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La reconnaissance de la possession

Chapitre II : Les instruments juridiques et réglementaires pour la gestion et la préservation des terres agricoles privées

Section 2 : La loi d’orientation foncière du 18 novembre

C. La reconnaissance de la possession

Selon les principes généraux retenus énoncés par le Code civil relatifs à la prescription acquisitive, toute personne justifiant de la possession d’une terre pendant plus de 15 ans peut se faire établir un acte notarié. Cependant, le flou juridique entretenu sur le statut de la propriété privée ainsi que les atteintes flagrantes et répétées de la part des pouvoirs publics n’ont pas facilité la mise en place d’une vraie politique d’assainissement de la propriété non titrée, situation aggravée par des transactions occultes qui ont rendu toute régularisation sur la base des règles générales difficile voire inefficace.

Devant les exigences pressantes de trouver un moyen adéquat pour la prise en charge du problème de titrage des terres, dans les régions où le cadastre n’a pas encore été établi, le législateur a prévu l’établissement de certificat de possession conformément à l’article 39 de la loi d’orientation foncière de 1990, qui dispose : « dans les régions où le cadastre n’a pas encore été établi, toute personne qui exerce sur les terres de propriété privée non titrée, une possession continue non interrompue, paisible, publique et non équivoque peut obtenir la délivrance d’un titre possessoire, dénommé « certificat de possession » qui est soumis aux formalités d’enregistrement et de publicité foncière »1.

1. L’établissement du certificat de possession

Le certificat de possession conçu comme un moyen simple et rapide trouve son fondement dans le fait que la situation apparente sur une terre correspond à la situation légitime ; ce qui revient à reconnaître la propriété à celui qui exerce la possession et cela dans le strict respect des intérêts des tiers qui pourraient avoir des revendications légitimes sur la terre objet de la possession.

Dans le souci de sauvegarder les intérêts des tiers, le législateur a prévu un certain nombre de conditions pour l’établissement du certificat de possession.

1 La loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 portant orientation foncière. J.O.R.A.D.P n° 49 du 18 novembre 1990, p. 13. Cette loi a été modifiée et complétée par l'ordonnance n° 95-26 septembre 1995 (J.O.R.A.D.P) n° 55 du 27 septembre1995.

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Il faut en effet que le fond objet de la demande de délivrance d’un certificat de possession soit :

 une propriété Melk, ce qui signifie que les occupants des dépendances du domaine national ne peuvent prétendre à une quelconque régularisation ;  une propriété non titrée située dans une région non cadastrée ;

 la possession dudit fonds doit en plus justifier d’une possession continue non interrompue, paisible, publique et sans aucune équivoque.

Il importe de signaler que la demande de la délivrance du certificat de possession est introduite par la personne intéressée auprès du Président de l’assemblée populaire communale compétent.

L’initiative d’une telle demande peut également procéder de l’autorité responsable de l’exécution d’un programme de rénovation ou de remembrement.

2. Les effets juridiques de la délivrance du certificat de possession

Le certificat de possession est délivré à titre nominatif, il est incessible au profit d’une personne ou d’un groupe d’indivisaire.

Sa délivrance n’a pas pour effet de modifier le statut de l’immeuble, puisque le bénéficiaire ne peut en transférer la pleine propriété aux tiers à titre onéreux ou gratuit. Il devient caduc au terme d’une année à compter du décès du titulaire, sauf le cas où les ayants droit manifestent dans cet intervalle leur volonté de se subroger à l’ancien titulaire.

 Le certificat de possession confère aux bénéficiaires le droit de :  demander un permis de construire ou de lotir,

 constituer une hypothèque au profit d’organismes de crédit en garantie de prêts à moyen et long termes, pour notamment le financement d’une campagne agricole ou un projet de construction,

 les co-indivisaires du certificat collectif peuvent demander de sortir de l’indivision après avoir obtenu un permis de lotir ou un certificat de morcellement, selon le cas.

La délivrance du certificat de possession ouvre droit à l’enregistrement, à la publication et à la conservation foncière.

