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(A) Le modeste recours à la contextualisation historique dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel peut prendre en compte le contexte de la norme de référence du contrôle, dans le cadre d’une interprétation historique, comme cela a été analysé dans le chapitre précédent. De même, il lui arrive de contextualiser la norme qui est soumise à son contrôle. Toutefois, l’absence d’un véritable contentieux subjectif fait que, dans son rôle

459 Même si la qualification du recours pour excès de pouvoir comme un contentieux objectif fait l’objet de

débats (v., notamment, M. MANCIA, « Développements au nom du caractère subjectif du recours pour excès de pouvoir », LPA, nº 122, 2006, p. 8).

de juge de la constitutionnalité, le Conseil constitutionnel n’a pas à procéder à l’examen de faits de l’affaire. Ce caractère objectif est évident dans le cadre du contrôle a priori. La question pouvait, néanmoins, se poser dans le cadre du contrôle a posteriori. En effet, au moment de son introduction, ce contrôle avait été envisagé comme un nouveau droit pour les justiciables460

. Toutefois, du fait de son architecture et de la pratique développée par le Conseil, la question prioritaire de constitutionnalité présente les caractéristiques d’un contrôle objectif, c’est-à-dire un « procès fait à un acte en vue de faire respecter le droit objectif, et non le respect des droits subjectifs des personnes »461. La forme incidente de la question du mécanisme de question prioritaire de constitutionnalité, l’obligation d’information des quatre autorités historiques de saisine du contrôle a priori462

et l’absence de répercussions d’une extinction de l’instance après la transmission de la question463

, sont autant de preuves de son objectivité. Ainsi, le Conseil constitutionnel n’a pas à connaître des faits de l’espèce à l’origine du litige qui a donné lieu à la question de constitutionnalité464

, comme en témoigne l’obligation de présenter cette question dans un mémoire distinct465. Comme l’explique un des membres du Conseil constitutionnel : « La situation de fait litigieuse à l’occasion de laquelle la question de constitutionnalité est posée n’est pas exposée ; elle est en arrière-plan ; elle peut implicitement influencer les déterminants du juge, mais logiquement l’analyse juridique est la même, de sorte que la structure argumentaire de la décision n’est pas modifiée »466. De même, dans le cadre de son office de juge électoral, les courts délais qui encadrent ce contentieux et l’actualité des affaires qui sont soumises limitent le besoin d’une historique des faits de l’espèce par le Conseil constitutionnel.

460 Ainsi, dans le rapport du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des

institutions de la Vème République (Comité B

ALLADUR), l’introduction du contrôle a posteriori fut présentée dans le Chapitre III intitulé « Des nouveaux droits pour les citoyens ».

461 E. D

UBOUT, « Quelle efficacité structurelle du procès constitutionnel ? » in E. CARTIER (dir.), La QPC, le

procès et ses juges, Paris : Dalloz, Coll. Méthodes du droit, 2013, p. 212.

462 Article 23-8 de l’Ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel (modifiée par la loi organique nº 2009-1523 du 10 décembre 2009, JO du 11 décembre 2009, p. 21379). V. M. VERPEAUX, « Le Conseil constitutionnel, juge de la question prioritaire de constitutionnalité »,

AJDA, 2010, p. 91-92.

463 Article 23-9 de l’Ordonnance précitée. 464

Le Conseil constitutionnel peut toutefois s’intéresser aux faits, dans le cadre d’un contrôle objectif, afin de déterminer un changement de circonstances. En effet, l’ordonnance portant loi organique sur le Conseil constitutionnel prévoit qu’une disposition qui a déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d’une décision du Conseil ne peut pas faire l’objet d’une QPC (article 23-2 sur les conditions de transmission d’une QPC). Toutefois, cette condition ne s’applique pas en cas de « changement de circonstances ». Le Conseil constitutionnel a reconnu dans sa jurisprudence que ce changement peut venir des circonstances de faits ou de droit (CC nº 2009-595 DC du 3 décembre 2009, Loi organique relative à

l’application de l’article 61-1 de la Constitution, Rec., p. 206, JO du 11 décembre 2009 p. 21381).

