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(B) L’examen du contexte historique des différents

éléments qui composent la Constitution de la V

e

République

La Constitution de la Ve

République se distingue par son caractère composite. En effet, elle n’est pas simplement composée par les dispositions discutées et rédigées par le

378 C. B

ERGEAL,« Le contrôle de la passation des marchés des assemblées parlementaires. Conclusions sous CE, Ass., 5 mars 1999, Président de l’Assemblée nationale », RFDA, 1999, p. 333.

379 Ibid. 380

CE, Ass., 5 mars 1999, Président de l’Assemblée nationale, nº 163328, Leb., p. 42.

381 CE, 5 avril 1944, Guignard, Leb., p. 110 et CE, 6 mars 1989, Société de bourse JFA Buisson, nº 98570, Leb.,

p. 83.

382 C. L

EGRAS,« Sanctions administratives : rétroactivité in mitius et plein contentieux. Conclusions sur CE, Ass., 16 février 2009, Société ATOM », RFDA, 2009, p. 259.

gouvernement, le Conseil d’État et le Comité consultatif constitutionnel pendant l’été de 1958383. Par le biais des références contenues dans son texte, elle se compose aussi de textes adoptés dans des contextes historiques très variés384 : la Révolution française, avec le renvoi à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, le contexte de l’après-guerre et de la fin de l’Occupation avec le Préambule de 1946, le contexte large de la décolonisation avec l’Accord de Nouméa de 1998385

, le contexte de la construction européenne et des changements dans l’ordre international avec le renvoi aux différents traités des communautés européennes, postérieurement de l’Union européenne386 et au Traité portant Statut de la Cour pénale internationale. En 2005, une nouvelle référence fut rajoutée à la Constitution avec l’inclusion dans le préambule du renvoi à la Charte de l’environnement de 2004.

Ce jeu de poupées russes qui caractérise le texte constitutionnel de la Ve

République pose ainsi le problème de la pertinence de la prise en compte de son contexte hétérogène pour l’interprétation constitutionnelle. À la suite de la consécration explicite par le Conseil constitutionnel de la portée normative des textes auxquels le Préambule fait référence387, la doctrine et le juge constitutionnel durent se confronter à la possibilité de contradiction entre normes de la Constitution. Ce risque est particulièrement présent pour l’interprétation de la

383 En effet, la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 portant dérogation transitoire aux dispositions de l’article 90

de la Constitution prévoyait une procédure particulière et sans antécédents dans l’histoire constitutionnelle française. Elle chargeait ainsi le gouvernement d’établir un projet de loi constitutionnelle qui serait soumis postérieurement à un référendum. Afin d’établir ce projet, le Gouvernement devait recueillir l’avis d’un comité consultatif composé de membres des deux chambres parlementaires et du Conseil d’État.

384 Ainsi le résume le professeur B. M

ATHIEU : « La Constitution en son temps, c’est celle de la décolonisation, c’est aussi celle d’un homme qui s’inscrit lui-même dans l’histoire, comme la Constitution s’inscrira dans l’histoire de celles qui l’ont précédé, la Déclaration des droits de 1789, les principes républicains de la IIIe

République, les droits sociaux et économiques et la condamnation de la dégradation de la personne humaine inscrits au Préambule de celle de 1946 » (« Propos introductifs », in B. MATHIEU (dir.), 1958-2008 Cinquantième

anniversaire de la Constitution française, Paris : Dalloz, 2008, p. 2).

385 Article 76 de la Constitution.

386 Titre XV de la Constitution, qui dans sa version actuelle fait référence au traité sur l'Union européenne et au

traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, tels qu'ils résultent du traité signé à Lisbonne le 13 décembre 2007, mais qui dans ses version antérieures avait renvoyé au Traité sur l'Union européenne signé le 7 février 1992 (Traité de Maastricht), le Traité instituant la Communauté européenne, dans sa rédaction résultant du traité signé le 2 octobre 1997 (Traité d’Amsterdam) et dans une version qui n’entra jamais en vigueur au Traité établissant une Constitution pour l'Europe signé le 29 octobre 2004. Sur la portée de ces différents renvois v. A.ROBLOT-TROIZIER,Contrôle de constitutionnalité et normes visées par la Constitution française. Recherches sur la constitutionnalité par renvoi, Paris : Dalloz, Coll. Nouvelle bibliothèque de thèses, 2007, 688 p.