3. Le bail et l’exploitation de la terre du statut privé

« L’accès à l’exploitation peut se faire par les voies du droit commun à savoir la location. Cette formule bien qu’ancienne dans les pratiques du monde agricole se heurte à un vide juridique. Le bail agricole n’est pas expressément régi par le code civil qui traite du bail en général et de celui d’habitation en particulier. Mais la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 portant orientation foncière recommande dans son article 53, ce qui suit : En matière de baux, les dispositions législatives en vigueurs concernées seront en tant que de besoin, adaptées pour prévoir toutes formes juridiques favorisant l’exploitation des terres, notamment par la promotion des investissements productifs et l’amélioration de la structure foncière de l’exploitation.

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Les dispositions législatives en vigueur ne sont pas adaptées à l’activité agricole puisque le code civil ne traite pas des baux ruraux expressément, ce qui rend fragile les relations entre bailleurs et preneurs puisque les relations sont opérées sur des bases juridiques aléatoires, cette situation fait que :

 soit les notaires se basent exclusivement sur le code civil pour la rédaction des baux ruraux, lorsque les parties contractantes veulent lui donner un caractère authentique ;

 soit que les bailleurs et preneurs recourent à la pratique des actes sous seing privés, puisque le troisième alinéa de l’article 53 de la loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 autorise l’établissement des baux agricoles en la forme d’actes sou seing privé.

Au regard de l’insuffisance de l’information dans ce domaine et bien que la formule (de location monétaire) semble la plus sécurisante et la plus répandue, aucune indication n’est disponible pour affirmer la consistance des diverses formules ce qui suppose le recours à toutes les formules existantes et pour lesquelles le juge devra user de beaucoup d’imagination pour la prise en charge des contentieux en la matière »1.

§ 3. Les moyens d’intervention de l’Etat au profit de l’intérêt général A. Les modes de cession forcée de la propriété privée

Pour permettre à l’administration de poursuivre ses missions d’intérêt général, le législateur a autorisé certaines atteintes au droit de propriété et notamment l’expropriation pour cause d’utilité publique, les servitudes administratives et le droit de préemption.

1. L’expropriation pour cause d’utilité publique

La loi n° 91-11 du 27 avril 1991 est fondée sur deux grands principes2 :

 Seule l’utilité publique peut justifier le droit de l’administration à utiliser ses prérogatives de puissance publique pour obliger les particuliers à lui céder leurs biens et droits immobiliers ;

 La prise de possession des biens par l’administration ne sera possible et régulière que si la procédure prévue par la loi est strictement respectée et si le montant de l’indemnité a été selon le cas, payé ou consigné.

1 Abdelmalek AHMED ALI, « La législation foncière agricole en Algérie et les formes d’accès à la terre », Cahiers, Options méditerranéennes, Montpellier, CIHEAM, 2011, n°66, p. 46 et 47.

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Partant de ces principes de base, le législateur a énoncé un certain nombre de règles qu’on peut résumer ainsi :

Le recours à l’expropriation pour cause d’utilité publique doit être exceptionnel et avant d’y recourir, l’expropriant est tenu de justifier qu’il a tenté d’acquérir les biens par les voies amiables. En principe, le wali est tenu de vérifier l’effectivité de cette tentative. Il convient de souligner que la loi n’a pas prévu de sanction suite au non observation de cette procédure. Il aurait été judicieux que le législateur oblige, sous peine de nullité de la procédure postérieure, l’expropriant à rechercher les voies amiables.

La procédure d’expropriation est effectuée sur plusieurs étapes :  L’enquête d’utilité publique ;

 La déclaration d’utilité publique ;  L’évaluation des biens ;

 L’arrêté de cessibilité ;  Le transfert de propriété.

Toutes les phases relèvent de la compétence de l’administration, le juge n’intervient dans la procédure que s’il est saisi d’un litige. Toutefois, l’originalité du système est que la saisine du juge entraîne ipso-facto le sursis à la poursuite de la procédure jusqu'à ce qu’il soit statué sur le litige, que celui-ci porte sur la légalité de l’arrêté portant déclaration d’utilité publique ou sur la fixation de l’indemnité.

Le sursis à exécution de la procédure entraîne pour l’administration une obligation de s’abstenir de passer à la phase postérieure, faute de quoi elle engagerait sa responsabilité.

