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Chapitre II : Les instruments juridiques et réglementaires pour la gestion et la préservation des terres agricoles privées

Section 2 : La loi d’orientation foncière du 18 novembre

B. Le droit de préemption

Le droit de préemption permet en vertu de la loi ou d’un acte juridique d’acquérir un bien par préférence à toute autre personne et, sauf exception, au prix proposé par un tiers ou fixé par voie d’expert.

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Le droit algérien connaît une institution similaire inspirée de la chariâa islamique sous le nom de chefâa définie comme étant la faculté de se substituer à l’acheteur dans une vente immobilière1. Elle est moins qualifiée à tort de préemption puisqu’elle permet de garder la nue-

propriété dans les mains du reste de co-indivisaires, ce qui la rapproche plus de retrait successoral que la préemption qui a un rôle beaucoup plus large.

La préemption administrative, en revanche, qui en vertu d’une loi peut être exercée par l’Etat et ses démembrements dans un but d’utilité publique et notamment pour intervenir dans les mutations foncières afin de préserver la viabilité des exploitations en ce qui concerne les terres agricoles ou de constituer un portefeuille foncier dans le cadre des opérations d’urbanisme.

La menace que fait peser la préemption sur le droit de propriété privée et sur le principe de la liberté de contracter, oblige le législateur à insérer son utilisation dans des règles rigoureuses et strictes et elle ne peut être envisagée que pour des objectifs précis :

 encourager et promouvoir le travail de la terre par l’installation de nouveaux agriculteurs ou le maintien des exploitants existants ;

 l’agrandissement et l’amélioration des exploitations existantes par la recherche de l’application des nouvelles techniques ;

 la préservation de l’équilibre des exploitations lorsqu’il est compromis par l’emprise de grands travaux d’intérêt public ;

 la sauvegarde de la viabilité de l’exploitation en luttant contre le morcellement en marge des normes fixées par la loi ;

 la lutte contre la spéculation foncière ;

 la sauvegarde des zones sensibles telles que les parcs naturels et les forêts. 1. Les problèmes liés aux successions

La succession en matière de propriété foncière agricole constitue le plus souvent un obstacle à la poursuite de l’exploitation et notamment lorsque tous les héritiers ne sont pas exploitants et qu’ils ne souhaitent pas sortir de l’indivision dans un but de protection de la propriété familiale ou encore si l’un d’entre eux souhaite en sortir alors que les exploitants souhaitent poursuivre l’exploitation. Dans ce deuxième cas, on peut envisager plusieurs situations :

 Le partage amiable qui peut déboucher sur un accord des parties pour la vente de la totalité de l’exploitation. C’est ce qui a été prévu par l’article 720 du Code civil qui dispose : « Les co-indivisaires qui possèdent les trois quarts au moins de la chose commune, peuvent en décider l’aliénation, pourvu que leur décision soit fondée sur des motifs sérieux et qu’elle soit notifiée aux autres co- indivisaires par actes extra judiciaire.

1 Article 794 du Code civil algérien qui dispose : "la chefâa est la faculté de se substituer, dans une vente immobilière à l'acheteur….".

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 Le co-indivisaire dissident peut se pourvoir devant le tribunal dans un délai de deux mois à partir de la notification. Le tribunal a, au cas où le partage du bien indivis est préjudiciable aux intérêts des co-indivisaires, à apprécier, d’après les circonstances, si l’aliénation doit avoir lieu ». Donc nous constatons qu’au cas où les ¾ des co-indivisaires décident la vente, les dissidents peuvent avoir recours au juge.

 A l’inverse, l’article 736 du Code civil permet aux co-indivisaires de demeurer dans l’indivision s’ils estiment que la destination du bien fait que le partage est contraire à leur intérêt. C’est ce que nous comprenons à travers la disposition de l’article 736 du Code civil : « Les co-propriétaires peuvent convenir, au cours des opérations du partage définitif, de procéder au partage provisionnel. Ce partage demeure en vigueur jusqu'à la conclusion du partage définitif ».

Si les co-propriétaires ne sont pas d’accord sur le partage provisionnel, ce partage peut être ordonné par le tribunal à la demande de l’un des co-propriétaires, et après recours, s’il y’a lieu ».

Sans entrer dans les détails de mécanismes des successions, on peut relever que tout le système est basé sur la seule volonté des co-indivisaires et peu d’attention est accordée à l’intérêt de l’exploitation. Pour remédier à ces situations qui peuvent faire obstacle à l’introduction d’une conception moderne de l’exploitation agricole, plusieurs propositions peuvent être avancées :

 L’attribution préférentielle au co-indivisaire exploitant qui consiste à lui reconnaître le droit de racheter les quotes-parts des co-indivisaires. L’attribution préférentielle peut être obligatoire ou facultative.

 L’attribution en vue de la constitution d’un groupement familial consisterait à confier à l’un des membres de la famille le droit d’exploitation de la terre sur la base d’un bail. Cette solution présente l’intérêt pour l’exploitant de ne pas avoir à verser une soulte qui peut constituer une charge foncière qui l’empêcherait d’investir.

 L’attribution par prise à bail consiste pour les co-indivisaires à donner la terre à bail à l’un des co-indivisaires.

2. La notion d’homogénéité de l’exploitation

La notion d’exploitation revêt des contenus différents selon qu’il s’agit d’une exploitation de production agricole ou d’une exploitation d’élevage. Les critères utilisés pour l’exploitation de production agricole sont la nature du sol (sec ou irrigué) et la nature des productions (cultures industrielles maraîchage, agrumes, fourrages…).

Le contrôle des mutations foncières veille à ce qu’on ne puisse, en aucun cas, modifier fondamentalement les caractéristiques de l’exploitation.

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Cependant, en ce qui concerne les exploitations d’élevage, aucun critère n’a été prévu. Sans doute que l’objectif essentiel de la loi était de préserver les terres agricoles, et le législateur ne s’est pas encore soucié de l’organisation des autres activités agricoles qui demandent pourtant des clarifications.

Section 3 : La levée des obstacles (l’ordonnance n° 95-26 complétant la loi n°

95-25)

L’ordonnance n° 95-26 du 25 septembre 19951 est une loi qui consacre le droit de

propriété et remet en cause toutes les formes d’atteinte à la propriété privée, en élargissant la restitution des terres agricoles aux donateurs dans le cadre de la Révolution Agraire et aux propriétaires fonciers dont les biens ont été mis sous protection de l’Etat par le décret du 9 mai 1963. Elle répond à une revendication générée par la privatisation annoncée des terres et elle répare les insuffisances de la loi n° 90-25 relative à l’orientation foncière.

§ 1. L’extension du champ des restitutions

Si la restitution des terres ayant fait l’objet de donation au FNRA ne pose pas de problèmes particuliers puisque la loi ne fait aucune exception ni restriction, par contre la restitution des terres mises sous protection de l’Etat appelle quelques observations.

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