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Fondement et évolution des textes législatifs et réglementaires régissant les biens wakfs

Les biens wakfs appelés aussi habous, comme nous les avions cités précédemment, sont des biens immobilisés, c’est-à-dire rendus imprescriptibles et inaliénables - hors du commerce – par la volonté du donateur au profit de fondations pieuses ou d’utilité publique. Le wakf est une institution tout à fait originale du droit islamique : il peut être public ou privé. Lorsque le donataire du bien est une fondation pieuse ou d’intérêt général, confrérie religieuse, mosquée, école, cimetière, etc.

Pour faire le point sur le statut juridique des biens wakfs et vu l’importance de la place et du rôle de ces biens dans le développement social et économique du pays, nous allons tenter d’identifier les textes législatifs et réglementaires qui les régissent depuis les années 60 à nos jours.

Section 1 : Evolution juridique du statut des biens wakfs

Au lendemain de l’indépendance le législateur algérien a tenté de structurer les biens wakfs pour leur donner une dimension réglementaire et ce, à travers l’élaboration du décret du 1er septembre 1964 qui a intégré ces biens dans le domaine de l’Etat2, ce qui traduit une certaine

continuité avec la loi coloniale française3qui, par une ordonnance du 1er octobre 1844, confirmée

par la loi du 6 juin 1851 avait déjà supprimé le caractère inaliénable des biens wakfs (habous) au profit de l’acquéreur non-musulman, permettant ainsi leur acquisition par les colons européens.

§ 1. Le décret n°64-283 du 17 septembre 1964 portant réglementation des biens habous (waqf) publics

Nous signalons tout d’abord que les biens habous (wakf) sont, soit publics, soit privés.

1 Louis MILLIOT, « Introduction à l’étude du droit musulman », Paris Ve, SIREY 1971.

2 Le décret n° 64-283 du 17 septembre 1964 portant réglementation des biens habous publics. J.O.R.A.D.P n° 35 du 22 septembre 1964. 3 Stéphane PAPI, « L’influence juridique islamique au Maghreb, Algérie –Lybie –Maroc –Mauritanie –Tunisie, » l’HARMATTAN, 2009, p. 321.

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A. Les biens waqf publics

Ils sont des biens inaliénables, mis hors du commerce par la volonté du constituant et dont les revenus sont affectés irrévocablement à une œuvre charitable ou d’intérêt social.

Sont compris parmi les waqf publics :

a) Les édifices du culte ;

b) Les biens dépendant des édifices du culte ;

c) Les biens constitués en waqf au profit des dits édifices ; d) Les waqf privés sans dévolutaires connus ;

e) Les waqf publics réunis au domaine de l’Etat, non encore aliénés ni affectés1.

Sont déclarés waqf publics : les biens acquis par des personnes physiques ou morales en leurs noms propres, ou constitués en habous à leur profit et dont le prix a été payé avec des fonds appartenant à la communauté musulmanes ou collectés auprès de celle-ci ou destinés aux œuvres religieuses.

B. Les biens waqf privés

Sont dits privés, les biens waqf2 dont le constituant a réservé l’usufruit à des

dévolutaires déterminés. A l’extinction des dits dévolutaires ; tout waqf privé devient wakf public3. Il

est important de préciser à ce niveau, que le waqf public ne peut pas devenir un wakf privé.

C. La finalité des biens wakfs

Le bien wakf a une finalité sociale, pieuse ou charitable. L’affectation du bien waqf est soumise à l’intérêt national et à l’ordre public.

Les revenus du bien waqf servent par priorité aux frais nécessaires à son entretien et à sa conservation.

En cas de désuétude d’un bien waqf ; il pourra lui être substitué, dans le respect et dans l’intérêt de son affectation, un autre bien qui conservera la même nature juridique que le bien qu’il remplace.

Nous précisions ici que l’affectation des revenus des biens waqf est décidée par le ministre des habous.

1 Article 2 du décret n° 64-283 du 17 septembre 1964 portant réglementation des biens habous (wakf) publics (Journal Officiel n° 77 du 22 septembre 1964).

