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Le statut juridique des terres de l’autogestion

§ 1. La définition du statut juridique des terres de l’autogestion

Il y a eu plusieurs étapes dans la définition du statut juridique des terres considérées. C’est ainsi qu’aux termes de l’article 1er du décret n° 63-88 du 18 mars 1963 portant

réglementation des biens vacants, étaient considérées comme « biens vacants » et placées sous la tutelle administrative de la présence du conseil, les exploitations agricoles qui on fait l’objet d’une constations de vacance ou qui ne sont pas en activité ou normalement exploitées, hors le cas de motif légitime bien défini.

A. Définition des biens vacants

Ces entreprises ont, de plein droit, la personnalité morale de droit privé ; ce qui en d’autre terme signifie qu’elles, n’ont ni prérogatives de puissance publique ni obligatoirement de service public et qu’elles sont régies par le droit privé, sauf particularité spécifique renforçant l’intervention et le contrôle de l’Etat et son démembrement.

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Cette stipulation est d’importance dans la mesure où elle situe le secteur autogéré dans un cadre bien plus défavorable que le secteur privé, puisque juridiquement le premier, en plus des droits et obligations légaux qui pèsent sur le second, doit subir des contraintes spéciales. En échange de ces contraintes supplémentaires, les biens vacants échappent à toute poursuite ou voie d’exécution à raison d’obligations antérieures à la déclaration de vacance.

Le premier octobre 1963 la notion bien vacant, de même que les critères quelque peu imprécis qui la déterminent, laisse place à un concept nouveau ( biens de l’Etat) déterminé de façon plus rigoureuse : toutes les terres appartenant aux personnes physiques ou morales qui ne jouissent pas de la nationalité algérienne sont déclarées biens de l’Etat.

A l’instar du modèle yougoslave dans l’autogestion algérienne, il y a propriété publique des terres et des moyens de production à l’Etat qui concède à perpétuité cette propriété aux collectifs des travailleurs.

Cependant, cette disposition qui relève de l’idéologie est périodiquement remise en cause discrètement, il est vrai, par ceux qui trouvent à juste titre, qu’il y a incompatibilité entre les principes de la propriété publique des moyens de production et l’autogestion qui devrait impliquer la propriété collective, tant au niveau national qu’au niveau de l’unité des terres et des moyens de production.

B. Le caractère inaliénable des terres

Dans ce domaine, le débat reste ouvert et les réformes de 1966 et 1969 n’ont apporté aucune innovation.

En effet, si la réforme de 1969 a confirmé les caractères inaliénables, imprescriptibles et insaisissables des terres de l’autogestion, ces mêmes caractères ont été reconnus par le décret n° 69-120 du 18 août 1969 portant statut des coopératives avec une limitation encore plus restrictive de ces caractères conformément à l’article 3 du décret n° 69-120 du 18 août 19691, il faut noter que les terres de ces coopératives ne peuvent pas faire l’objet d’aucune

location totale ou partielle.

L’Etat reste propriétaire exclusif du patrimoine des domaines autogérés, y compris des biens meubles et immeubles affectés à l’exploitation et des investissements effectués à l’exploitation et des investissements effectués de quelque nature que ce soit.

Le collectif des travailleurs reçoit de l’Etat ce patrimoine en jouissance pour une durée illimitée jusqu’à dissolution du collectif, laquelle ne peut intervenir que par décret.

En échange de la jouissance du produit découlant de la mise en valeur de l’exploitation, le collectif qui administre et gère son domaine, est tenu à la bonne conservation et au développement du patrimoine dont il bénéficie et l’exploitation doit se faire conformément aux orientations du plan national.