465 Article 23-5 de l’Ordonnance précitée. 466 G. C

ANIVET, « La motivation des décisions du Conseil constitutionnel », in S. CAUDAL (dir.), La motivation

Toutefois, il est possible de retrouver un exemple isolé, relatif à une loi sur l’évolution du statut des Comores au sein de la République française, où le Conseil contextualisa les faits relatifs à la consultation, en faisant appel à l’histoire de la décolonisation pour faire face aux particularités de l’affaire.

L’affaire des Comores fut l’objet d’un examen par le Conseil constitutionnel par le biais d’une saisine parlementaire sur la loi n° 75-1337 du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de l'autodétermination des îles des Comores. Pour l’examen de cette loi, le Conseil fit appel à l’histoire de la colonisation de cet archipel afin de pouvoir interpréter les termes « populations » et « territoire » que l’article 53 de la Constitution mentionne, en relation au cas d’espèce. Les députés dans leur saisine avancèrent aussi des arguments relatifs au contexte historique pour argumenter la contrariété de la loi à la Constitution. Afin de comprendre les enjeux liés à cette décision, il s’avère nécessaire de faire un rappel des événements et des conditions qui ont conduit à la saisine du Conseil constitutionnel.

En vertu de la « doctrine Capitant »467, l’article 53 de la Constitution avait vocation à s’appliquer non seulement en cas de cession de territoires, mais aussi en cas de sécession dans le cadre de l’accession à l’indépendance des territoires d’outre-mer (TOM). En effet, d’après cette doctrine, il était considéré que les territoires d’outre-mer n’avaient pas perdu leur droit à la libre administration à l’expiration des délais prévus par les articles 76 et 91 de la Constitution468, et qu’ils pouvaient continuer à l’exercer par le biais de la procédure prévue à l’article 53 de la Constitution469

. Ainsi, si un TOM souhaitait accéder à l’indépendance, la procédure suivie devait comprendre l’approbation d’une première loi organisant un référendum pour consulter les « populations intéressées ». Si le référendum confirmait la

467 Cette argumentation a été développée par R. C

APITANT, alors Président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, lors du rapport sur le projet de loi organisant une consultation de la population de la Côte française des Somalis (ASSEMBLÉE NATIONALE, Document nº 2199, Annexe au procès verbal de la séance du 30 novembre 1966) et reprise lors de la discussion générale devant l’Assemblée (ASSEMBLÉE NATIONALE, Compte

rendu intégral de la 2ème séance du 2 décembre 1966, p. 5214-5217).

468 L’article 76 de la Constitution, dans sa version initiale, prévoyait « Les territoires d’Outre-Mer peuvent garder

leur statut au sein de la République. S'ils en manifestent la volonté par délibération de leur assemblée territoriale prise dans le délai prévu au premier alinéa de l'article 91, ils deviennent soit départements d’Outre-Mer de la République, soit, groupés ou non entre eux, États membres de la Communauté ». De son côté, l’article 91 prévoyait à cet effet, un délai de quatre mois.

469 V. H. S

AÏD MOHAMED, « Le principe de l’indivisibilité de la République et le droit de certains territoires à faire sécession », Actes du VIIème Congrès français de droit constitutionnel [en ligne], AFDC, Paris, 25-27

volonté des populations de se séparer de la France, une nouvelle loi tirait les conséquences de cette consultation reconnaissant l’indépendance du territoire470.

L’archipel des Comores, composé de quatre îles : Grande Comore, Mohéli, Anjouan et Mayotte, était une colonie française depuis le XIXème

siècle471

. Poussée par l’élan indépendantiste qui s’est développée après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la Chambre des députés du TOM des Comores vota, le 23 décembre 1972, une résolution demandant l’indépendance. Le 15 juin 1973 un accord fut signé entre le ministre des DOM-TOM de l’époque, B. STASI,et le président du Conseil du Gouvernement comorien, A. ABDALLAH, prévoyant une consultation populaire des Comoriens. Cette consultation fut organisée par la loi du 23 novembre 1974 portant comme titre « loi organisant une consultation des populations des Comores »472

et prévoyait un classement des résultats par circonscription, c’est-à-dire île par île. Elle se déroula le 22 décembre 1974, et les résultats globaux furent pour une acceptation de l’indépendance par 94.56% des votants. Toutefois, le classement par circonscription révéla que, dans l’île de Mayotte, 63.82% des votants s’étaient prononcés contre cette indépendance.