2 Le terme « waqf ou wakf » s’écrit et se prononce de la même manière, donc, c’est juste dans les deux sens.

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§ 2. Les terres agricoles ou à vocation agricole constituées en houbous (wakf) public et privé

Afin de redynamiser les terres agricoles constituées en habous (wakf), le législateur algérien a voulu mettre en place un autre dispositif réglementaire visant la protection de ces terre et ce, à travers la promulgation de l’ordonnance n° 71-73 du 08 novembre 1971 portant Révolution agraire qui stipule l’affectation des biens habous (waqfs) au fonds national de la Révolution agraire »1.

A. La terre agricole ou à vocation agricole constituée en houbous (wakf) public

Toute terre agricole ou à vocation agricole, constituée en houbous2 dévolue

directement à une fondation ou qui atteint sa dévolution définitive à la date de publication de l’ordonnance n° 71-73 du 8 novembre 1971 portant Révolution agraire au Journal Officiel de la République Algérienne Démocratique et Populaire3, acquiert de plein droit le caractère de houbous

public, pourvu que la fondation qu’elle a été chargée de réaliser ou l’institution à laquelle elle a été dévolue soit un organisme reconnu d’intérêt général ou d’utilité publique.

La terre agricole ou à vocation agricole est intégralement nationalisée et versée au fonds national de la Révolution agraire.

Lorsqu’une terre agricole ou à vocation agricole constituée en houbous (waqf) a atteint sa dévolution définitive, elle est nationalisée et versée au fonds national de la Révolution agraire, les personnes qui se livrent directement et personnellement à son exploitation au moment de sa nationalisation, en deviennent prioritairement attributaires.

L’attribution et l’exploitation de ces terres ne peuvent se faire que sous forme collective afin de respecter l’unité des actes de dévolution4.

B. La terre agricole ou à vocation agricole constituée en houbous (wakf) privé

Les dévolutaires intermédiaires qui n’exploitent pas directement et personnellement la terre agricole ou à vocation agricole constituée en houbous (waqf) et non encore parvenue à sa dévolution définitive, sont assimilés à des propriétaires non-exploitants pour l’application à cette terre des mesures de Révolution agraire5.

Lorsque la fondation ou l’institution désignée comme dévolutaire définitif d’une terre agricole ou à vocation agricole constituée en houbous (waqf) a cessé d’exister, l’Etat lui est subrogé.

1 Khaled RAMOUL, « Le cadre juridique et règlementaire des biens wakfs en Algérie ; Etude comparative aux dispositions de la charia islamique renforcée des nouveaux textes juridiques et réglementaires ainsi que la jurisprudence, » Alger, Dar El Houma, 2006 p. 19 et 20. 2 Houbous : on dit aussi (habous ou wakf)

3 Ordonnance n° 71-73 du 8 novembre 1971 portant Révolution agraire (J.OR.A.D.P n° 97 du 30 novembre 1971, p.1281)

4 Article 34 de l’ordonnance n° 71-73 du 8 novembre 1971 J.O.R.A.D.P n° 97 du 30 novembre 1971 p. 1283.

5 Khaled RAMOUL, « Le cadre juridique et réglementaire des biens wakfs en Algérie ; Etude comparative aux dispositions de la charia

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En l’absence de dévolutaires intermédiaires, la terre et intégralement incorporée au fonds national de la Révolution agraire.

§ 3. Le cadre réglementaire régissant les biens wakfs selon le code de la famille algérien

« La loi n° 84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille a défini le cadre général et réglementaire relatif aux biens wakfs (habous ou houbous) et ce, à travers des dispositions régissant ces biens de mainmorte »1 .

La constitution d’un bien de mainmorte (wakf) peut s’en réserver l’usufruit à titre viager avant sa dévolution définitive à l’œuvre bénéficiaire.

Le législateur algérien et à travers les dispositions de la loi n° 84-11 portant code de la famille a mis en place des règles relatives à la donation qui est le transfert à autrui de la propriété d’un bien à titre gratuit. Il est permis au donateur d’exiger du donataire l’accomplissement d’une condition qui rend la donation définitive.