387 Toutes les normes auxquelles la Constitution renvoie ne sont pas considérées comme des normes de référence

pour le contrôle de constitutionnalité par le Conseil constitutionnel. En particulier, par une jurisprudence constante, les conventions internationales et le droit de l’UE (sauf hypothèses particulières, notamment dans le cas du contrôle de la transposition des directives), ne sont pas considérés comme de normes de référence. Dans le cadre de ce chapitre, sera particulièrement étudié le contexte des normes qui sont considérées aussi comme des normes de référence puisque c’est justement leur interprétation dans le cadre du contrôle de constitutionnalité qui peut faire l’objet d’une contextualisation historique.

Déclaration de 1789, notamment en matière de droits économiques, où l’esprit libéral de 1789 peut s’opposer aux considérations plus sociales de 1946388.

La doctrine, face à la pluralité des contextes historiques à prendre en compte, a proposé des constructions juridiques afin de dépasser les éventuels clivages. Par exemple, il est soutenu que le contexte qu’il faut prendre en compte pour l’interprétation des différents éléments qui composent le Préambule est celui de leur incorporation, ainsi :

« Si chargée d’histoire qu’elle soit, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen n’est un texte constitutionnel que par son incorporation dans la Constitution de 1958. C’est donc un texte qui nous est contemporain, rendu constitutionnel pour régler des questions de notre temps, qui doit être interprété en fonction de l’état de droit en 1958 et pas du tout en fonction des idées que l’on pouvait avoir sur la régulation des pouvoirs au XVIIIe siècle »389.

Cette approche évolutive était aussi défendue par F. LUCHAIRE qui considérait que « la

Déclaration de 1789 ne doit pas être interprétée comme elle l’aurait été au début de la grande révolution, mais en fonction de notre temps et naturellement des autres dispositions très générales de la Constitution de 1958, de son Préambule, comme de celui de 1946 »390

.

D’un autre côté, d’autres auteurs considèrent que le caractère composite de la Constitution est un atout. Ainsi, pour le professeur D. DE BÉCHILLON :

« Une des plus grandes richesses de notre Constitution réside en ceci qu'elle s'est composée comme un feuilletage, par stratification. Ce qu'il y a de plus génial dans notre système constitutionnel de protection des droits fondamentaux tient à ce qu'on y fait tenir ensemble des droits et des libertés dont l'inspiration historique et la ligne idéologique sont hétérogènes. Les textes de 1789 sont libéraux ; les textes 1946 sont beaucoup plus sociaux. Et c'est avant tout la nécessité d'opérer un compromis entre ces aspirations, et donc entre ces époques, qui assure la neutralité idéologique de notre Constitution, c'est-à-dire sa capacité à assumer l'alternance politique comme son aptitude à faire vivre ensemble des personnes différentes dont les opinions et les intérêts sont diversifiés »391.

388 Ainsi, lors de la délibération de la décision Taxation d’office, M. G

OGUEL souligna les dangers d’une interprétation historique de la Déclaration de 1789. Il considéra ainsi, « en ce qui concerne les aspects économiques, la Déclaration de 1789 est dépassée. Il est dangereux de s’y référer dans une décision car si, en l’état actuel des conditions de saisine du Conseil constitutionnel, le danger n’existe pas, dans l’hypothèse où, un jour, le Conseil pouvait être saisi par des particuliers, il n’en manquerait pas pour invoquer devant lui certaines dispositions dépassées de la Déclaration de 1789 et tenter ainsi de faire échec à l’évolution de la législation dans un sens plus social. Les principes de 1789 ne peuvent être mentionnés dans une décision que s’ils se combinent avec des dispositions précises de la Constitution » (Séance du 27 décembre 1973, Décision n° 73-51 DC, Taxation d’office in B. MATHIEU et al. (dir.), Les grandes délibérations du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 223).

