des article 20 et 21 de la loi n° 65-566 du 12 juillet 1965 modifiant l'imposition des entreprises et des revenus de capitaux mobiliers et de l'article 9 de la loi de finances pour 2001 », (CE, 17 juillet 2013, SARL Garnier Choiseul Holding, nº 352989)

271 Typologie mise en place par P. G

ÉRARD, « Le recours aux travaux préparatoires et la volonté du législateur »,

in M. VAN DE KERCHOVE (dir.), L’interprétation en droit. Approche pluridisciplinaire, Bruxelles : Publications des Facultés universitaires Saint Louis, 1978, p. 60-67.

valeur persuasive. Le juge peut, en second lieu, et c’est le cas le plus fréquent, faire appel aux travaux préparatoires d’une disposition déterminée, mais sans donner une citation précise. Finalement, le juge peut faire une citation expresse des travaux préparatoires. Néanmoins, cette modalité est très rare dans la jurisprudence française272

.

Le recours à la méthode historique peut répondre à différents objectifs. Dans la majorité des cas, l’appel aux travaux préparatoires de la loi est un moyen subsidiaire qui vient appuyer une interprétation littérale. C’est ainsi que le juge administratif, quand il fait appel à cette méthode, utilise le plus souvent la formulation suivante : « qu’il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux préparatoires […] »273

. Le juge constitutionnel, de son côté, reprend aussi cette même formule274

ou bien considère aussi que son interprétation résulte « tant des travaux préparatoires que des termes même de la loi »275

. Les travaux préparatoires viennent confirmer l’interprétation déjà effectuée par le juge et « constituent donc un argument d’autorité dans la mesure où la juridiction se réfère, explicitement ou non, à la volonté du législateur qui est censée s’imposer immédiatement tant à elle qu’à son auditoire »276

. Le recours à l’histoire de la norme est donc utilisé comme un mécanisme de légitimation.

Les travaux préparatoires peuvent aussi être mobilisés dans le cadre d’une interprétation téléologique afin de retrouver l’objectif poursuivi par le législateur277. En

272 Un des rares exemples de citation directe est la décision CC nº 2013-667 DC où le Conseil fait référence aux

travaux préparatoires de la loi qu’il contrôle relative à l’élection des conseillers départementaux, municipaux et communautaires, en citant directement entre guillemets : « qu’il résulte des travaux préparatoires, que le législateur a entendu […] “maintenir un lien de proximité entre les électeurs et leurs élus” » (CC nº 2013-667 DC du 16 mai 2013, Loi relative à l’élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des

conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral, Rec. [à paraître], JO du 18 mai 2013, p. 8258). Cette citation provient du rapport fait par la Commission des lois de l’Assemblée Nationale, toutefois le Conseil constitutionnel ne précise pas sa source exacte dans le texte de la décision.

273 Parmi des centaines d’exemples v. CE, 20 novembre 2013, Conseil territorial de Saint Barthélémy,

nº 369796, Leb., [à paraître].

274 Par exemple : « Considérant, en premier lieu, qu’i résulte des termes de l’article L. 432-1 modifié, éclairés

par les travaux préparatoires » (CC nº 2001-455 DC du 12 janvier 2002, Loi de modernisation sociale, Rec.,

p. 49, JO du 18 janvier 2002, p. 1053, consid. 16 [souligné par nous])

275

V. par exemple, CC nº 94-355 DC du 10 janvier 1995, Loi organique modifiant l’ordonnance nº 58-1270 du

22 décembre 1958 relative au statut de la magistrature, Rec., p. 151, JO du 14 janvier 1995, p. 727.

276 P. G

ÉRARD, « Le recours aux travaux préparatoires et la volonté du législateur », op. cit., p. 61.

277 Par exemple, le Conseil d’État fait référence aux travaux préparatoires de l’article 26 de la loi nº 81-734 du 3

août 1981 relatif aux pensions, rentes ou allocations viagères attribuées aux ressortissants de l’Algérie sur le budget de l’État, pour identifier le but du législateur, c’est à dire de conférer aux indemnités prévues par la loi nº 59-1454 la nature de pensions, rentes ou allocations viagères (CE Sect., 28 septembre 2001, Ministre de la

Défense c. Mme Haouas, nº 218311, Leb., p. 438). De son côté, le Conseil constitutionnel a fait appel aux travaux préparatoires pour déterminer, par exemple, que par la loi créant les plans d’épargne et retraite, « le législateur a entendu favoriser la constitution d’une épargne retraite par les citoyens français résidant hors de France, quelle que soit leur situation professionnelle, afin d’encourager la mobilité géographique et d’assurer une

particulier, l’exposé de motifs peut donner des indices sur les buts recherchés. Mais cet objectif peut aussi être inféré des débats ou des rapports. Comme le juge se contente de faire des références générales aux « travaux parlementaires », sans plus de précisions, il est difficile d’identifier quel document servit de fondement pour inférer un objectif.

Les travaux préparatoires peuvent aussi être utilisés pour clarifier des éléments plus ponctuels des dispositions. Ainsi, ils peuvent donner des pistes pour analyser les effets dans le temps de la norme afin de confirmer si le législateur entendait donner ou non une portée rétroactive à la norme278 ou pour préciser le moment de son entrée en vigueur279 ; de même ils permettent de déterminer si les préjudices causés par des dispositions législatives peuvent entraîner la responsabilité de l’État. En effet, par une jurisprudence constante depuis l’arrêt

Société anonyme de produits laitiers La Fleurette, le Conseil d’État considère que les préjudices causés par des dispositions législatives peuvent donner droit à réparation, même dans la silence de la loi, lorsqu’il ressort de la loi ou des travaux préparatoires que le législateur n’a pas voulu faire supporter le préjudice par les victimes de la loi280. Les travaux préparatoires sont donc mobilisés afin de savoir si le législateur a voulu ou non exclure une indemnisation281

.

L’utilisation de l’histoire parlementaire d’une disposition est donc répandue et correspond à des objectifs variés. Toutefois, il est possible de constater que c’est avant tout dans le cadre de lois récentes que le juge se tourne vers la méthode dite historique,

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