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Les objectifs de la révolution agraire

Par rapport aux expériences historiques d’autres formations économiques et sociales en transition vers le socialisme, la révolution agraire algérienne présente des caractéristiques très spécifiques.

Elle ne vise pas à détruire une classe dominante de grands propriétaires fonciers, puisque cet objectif a été atteint par la guerre de libération nationale et la nationalisation des terres coloniales.

1 Salah BOUCHEMAL, « Mutation agraires en Algérie », PHARMATTAN, Paris 1999, p.46.

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« A moyen et long terme, le rôle économique de la révolution agraire peut être important : elle peut déboucher sur la mise en œuvre d’une politique globale de mise en valeur agro- pastorale, qui liquide définitivement les systèmes de culture appauvrissants de l’ancien secteur colonial, restaure les équilibres et les complémentarités entre les diverses spéculations et les diverses régions naturelles, reconstitue les forêts et les sols détruits par l’érosion. Au prix d’importants efforts scientifiques, techniques et organisationnels, l’agriculture algérienne, pourrait accroître notablement sa production, faire face aux besoins du pays en produits alimentaires, et devenir un partenaire économique important pour le secteur industriel, le bâtiment et les travaux publics »1.

§ 1. La nécessité de s’organiser pour la nouvelle réforme A. Confirmer les droits des petits et moyens propriétaires

La révolution agraire n’est pas une simple opération de nationalisation et de redistribution des terres et des palmeraies, ni une simple opération de modernisation des techniques de culture, elle ne vise pas (non plus) l’abolition du droit de propriété en tant que tel, si elle supprime la possibilité qu’ont certains propriétaires d’exploiter les travailleurs à leurs profit ou de laisser leurs terres à l’abandon, elle confirme, au contraire, les droits des petits et moyens propriétaire qui cultivent eux-mêmes leurs terres.

C'est-à-dire qu’elle doit avant tout mettre fin à l’absentéisme, qui tend à sous utiliser ces terres.

L’ordonnance de 1971 donne de l’absentéisme une définition complète. En effet, cette ordonnance dénie la qualité de propriétaire exploitant à toute personne qui ne se livre pas directement et personnellement à l’exploitation de la terre sur laquelle elle détient un droit de propriété.

La révolution agraire doit avant tout éliminer toutes formes d’absentéisme : celui-ci, est en effet, à l’origine de l’abandon des terres ou de leur mise en valeur insuffisante et provoque des transferts abusifs de revenus de la campagne vers la ville. Partant de ce principe : la terre à ceux qui la travaillent, sont considérés comme absentéistes tous les propriétaires qui ne travaillent pas personnellement leurs terres.

Il s’agit essentiellement de supprimer la rente foncière et de confirmer les droits sur la terre de ceux qui la travaillent.

A cet effet, « les terres des propriétaires absentéistes, ainsi que les moyens de production qui leurs y sont attachés seront nationalisés et leur exploitation confiée aux travailleurs qui s’y trouvent et aux paysans sans terre qui vivent dans la même commune.

Donc l’exploitation personnelle et directe est, dès lors, le critère essentiel à partir duquel est saisi l’absentéisme.

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L’exploitation directe et personnelle de la terre consiste, pour un propriétaire donné, dans le fait de la travailler seul avec le concours de ses parents en ligne directe, de faire profession de son activité agricole et de vivre essentiellement du produit de cette seule activité »1.

« La révolution agraire a été motivée par les aspirations fondamentales des masses les plus démunies au progrès, au sens large du terme ; aspirations qui ont, au demeurant, animé dans une large mesure le combat séculaire de la paysannerie algérienne contre le colonialisme implique au-delà des préoccupations de justice sociale ; la transformation radicale des conditions de vie et de travail dans le monde rural.

L’augmentation de la production, l’amélioration des revenus des paysans, la lutte contre l’exploitation de la paysannerie sans terre et contre les déséquilibres profonds entre les villes et les campagnes »2.

« L’Etat algérien se devait d’être fort avant d’assumer une politique aussi controversée que la R.A. Du point de vue des tenants de l’appareil d’Etat, il y avait donc les préalables nécessaires tant au plan politique, administratif, qu’économique »3.

B. Le contrôle de l’ensemble du monde paysan

L’ensemble du territoire se devait d’être organisé en vue de préparer une réforme dont on savait qu’elle mettrait en cause les intérêts de certains des groupes liés au pouvoir central.

Dès cette étape préalable, le projet de réforme agraire révèle son principal objectif : s’assurer le contrôle social de l’ensemble du monde paysan.

Cette réforme intervient en 1972 et vise à transformer profondément les structures agraires du pays. La R.A se veut radicale et révolutionnaire, et se présente comme la seconde étape d’un processus qui a commencé avec la nationalisation des terres coloniales.