389 B. P

OULLAIN, Intervention lors des débats in La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la

jurisprudence (actes du colloque des 25 et 26 mai 1989 au Conseil constitutionnel), Paris : PUF, 1989, p. 27.

390 F. L

UCHAIRE,« Le Conseil constitutionnel et les protections des droits et des libertés du citoyen », Mélanges

offerts à Marcel WALINE. Le juge et le droit public, Tome II, Paris : LGDJ, 1974, p. 566-5467.

391 Intervention in A.M.L

E POURHIET,A. LEVADE (coord.), « Faut-il actualiser le préambule de la Constitution »,

C’est justement la prise en compte de la diversité des contextes historiques qui permet la meilleure interprétation possible de la Constitution, puisqu’elle implique de mettre en œuvre une conciliation qui serait le reflet de l’héritage pluriel des institutions juridiques qui régissent actuellement la France.

Du côté de la jurisprudence, c’est avant tout la question de l’interprétation de la Déclaration de 1789 qui pose le plus d’interrogations. Comme le soulignait le professeur M. TROPER : « parmi les nombreuses questions que suscite l’existence d’un contrôle de constitutionnalité, il en est deux particulièrement importantes et difficiles ; ce sont celles qui concernent la légitimité de ce contrôle par rapport à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et les méthodes qu’il convient d’employer pour interpréter ce document » 392

. En effet, si le débat sur la portée de la Déclaration, qui se développa surtout durant la IIIe République393, fut tranché de façon claire, restait à résoudre la problématique de l’influence du contexte de rédaction dans la signification de la norme394

. Deux questions devaient être résolues par le juge pour l’interprétation et l’application des normes contenues dans la Déclaration révolutionnaire : d’un côté, il est possible de s’interroger sur la pertinence du recours à une Déclaration qui ne fut jamais pensée pour servir de norme de référence pour un contrôle de constitutionnalité. D’un autre côté, si la Déclaration est toutefois considérée comme une norme de référence, reste à savoir comment doivent être interprétés les droits et les libertés consacrés par elle et si le contexte historique révolutionnaire doit être pris en compte pour clarifier leur sens.

Le premier enjeu fut expliqué lors de la délibération de la décision Sécurité et Liberté, par le rapporteur G. VEDEL. Prenant notamment en compte le contexte d’écriture de cette

Déclaration et les possibles risques d’anachronisme liés à son utilisation comme norme de

392 M. T

ROPER,« La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en 1789 » in La Déclaration des droits de

l’homme et du citoyen et la jurisprudence (actes du colloque des 25 et 26 mai 1989 au Conseil constitutionnel), op. cit., p. 13.

393 La doctrine était divisée sur le point de savoir si la Déclaration de 1789 pouvait être considérée comme ayant

une force normative et si elle s’imposait au législateur. Ce débat opposa d’un côté HAURIOU et DUGUIT,qui reconnaissaient cette valeur normative, à ESMEIN et CARRÉ DE MALBERG (les termes du débat furent résumés par L. DUGUIT dans son Traité de droit constitutionnel, T. III, Paris : E. de Boccard, 1930, p. 605-611).

394 Cependant, pour une partie de la doctrine, la Déclaration de 1789 peut être détachée de son contexte

historique immédiat, se trouvant dans une période charnière entre l’Ancien Régime et la Révolution, elle a trouvé une place qui lui permet de se distancier de ces deux contextes historiques : « Elle a, en outre, la chance de pouvoir apparaître un peu hors de la Révolution. Élaborée à ses débuts, par une assemblée encore représentative, et ne subissant pas très ouvertement les pressions extérieures, elle ne pâtit pas trop des effets négatifs du phénomène révolutionnaire, d’autant plus qu’elle se rattache à une période monarchique faisant un peu le lien entre l’Ancien Régime et la Révolution ». (J. MORANGE,« L’élaboration de la Déclaration de 1789 »,

référence du contrôle de constitutionnalité, il souligna que « la Déclaration des droits de 1789 n’a jamais été écrite ni même pensée comme devant être la base d’un contrôle de constitutionnalité. Bien au contraire, fidèles disciples de Rousseau sur ce point, les constituants ne concevaient pas que le législateur pût se tromper ou être injuste ». Il considéra ainsi que le contrôle de constitutionnalité était par rapport à la Déclaration « une pièce rapportée », ce qui pouvait donner lieu à des difficultés d’interprétation et d’application de normes dont « la formulation en termes de principe philosophique ou moral aboutit à un énoncé non opératoire, c’est-à-dire qui ne comporte pas de contenu suffisamment précis »395. Malgré cela, le Conseil constitutionnel n’hésita pas à utiliser le Déclaration de 1789 comme norme de référence de son contrôle en appliquant chacun de ses articles396

.