Face à ce résultat, le Parlement français adopta la loi nº 75-560 du 3 juillet 1975 relative à l’indépendance du territoire des Comores. Cette loi proclamait dans son article 1er que « le territoire des Comores deviendra un État indépendant lorsqu’il aura été satisfait aux conditions prévues par la présente loi ». Les conditions étaient liées à l’approbation par référendum d’une Constitution, or, cette même loi prévoyait que les résultats de ce référendum seraient pris en compte île par île. Ainsi si une des quatre îles s’opposait par deux fois au projet constitutionnel, elle ne serait pas tenue de faire partie du nouvel État. Cette loi permettait à Mayotte, en pratique, de ne pas faire partie du nouvel État des Comores et d’être consultée une nouvelle fois, de façon individuelle, sur le régime qui la régirait. Pour protester contre cette loi, la Chambre des députés des Comores réunie à Moroni proclama l’indépendance de l’archipel le 6 juillet 1975. Le Gouvernement français rétorqua par l’approbation de la loi nº 75-1337 du 31 décembre 1975 relative aux conséquences de

470 J-F. D

OBELLE, « Référendum et droit à l’auto-détermination », Pouvoirs, nº 77, 1996, p. 59.

471 L’île comorienne de Maoré (aujourd’hui Mayotte) fut cédée aux premiers colons français en 1841. Cette

cession fut ratifiée en 1843 par Louis-Philippe. Les trois autres îles de l’archipel sont devenues des protectorats de la France à partir de 1886 (1886 pour l’île de Mohéli, 1892 pour Grande Comore et Anjouan). L’archipel accéda au statut de colonie en 1912, puis de territoire d’outre-mer en 1946.

472 Le projet de loi du gouvernement prévoyait la consultation de la population, mais le Parlement modifia la

rédaction afin de consulter les populations, détail grammatical qui entraîna de profondes conséquences politiques et diplomatiques.

l’autodétermination des îles des Comores473

. Si cette loi proclamait dans son article 8 que

« Les îles de la Grande Comore, Anjouan et Mohéli cessent, à partir de la promulgation de la présente loi, de faire partie de la République française », elle prévoyait aussi une nouvelle consultation uniquement pour l’île de Mayotte, afin que sa population se prononce sur son désir ou non de demeurer au sein de la République française, permettant, par conséquent, la sécession de Mayotte de l’État des Comores qui, entre temps, avait acquis la reconnaissance internationale et le statut de membre de l’ONU474.

Les députés de l’opposition décidèrent de saisir le Conseil constitutionnel, en usant de la possibilité ouverte par la révision de la Constitution de 1974. Ils avancèrent dans leur saisine plusieurs arguments historiques en appui de leur démonstration, notamment en faveur d’un « principe fondamental de l’unité territoriale de l’archipel des Comores »475

. En effet, il existe en droit international le principe de l’uti possidetis qui « consiste à fixer les frontières en fonction des anciennes limites administratives internes à un État préexistant dont les États nouveaux accédant à l’indépendance sont issus »476. En soumettant l’île de Mayotte à un processus différencié qui pouvait avoir comme résultat la sécession de l’île du reste de l’archipel, la loi méconnaissait ce principe coutumier du droit international et était, par conséquent, contraire à l’alinéa 14 du Préambule de la Constitution de 1946. Si ce principe ne fut pas mentionné explicitement dans la saisine, le député A. VIVIEN, qui prit l’initiative de la saisine du Conseil, y avait fait allusion lors de la discussion devant l’Assemblée nationale en

473 Il est intéressant de noter l’évolution dans le titre des lois, ainsi si en juillet le Parlement français faisait

référence à « l’indépendance du territoire des Comores » [nous soulignons l’emploi du singulier], en décembre il préféra parler des « conséquences de l’autodétermination des îles des Comores » [nous soulignons l’emploi du pluriel et du changement de terme de « territoire » vers « îles »].

