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Définition des biens wakfs et leur évolution dans les sociétés musulmanes

Chapitre I : Les caractéristiques des biens wakfs

Section 1 Définition des biens wakfs et leur évolution dans les sociétés musulmanes

§ 1. Définition des biens wakfs

« D’une manière générale, le terme wakf (au pluriel : awkafs) est infinitif (masdar) qui indique l’action d’arrêter, de repousser la réclamation d’un droit de propriété sur une chose ; il s’oppose au mot Tamlik appropriation. Son synonyme Habous, ajoute à cette idée le sens de séquestre.

Les deux vocables : wakf, usité de préférence dans le Proche Orient, et habous, dans sa forme plurielle, francisée et vulgarisée dans les pays musulmans d’occident, désignent une institution originale, spécifiquement islamique qui pour être bien comprise, demande à être envisagée sous ses aspects multiples »2.

En somme, le wakf signifie littéralement en langue arabe : arrêt, immobilisation, emprisonnement.

Un des plus grands jurisconsultes malékites IBN ARAFA a défini le wakf comme étant « un acte de disposition à titre gratuit sur l’utilité d’une chose pendant la durée de celle-ci, la nue-propriété restant réellement sur la tête du constituant durant sa vie et fictivement après sa mort ».

1 Nacereddine SAIDOUNI, « le wakf en Algérie à l’époque Ottomane », recueil de recherches sur le wakf, Koweit, série de livre (4) 2009 p.1. 2 Louis MILLOT, « Introduction à l’étude du Droit Musulman », Paris Ve, SIREY 1971, p. 537.

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IBN RACHID quant à lui disait que « c’est un acte à titre gratuit mettant à la disposition d’autrui les utilités du bien à titre perpétuel ».

Selon Chems-Eddine HAFIZ : « Le wakf présente suffisamment de traits originaux pour dire qu’il s’agit d’une institution sui generis, relativement proche de la notion anglaise de trust allemande de Stiftung et celle de la fondation en droit française »1.

Au demeurant, le wakf est un acte religieux par lequel le wakif (le constituant ou donateur) en espérant la récompense de Dieu, consacre ses biens ou une partie d’entre eux à des œuvres de bienfaisance, en tentant de faire accéder le plus grand nombre possible de personnes à l’usage de son bien dans un but d’intérêt général. On concrétise, même après sa mort le souci du wakif qui est d’ordre religieux à un but purement social.

Il s’agit d’un bien religieux de mainmorte, immobilisé et frappé de séquestre au profit des fondations créées dans un but pieux ou d’utilité publique.

Cependant, les principaux effets de cette institution sont : l’inaliénabilité et l’insaisissabilité du bien wakf. Il est immobilisé ; retiré de la circulation, ne peut être donné, ni échangé ou vendu.

Il est également insaisissable, étant hors du commerce, il n’entre pas dans le gage du créancier et ne peut pas faire l’objet d’une saisie.

Aussi, donation faite à perpétuité, inaliénable, le wakf demeure toutefois la propriété du wakif durant sa vie, et fictivement après sa mort.

Il est important de signaler que sur le plan juridique, le principe ne pose pas de problème. Par contre sur le statut de la nue-propriété, une difficulté subsiste.

Selon ABOU HANIFA, et les malékites : « le bien continue d’appartenir au wakif (le donateur) et à ses héritiers, mais ils ne peuvent plus en disposer. Pour IBN HANBAL (hanbalites), le bien devrait devenir propriété légale à la fondation pieuse qui l’exploite ».

Quant aux Châfites, suivies par les tenants des Hanafites, « estiment que la propriété du wakf a été sacralisée par l’acte de donation et par conséquent elle appartient exclusivement à Dieu ».

Par ailleurs, il est distingué deux sortes de biens wakfs : l’un est public et l’autre est privé. Lorsque le wakif (donateur) du bien est une fondation pieuse ou d’intérêt général (confrérie religieuse, mosquée, école, cimetière…) on est en présence d’un bien wakf public (kheïri).

Par contre, le wakf privé (Ahli), lorsque la donation est faite alors que l’appréhension est différée en raison de l’existence d’héritiers. La donation est soumise dans ce cas à une condition suspensive. Le transfert de propriété du bien wakf n’aura lieu qu’au moment de l’extinction des dévolutaires intermédiaires.

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Le wakf devient dès lors, public et est administré par un mandataire appelé (Nadhir). Le donateur se dessaisit alors tant du droit de propriété que de l’usufruit, car le bien est aussitôt frappé d’une insaisissabilité et d’une inaliénabilité ; sauf en cas d’indigence du dévolutaire intermédiaire ou lorsque le bien ne répond plus au but de son affectation.

La constitution de habous étant une donation d’usufruit, le propriétaire qui immobilise son bien n’en cède pas la pleine propriété. Selon KHALIL, « le constituant cède l’usufruit, non la nue-propriété ».

Elle est faite au profit d’un bénéficiaire (mahbous) tel que (mosquée, zawiya, école…). Mais il n’est pas nécessaire, pour sa validité, que ce bénéficiaire ait déjà une existence légale.

Il suffit qu’il y ait constitution pour la réalisation d’un but pieux ou d’utilité générale : construction d’une mosquée, d’une école, d’un pont, d’un cimetière…).

Elle emporte alors la mise sous séquestre du bien affecté, le constituant ne peut plus céder sa nue-propriété ; ni le bénéficiaire son usufruit.

Donc le caractère fondamental de la constitution de habous, c’est de mettre sous séquestre le bien en plein propriété et le faire sortir du commerce. Il en résulte que l’on qualifié généralement habous tout une série d’actes qui sont selon le code foncier ottoman : « irrégulier ou improprement dits ».

Ainsi en est-il des affectations consenties à une œuvre, généralement à perpétuité par le souverain, de tout ou partie des revenus d’une terre domaniale, des aliénations à charge de rente, à servir par l’acquéreur ; à un établissement pieux ou d’utilité générale : mosquée ou zaouïa1,

du prélèvement par le propriétaire d’un puits, d’un certain nombre de parts d’eau, au profit de telle ou telle mosquée.

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