Pour faire face à ces difficultés, le Conseil constitutionnel décida, pour l’interprétation de la Déclaration de 1789, de ne pas prendre en compte son propre contexte historique, mais de la resituer dans le contexte de l’adoption de la Constitution de 1946, qui faisait, elle aussi, référence explicite à la Déclaration dans son Préambule. Par exemple, dans la décision de 1982 sur la loi de nationalisation, pour interpréter les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 relatifs à la propriété et analyser leur actualité, le Conseil fit référence au rejet par le peuple français via le référendum du 5 mai 1946 d’ « un projet de Constitution qui faisait précéder les dispositions relatives aux institutions de la République d’une nouvelle Déclaration des droits de l’homme comportant notamment l’énoncé de principes différant de ceux proclamés en 1789 par les articles 2 et 17 précités »397

. Il a donc considéré que le rejet d’un projet pouvait être une preuve de la volonté du constituant et en a déduit son attachement aux principes de la Révolution398

. C’est donc le contexte historique de l’adoption du Préambule de 1946, et éventuellement celui de la rédaction de la Constitution de 1958, qui sont pris en compte pour confirmer l’actualité des droits contenus dans la Déclaration de 1789. Ceci se reflète aussi dans la rédaction même des deux préambules qui font référence à

395

Séances des 19 et 20 janvier 1981, Décision n° 80-127 DC, Sécurité et Liberté in B. MATHIEU et al. (dir.), Les

grandes délibérations du Conseil constitutionnel, op. cit., p. 375,

396 Après la décision du 16 juillet 1971 conférant au Préambule de la Constitution une valeur constitutionnelle, le

Conseil constitutionnel n'a pas attendu longtemps pour reconnaître une valeur de droit positif à la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789. Il l'a fait par la décision Taxation d'office, à propos du principe d'égalité devant la loi « contenu dans la Déclaration des droits de l'homme de 1789 » (CC nº 73-51 DC du 27 déc. 1973, Loi de finances pour 1974, Rec, p. 25 ; JO du 28 décembre 1973, p. 14004).

397 CC nº 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, Rec., p. 18, JO du 17 janvier 1982, p. 299,

consid. 14.

398 P. J

OSSE, Le rôle de la notion de travaux préparatoires dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel, op.

l’attachement solennel du peuple français aux « Droits de l’homme et aux principes de la souveraineté nationale tels qu’ils ont été définis par la Déclaration de 1789 ».

Par rapport à l’influence du contexte historique dans la définition de chacun des droits et libertés consacrés par la Déclaration, il est nécessaire de prendre en compte que, outre son caractère libéral, en consonance avec les idées philosophiques et politiques de l’époque399

, le contexte de la Révolution française se retrouve dans le choix des droits qui sont qualifiés de « naturels et imprescriptibles », notamment dans la référence au droit de résistance à l’oppression. La consécration de ce droit trouve ainsi son explication dans une volonté de légitimer le mouvement révolutionnaire. De même, il ne faut pas oublier que « les hommes qui émergent sur la scène politique et qui s’expriment au nom de la Nation ont connu un régime politique qui, depuis des siècles, tolérait difficilement le droit d’opposition. [Cette résistance] est l’expression de la condamnation de l’absolutisme royal »400. L’emploi d’un tel droit, dans le cadre d’un régime démocratique, pourrait s’avérer toutefois problématique401

.