Elle entend agir sur l’ensemble des données économiques et sociales de la paysannerie, puisqu’elle porte aussi bien sur les structures agraires et le mode de production que la possession du cheptel et son exploitation dans les zones pastorales, que sur l’habitat rural.

Les données du recensement du Ministère de l’agriculture de 1965 font état d’une aggravation de la paupérisation dans ce secteur depuis l’époque coloniale. Il est indiqué que les exploitations de moins d’1 hectare et celles de 1 à 10 hectares représentent 3% du total, leur superficie respective est de 22% et 27% du total (5.389.700 ha).

1 El Hadi CHALABI, « Les Nationalisations des terres dans la Révolution Agraire », O.P.U, p. 196. Alger 1984 P. 196.

2 R. BENKREIF, Structures foncières et contraintes d'intensification dans le secteur autogéré en Algérie, Université de Nancy 1, 1981, p.20. 3 François BURGAT et Michel NANCY, « Les villages socialistes de la révolution agraire algérienne (1972-1982) », C.N.R.S. France 1984, p. 48

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Les enquêtes officielles faites à la veille de l’application de la révolution agraire, indiquent que la céréaliculture occupe 96% des surfaces cultivées du secteur privé et qu’il faut en moyenne une superficie de 10ha au minimum pour occuper un homme et nourrir modestement une famille. Dans ces conditions, c’est donc 323.300 exploitants sur 583.900, soit plus de la moitié, qui se retrouvent au-dessous du minimum vital. A cela on ajoute les aides familiales et les paysans sans terre, soit environ 600.000 personnes en plus. Dans cette situation très précaire de la paysannerie, la révolution agraire entend apporter des solutions aux paysans en commençant par opérer une réforme au niveau des structures de ce secteur qui constituent le blocage principal au développement.

La charte de la révolution agraire et l’ordonnance n° 71-73 du 8 novembre 1971 forment les textes de référence de cette réforme. Celle-ci se donne pour objectif à moyen terme, d’éliminer toutes les formes de propriété entraînant un gaspillage des ressources en terres et en eau. Le but essentiel est en fait la constitution d’un secteur agricole intégré comprenant le secteur autogéré, les moyennes propriétés privées et les coopératives de production issues de la révolution agraire.

A plus long terme, et en fonction des impératifs des plans de développement, la coopération entre les secteurs devrait être généralisée, afin d’arriver à une homogénéisation du secteur agricole dans son ensemble.

Elle se veut comme réponse aux problèmes de sous-développement rural et comme élément de la stratégie de développement, la révolution agraire s’assigne un double objectif celui d’opérer des changements dans les structures agraires, la recherche d’intégration entre le développement agricole et le développement des autres secteurs de la vie économique et social.

§ 2. Les différentes étapes de la révolution agraire A. La première phase

Les différentes étapes qui ont jalonné l’application de cette importante opération, née le 8 novembre 1971 jour de la signature de l’ordonnance portant révolution agraire sont :

- 1er janvier 1972 : Installation de la commission nationale de la révolution agraire

(C.N.R.A).

- 12 janvier 1972 : Lancement d’une campagne d’information à l’échelle nationale. - 23 février 1972 : Premier versement au Fonds National de la révolution agraire

(F.N.RA).

- 27 mars 1972 : Début recensement des terres agricoles ou à vocations agricoles. - 17 juin 1972 : Première distribution des terres, 201 fellahs groupés en 8 coopératives

ont reçu des titres d’attribution.

- 17 juillet 1972 : Début du volontariat d’été et annonce du projet de construction de

1000 villages socialistes.

- 24 août 1972 : Pose de la première pierre du premier village socialiste de la révolution

agraire (V.S.R.A).

- 6 septembre 1972 : Installation de la première coopérative agricole de production de

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Ces étapes ont constituées la première phase qui a consisté à recenser à distribuer les terres relevant d’une façon directe ou indirecte du secteur public, c'est-à-dire les terres communales, domaniales et Arch.

B. La deuxième phase

La seconde phase, quant à elle, a consisté à recenser les terres du secteur privé ainsi que leurs exploitants. Au terme de ce recensement et compte tenu de la nature du sol, de la surface et du nombre des membres des familles exploitantes, une limitation de la grosse propriété privée a été opérée ainsi que la nationalisation des « absentéistes », c'est-à-dire des terres des propriétaires non exploitants et pour que l’agriculture constitue une activité secondaire.

Cette seconde phase d’application de la révolution agraire, a débuté le 18 octobre 1972 par le recensement des terres privées, suivi d’une nationalisation partielle ou intégrale selon les cas.

Dans le but de régler les litiges qui pourraient survenir, on a créé des commissions de recours au niveau de chaque wilaya ainsi qu’une commission de recours national.

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