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La propriété d’Etat qui se définit comme la propriété détenue par la collectivité nationale à travers l’Etat qui est l’émanation de cette collectivité, représente la forme la plus élevée de la propriété sociale. Par contre, les formes de gestion qui s’appliquent au patrimoine de la collectivité nationale, qu’il s’agisse des entreprises socialistes, des entreprises coopératives ou autogérées, demeurent des formes évolutives perfectibles et peuvent être : amendées, perfectionnées ou transformées en fonction de l’expérience des nouveaux objectifs à atteindre du développement des forces productives de l’élévation de maturité de la conscience sociale des travailleurs et l’avancement du progrès dans toutes ses formes.

§ 2. La taille des exploitations

Selon les statistiques de 1954, 2.726.700 ha appartenaient à 22.037 exploitants étrangers. Au 1er octobre 1963, l’essentiel de cette superficie soit plus de 85% en exploitation de

plus de 100 ha était versée au secteur autogéré dont l’assiette était par ailleurs élargie grâce à la nationalisation des propriétés appartenant à des algériens, dont le comportement durant la guerre de libération a été jugé douteux voire anti-national et des propriétés achetées par des algériens pendant la guerre de libération nationale malgré les interdits proclamés par les dirigeants du mouvement de libération.

A. La répartition des superficies

La répartition des superficies des exploitations autogérées, telle qu’elle résulte des statistiques agricoles arrêtées à la veille des opérations concernant la Révolution Agraire, indique qu’il existe 106 domaines de moins de 100 ha, 479 ayant de 100 à 500 ha, 634 ayant de 500 à 1000 ha, 554 domaines ayant de 1000 à 2000 ha et 221 domaines ayant de plus de 2000 ha soit 1994 domaines pour 2.300,000 ha.

Cependant, la consistance de l’assiette du secteur autogéré agricole diffère notablement selon les sources et parfois d’une campagne à l’autre.

L’écart d’une source à l’autre pouvant atteindre quelque 100.000 ha, ce qui est loin d’être négligeable et qui peut s’expliquer aussi bien par l’inefficacité relative du système statistique de recensement que par les efforts de pratiques plus ou moins maîtrisables, plus ou moins analysées et qui concerne l’usage irrégulier par le secteur privé et la récupération partielle ou périodique de parcelles marginalisées appartenant au secteur autogéré.

B. L’opération relative au cadastre

Il est certain que les sources compétentes en matière de statistiques agricoles, et l’administration de l’organisation foncière et du cadastre, s’attachent à confectionner des plans cadastraux actualisés de toutes les propriétés foncières dans le cadre notamment de l’opération portant cadastre général et institution du livre foncier.

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Cette tâche est rendue particulièrement difficile par l’absence des documents nécessaires, les colons ayant gardé leurs titres de propriétés pour d’éventuelles indemnisation, par des empiétements du secteur privé sur le secteur autogéré, par l’accaparement des terres dites marginales relevant des propriétés en autogestion et indûment exploitées par des paysans privés ; par l’annulation justifiée ou de convenance des mesures de nationalisation des propriétés appartenant à des algériens ; enfin par l’affectation de parcelles du secteur autogéré aux activités non agricoles du secteur public.

Cette dernière constitue l’un des plus grands dangers qui menace l’assiette foncière du secteur autogéré, surtout pour les parcelles situées à proximité de zones urbaines, parcelles spécialement convoitées pour constituer les fonds des zones industrielles et des zones d’extension des périmètres urbains.

En effet, il est plus facile d’extraire, par simple arrêté ministériel, une parcelle d’un domaine autogéré et de la concéder, sans frais, à tel ou tel ministère, société nationale ou collectivité locale, pour l’implantation de tel ou tel complexe que de recourir à des moyens judiciaires et à des frais financiers, pour l’expropriation de propriétaires privés quand bien même les terrains privés seraient moins fertiles et de meilleure vocation pour les opérations considérées. Il est clair dans ces conditions que la réalisation de l’ambitieux programme d’industrialisation ainsi que la totalité des zones de développement se traduiront par une perte de plusieurs dizaines de milliers d’hectares du secteur de l’autogestion.

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