La loi n° 84-11 portant code de la famille dispose dans son article 204 ce qui suit : « La donation faite par une personne au cours d’une maladie ayant entrainé sa mort ou atteinte de maladie grave ou se trouvant en situation dangereuse, est tenue pour legs »2.

Nous rajoutons aussi les dispositions de l’article 205 de la loi n° 84-11 portant code de la famille disposant ce qui suit : « La donation peut porter sur tout ou partie des biens du donateur.

Il peut faire donation d’un bien déterminé ou d’un usufruit ou d’une créance due par une tierce personne »3.

Nous avions mentionné les dispositions relatives à la donation, pour mieux comprendre la constitution d’un bien de mainmorte.

A cet effet, le constituant d’un bien de mainmorte (waqf) et le dévolutaire obéissent aux mêmes règles que celles applicables au donateur et au donataire conformément aux articles 204 et 205 4 de la loi n°84-11 portant code de la famille.

Pour constituer valablement en bien de mainmorte (waqf), le bien doit être propriété du constituant déterminé et incontesté, combien même serait-il indivis.

1 Khaled RAMOUL, « Le cadre juridique et réglementaire des biens wakfs en Algérie ; Etude comparative aux dispositions de la charia islamique renforcée des nouveaux textes juridiques et réglementaires ainsi que la jurisprudence» Alger, Dar El Houma, 2006 p. 19 et 20. 2 Articles 204 et 205 de la loi n° 84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille (J.O.R.A.D.P n° 24 du 12 juin 1984, p.624)

3 Articles 204 et 205 de la loi n° 84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille, J.O.R.A.D.P n° 24 du 12 juin 1984, p.624. 4 Article 215de la loi n° 84-11 du 9 juin 1984 portant code de la famille J.O.R.A.D.P n° 24 du 12 juin 1984, p.625.

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§ 4. Les dispositions de la Constitution algérienne de 1989 et la loi n° 90-25 régissant les biens wakfs

A. La Constitution algérienne de 1989

Il est important de mentionner que c’est le décret n° 80-31 du 9 février 1980 portant organisation de l’administration centrale du ministère des affaires religieuses, qui a institué une sous-direction appelée ci-après : la sous-direction des biens wakfs, qui est chargée :

 de recueillir les biens wakfs et d’en suivre la gestion ;  de suivre tous les litiges y afférents ;

 de tenir l’inventaire des mosquées et différents lieux de culte.

Il fallait attendre 1989 pour réhabiliter et garantir les biens wakfs. La réhabilitation et la garantie des biens wakfs, étaient à travers la constitution de 1989 qui dispose dans son article 49 ce qui suit :

« La propriété privée est garantie. Le droit d’héritage est garanti.

Les biens wakfs et les fondations sont reconnus ; leur destination est protégée par la loi»1.

La constitution de 1989 a été abrogée et remplacée par la constitution de 1996 qui stipule dans son article 52, la garantie des biens wakfs.

B. La loi n° 90-25 du 18 novembre 1990 portant loi d’orientation agricole

Cette loi a fixé la consistance technique et le régime juridique du patrimoine foncier ainsi que les instruments d’intervention de l’Etat, des collectivités et organismes publics.

La loi n° 90-25 a fait objet d’une petite recherche liée à notre travail, que nous avions déjà évoqué au niveau de la partie précédente.

Les biens wakfs n’ont pas été négligés ou oubliés par la loi n° 90-25, relative à la loi d’orientation foncière qui stipule dans l’article 31, ce qui suit :

Les biens fonciers rendus inaliénables par la volonté de leur propriétaire pour en affecter la jouissance à titre perpétuel au profit d’une œuvre pieuse ou d’utilité générale, immédiatement ou à l’extinction des dévolutaires intermédiaires qu’il désigne constituent des biens wakfs2.

Les stipulations faites par le constituant d’un bien de mainmorte (waqf sont exécutoires à l’exclusion de celles de caractère incompatible avec la vocation légale du wakf.

1 Décret présidentiel n° 89-18 du 28 février 1989, relatif à la publication au J.O.R.A.D.P de la révision constitutionnelle adopté par référendum du 23 février 1989. Journal Officiel n° 9 du 1er mars 1989.

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