Comment faire face alors à la question posée dès la discussion du projet de Constitution de 1958 par Raymond JANOT, de savoir si les règles édictés en 1789

correspondent encore à la structure de la société actuelle402

? Le Conseil répond par une jurisprudence abondante où elle concilie les droits et libertés de 1789 avec ceux, à tendance

399 Nous n’entrerons pas ici dans le débat sur les origines et les sources philosophiques et politiques de la

Déclaration, qui opposa notamment G. JELLINEK à E. BOUTMY sur le fait de savoir si la Déclaration n’est qu’une reprise des modèles américains ou le fruit de la pensée des Lumières (v. G. JELLINEK,La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen – contribution à l’histoire du droit constitutionnel moderne [trad. G. FARDIS], Paris : Fontemoing, 1902, 101 p. et la réponse de E. BOUTMY, « La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et M. Jellinek » (1902), Études Politiques, Paris : Armand Colin, 1907, p. 117-182).

400 A. M

OYRAND, « Article 2 », in G. CONAC, M. DEBENE, G.TEBOUL (dir.), La déclaration des droits de

l’homme et du citoyen de 1789, Paris : Economica, 1993, p. 80.

401 Le Conseil constitutionnel n’a jamais fait une application explicite de ce droit. Toutefois, dans sa décision de

1982 sur les nationalisation, il a implicitement affirmé la juridicité et la valeur constitutionnelle de la résistance à l’oppression en considérant que « Les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l’homme ont pleine valeur constitutionnelle, tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression » (CC nº 81-132 DC du 16 janvier 1982, Loi de nationalisation, précitée, consid. 16). Ainsi, elle est bien un principe dont la méconnaissance pourrait être sanctionnée dans le cadre d’un contrôle de constitutionnalité. Mais la probabilité que ce droit soit invoqué devant un tribunal est bien faible. En effet « l’essence de l’État et de son ordre juridique s’oppose donc à la possibilité d’un droit de résistance : il serait tout à la fois dangereux d’exposer un État authentiquement libéral aux allégations d’oppression de ses ennemis et dérisoire de menacer un État devenu oppressif d’une sanction insurrectionnelle juridiquement autorisée » (F. BENOÎT-ROHMER,P.WACHSMANN,« La résistance à l’oppression dans la déclaration », Droits, nº 8, 1988, p. 96- 97).

402 Cité par F. L

UCHAIRE,« La lecture actualisée de la Déclaration de 1789 », op. cit., p. 216. Cette même interrogation fut aussi posée par L. FAVOREU : « Comment peut-on appliquer des principes vieux de deux siècles, alors que ceux qui les ont écrits sont morts depuis longtemps et n’avaient sans doute pas pensé à l’utilisation du texte qu’ils rédigeaient » (LFAVOREU,« La jurisprudence du Conseil constitutionnel et le droit de propriété proclamé par la Déclaration de 1789 » in La Déclaration des droits de l’homme et du citoyen et la

plus socialisante de 1946, en adaptant les deux groupes aux nécessités actuelles. L’actualisation des contenus est alors un moyen pour le Conseil constitutionnel d’éviter le conflit entre normes de même rang constitutionnel et de devoir se prononcer sur une éventuelle hiérarchie entre eux.

Un des exemples les plus emblématiques de conciliation est celui du droit à la propriété. Consacré par les articles 2 et 17 de la Déclaration, ce droit éminemment libéral pouvait entrer en conflit avec certaines dispositions du préambule de 1946, notamment l’alinéa 9 qui proclame que « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Le Conseil fut confronté à ce conflit dans le cadre d’un contexte historique lui aussi particulier : l’arrivée de la gauche au pouvoir et la mise en place d’un programme socialiste. C’est ainsi que le Conseil se prononça pour la première fois sur le droit de propriété lors de l’analyse des lois de nationalisations. Par rapport à la définition du contenu de ce droit, le Conseil constitutionnel fit référence à son contexte historique d’adoption pour mieux souligner l’évolution du droit, il considéra ainsi que :

« si postérieurement à 1789 et jusqu'à nos jours, les finalités et les conditions d'exercice du droit de propriété ont subi une évolution caractérisée à la fois par une notable extension de son champ d'application à des domaines individuels nouveaux et par des limitations exigées par l'intérêt général, les principes mêmes énoncés par la Déclaration des droits de l'homme ont

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