474 Décision nº 3385 prise lors de la 2402ème séance plénière des Nations Unies du 12 novembre 1975 qui

réaffirmait « la nécessité de respecter l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores composé des îles d’Anjouan, de Grande Comore, de Mayotte et de Mohéli ». Déjà lors de la 2202ème séance plénière du 14

décembre 1973, les Nations Unies affirmaient « l’unité et l’intégrité territoriale de l’archipel des Comores ». Cette position fut maintenue par les Nations Unies, comme le démontre la résolution 49/18 du 6 décembre 1994 où l’Assemblée générale « réaffirme la souveraineté de la République fédérale islamique des Comores sur l’île de Mayotte » et le fait que la « question de l’île comorienne de Mayotte » soit toujours inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée Générale de l’ONU, même si son examen est toujours reporté à la session suivante.

475 Saisine par soixante députés qui donna lieu à la décision CC nº 75-59 DC du 30 décembre 1975 texte

disponible en ligne à l’adresse [http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les- decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/1975/75-59-dc/saisine-par-60-deputes.102530.html].

476 Q. D. N

GUYEN et al., Droit international public, Paris : LGDJ, Coll. Traités, 8ème édition, 2009, p. 468. V.

aussi sur ce point J-M. SOREL, R. MEHDI, « L’uti possidetis entre la consécration juridique et la pratique : essai de réactualisation », Annuaire français de droit international, 1994, p. 11-40.

soulignant l’existence du principe de « la non-balkanisation » selon lequel « les frontières héritées de la période coloniale ont […] le mérite d’exister »477.

Pour démontrer l’unité territoriale de l’archipel des Comores, les députés retracèrent brièvement dans leur saisine l’histoire de la colonisation de cet archipel, pour démontrer que

« depuis que les îles de la Grande-Comore, d’Anjouan et de Mohéli ont été érigées en protectorat français, elles ont été réunies avec l’île de Mayotte pour former un territoire unique ». Ils argumentaient, en particulier, que cette unité politique et administrative n’avait été remise en cause depuis 1889 par aucune disposition législative ou réglementaire. Ils soulignaient le paradoxe de reconnaître que la France avait renoncé à sa souveraineté sur les îles de la Grande-Comore, de Mohéli et d’Anjouan tout en la maintenant sur l’île de Mayotte

« qui a […] ainsi que l’histoire nous l’enseigne, été celle qui a servi de base à la création politique et administrative de l’archipel des Comores ».

Lors de la délibération devant le Conseil constitutionnel, le rapporteur F. GOGUEL

commença son exposé par un historique du régime des Comores et de Mayotte remontant à 1841 avec la colonisation de l’île de Mayotte478

. Le rapporteur mobilisa aussi des arguments historiques pour répondre à la saisine des députés. En particulier, il considéra que l’affirmation selon laquelle les quatre îles de l’archipel formaient un territoire qui n’avait pas été remis en cause depuis 1889 était historiquement « très contestable »479. Déjà, dans son rappel historique, le rapporteur soulignait certains éléments qui allaient à l’encontre de cette affirmation, par exemple, le décret du 24 septembre 1946 portant organisation administrative divisait le territoire « en autant de circonscriptions administratives qu’il y a d’îles principales dans l’archipel ». Le rapporteur rajouta que « les lois de 1961 et 1968 ont créé quatre subdivisions, puis circonscriptions, avec personnalité morale, conseil élu assurant expression

477

JO AN débats, 1ère séance du 26 juin 1975, p. 4778. Toutefois une partie de la doctrine de l’époque s’opposait à l’existence d’un tel principe. Ainsi L. FAVOREAU se demandait « Le principe dit de “non-balkanisation” fait-il partie du droit international public positif et à ce titre, s’impose-t-il aux États ? Ceci est rien moins qu’évident car il n’a été consacré ni par la jurisprudence, ni par la coutume. On peut faire valoir au contraire que la pratique internationale et notamment celle des Nations Unies est en sens contraire ». Il énuméra plusieurs exemples où la décolonisation s’est faite sans respecter les anciennes frontières, notamment dans le cas du Cameroun ou de la Nouvelle Guinée (L. FAVOREU, « Chronique constitutionnelle française : la décision du 30 décembre 1975 dans l’affaire des Comores », RDP, 1976, p. 573-574).