Par ailleurs, le juge est tenu de statuer sur le litige qui lui est soumis dans un délai d’un mois en première instance et dans un délai de deux mois en appel. Il faut préciser ici que bien que prévus par la loi, ces délais nous semblent difficiles à faire appliquer dans la réalité. Or, ils ont été prévus en substitution de la procédure d’urgence qui permettait, sous certaines conditions, à l’administration de prendre possession des biens à exproprier selon une procédure accélérée d’urgence.

Le juge contrôle, la régularité de la procédure mais aussi l’effectivité de l’utilité publique qui elle-même est soumise à une enquête préalable par une commission indépendante. A ce niveau plusieurs questions se posent :

a) La commission d’enquête n’émet qu’un avis et l’autorité administrative a toute latitude

de suivre cet avis ou d’adopter une décision différente ; dans ce cas l’avis obligatoire de la commission n’aurait aucune utilité ni efficacité ;

b) Si en principe la commission est indépendante, en fait elle ne l’est qu’à l’égard du

bénéficiaire de l’expropriation et non de l’autorité administrative ayant compétence pour autoriser le recours à l’expropriation ;

c) Bien que le contrôle du juge sur l’effectivité de l’utilité publique soit suffisamment

large, les moyens dont il dispose pour s’assurer que le projet à réaliser présente une utilité quelconque pour la collectivité, ne semblent pas suffisants ; d’autant que le juge est encore fortement imprégné de l’idée que l’utilité publique relève du pouvoir discrétionnaire de l’administration.

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Théoriquement, seuls les projets légalement reconnus d’utilité publique sont admis et peuvent donner lieu à la procédure d’expropriation. Cependant, bien que la loi tente de définir quelques critères, les contours de la notion d’utilité publique restent flous et peuvent être l’objet d’interprétations multiples.

En raison de la complexité de la situation foncière en Algérie et de l’absence d’un marché foncier transparent, d’une part, l’enquête parcellaire confiée à un commissaire enquêteur pose de nombreuses difficultés dans la mesure où les opérations de cadastre ne sont pas achevées et les titres de propriété ne sont pas disponibles, d’autre part, l’évaluation de biens ne peut être qu’approximative. Sur cette question, le montant de l’indemnité tel que déterminé par le service des domaines tient compte des prix pratiqués dans la région ; mais par l’effet de la spéculation et de la différence entre les prix déclarés et les prix pratiqués, les offres d’indemnités sont souvent en deçà des prix réels sur le marché spéculatif1.

Les techniques d’évaluation des biens à exproprier telles que prévues par la loi font référence à l’utilisation effective des sols un an avant l’ouverture de l’enquête préalable à la déclaration d’utilité publique.

L’indemnité déterminée par les services des domaines est proposée aux propriétaires et aux titulaires des droits réels par l’autorité compétente (généralement le wali) ; en cas de désaccord les propriétaires peuvent saisir le juge en vue de la fixation de l’indemnité. A ce niveau, la difficulté procède de la lenteur de la procédure dans la mesure où le juge administratif n’étant pas spécialisé, il doit recourir à la désignation d’un expert.

Les indemnités prévues par la loi couvrent en principe l’intégralité du préjudice à la condition qu’il soit matériel, certain et direct ; sur ce point les cas de jurisprudence ont montré les limites de ce système. De plus la charge de la preuve en ce qui concerne le préjudice incombe à l’exproprié.

A côté de la procédure normale, le législateur a prévu la possibilité pour l’administration, lorsqu’elle a accompli toute la procédure préparatoire, de demander au juge la prise de possession d’urgence des biens. La prise de possession des biens comme son nom l’indique, doit être justifiée par une circonstance qui fait obstacle à la poursuite de la procédure ou par la nécessité de commencer l’exécution d’un projet ; elle n’est possible que si la déclaration d’utilité publique est régulière et si l’administration a consigné l’offre d’indemnité, elle doit être expressément autorisée par le juge.

Cette procédure gagnerait à être précisée de façon à éviter les interprétations que l’administration pourrait être amenée à en donner.

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