478 Séance du 30 décembre 1975, reproduite dans B. M

ATHIEU et. al. (dir.), Les grandes délibérations du Conseil

constitutionnel, Paris : Dalloz, Coll. Grandes délibérations, 2e éd., p.287-288. 479 Ibid., p. 291.

de la personnalité de l’île et budget »480

, ainsi il soutenait que, d’un point de vue historique, des arguments pouvaient étayer la thèse d’une certaine indépendance entre les quatre îles.

Mais la décision du Conseil constitutionnel se centra sur un argument qui n’était pas pour autant mentionné dans la saisine des députés : l’interprétation de l’article 53 de la Constitution et son application au cas de Mayotte. Ici encore, des arguments tirés du contexte historique furent mobilisés explicitement lors de la délibération afin d’arriver à la solution exposée par le Conseil dans sa décision. Le rapporteur s’interrogea ainsi sur la portée du terme « territoire » et prit en compte des éléments historiques pour caractériser Mayotte en tant qu’unité géographique et administrative. Il souligna ainsi « qu’en outre, jusqu’en 1914, cette aire géographique a été successivement le siège d’une autorité politique et particulière, celle d’un sultan, puis une colonie française distincte des protectorats qui constituaient les autres îles »481. Dans le texte de la décision, le Conseil considéra que « l’île de Mayotte est un territoire au sens de l’article 53, dernier alinéa, de la Constitution, ce terme n’ayant pas dans cet article la même signification juridique que dans l’expression territoire d’Outre-Mer, telle qu’elle est employée dans la Constitution »482

.

Les particularités de l’affaire motivèrent cette incursion du juge du Montpensier dans la contextualisation historique de l’affaire. Toutefois, le corps de la décision ne mentionne pas explicitement les différents arguments historiques mobilisés tout au long du raisonnement. La décision se limita à confirmer la solution de l’unité territoriale de l’île de Mayotte. Par conséquent, le Conseil considéra que cette île, formant à elle seule un territoire au sens de l’article 53, « ne saurait sortir de la République française sans le consentement de sa population »483

. Le Conseil consacra ici la « doctrine Capitant » et lia alors les notions de « territoire » et « populations ». Parce que l’île de Mayotte représente un territoire à part entière, il était donc nécessaire, au titre de l’article 53, de consulter sa propre population avant

480 Loc. cit. Il est important de souligner que, dans la retranscription de cette séance, le rapport a été reproduit

sous la forme des notes du rapporteur et non pas comme un verbatim de son exposé oral, ce qui peut expliquer son style de rédaction.

481 Ibid., p. 293. En effet, avant la colonisation « Les Comores n’ont jamais été unies sous une même autorité.

Anjouan a quelquefois dominé Mayotte et Mohéli mais cette suzeraineté n’a pas été durable. En revanche, la Grande Comore a toujours été indépendante et partagée entre une dizaine de sultans » (T. FLOBERT, Les

Comores, évolution juridique et socio-politique, Thèse de doctorat : Droit : Faculté de droit et de Science Politique d’Aix Marseille, Centre d’études et de recherches sur les sociétés de l’Océan Indien, 1976, p. 157). Ce même argument est partagé par L. FAVOREU dans le commentaire de sa décision (op. cit., p. 574-575).

482 CC nº 75-59 DC du 30 décembre 1975, Autodétermination des Comores, Rec., p. 26, JO du 3 janvier 1976, p.

182, § 3.

toute sécession potentielle484

. Le Conseil estima alors que le principe de l’uti possidetis n’avait pas été violé et conclut que « les dispositions de la loi déférée au Conseil constitutionnel qui concernent cette île ne mettent en cause aucune règle du droit public international »485

.

(B) Les difficultés liées à la contextualisation historique

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