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L’aspect juridique des exploitations agricoles

Chapitre II : La domanialisation des terres agricoles

Section 2 L’aspect juridique des exploitations agricoles

C’est la loi n° 87-19 du 8 décembre 1987 qui a institué les exploitations agricoles collectives (EAC) et les exploitations agricoles individuelles (EAI).

Il est à noter à cet égard que les quelques 300 coopératives agricoles des moudjahidines ont été créés après distraction des terres du secteur autogéré, mesure qui n’a pas reçu l’adhésion en ce temps-là des responsables de l’agriculture qui se sont évertués, sans succès, à les dénommer unité pilotes d’autogestion.

Il était reproché à ces coopératives d’être autonomes et d’opérer en dehors du secteur socialiste, de vouloir le battre en brèche.

Mais en réalité, d’autres raisons ont présidé aussi à la mutation des Domaines Agricoles Socialistes ou D.A.S (la dénomination de DAS a été donnée aux exploitations issues, de la restructuration des domaines autogérés et coopératives de production de la révolution agraire en attendant qu’une décision soit prise quant au devenir du secteur socialiste).

Dans le cadre de la mise en œuvre de la réorganisation des DAS en EAC et EAI, l’attribution individuelle a constitué un enjeu de premier plan dans la satisfaction des requêtes des anciens moudjahidines, lesquels généralement, refusaient de s’intégrer aux collectifs nouvellement crées.

§ 1. L’exploitation agricole individuelle (EAI)

Lors de la dernière restructuration des Domaines Agricoles Socialistes, l’attribution des terres à titre individuel, devait également être l’exception.

A. Les attributions des parcelles de terre

En effet, la loi n° 87-19 du 08 décembre 1987 prévoit en ses articles 9 et 37 des dispositions permettant d’opérer des attributions à titre individuel des parcelles de terre, sous réserve toutefois que celles-ci aient notamment une taille ne pouvant satisfaire à la capacité du travail collectif le plus réduit et ne pouvant être intégrées dans une exploitation du fait de leur enclavement ou de leur éloignement1.

L’article 9 : de la loi n° 87-19 dispose dans son alinéa 3 : « L’exploitation

individuelle peut exceptionnellement être envisagée dans les cas et aux conditions fixées par la présente loi ».

L’article 37 précise : « Lorsque après constitution des exploitations agricoles

collectives, il subsiste des parcelles de terre dont la taille ne pourrait satisfaire à la capacité de travail du collectif le plus réduit et/ou ne pourraient être intégrées dans une exploitation du fait de leur enclavement ou de leur éloignement, elles peuvent être attribuées à titre individuel »2.

1 "Rapport n° 2 relatif à la situation actuelle et orientations pour la définition d'une politique foncière, étude sur le foncier agricole, Alger juin 1998, p. 95.

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B. Les statistiques en matière des attributions individuelles

Si l’on prend en considération les attributions individuelles effectuées lors des différentes opérations de restructuration des terres du domaine national, nous constatons que le nombre d’exploitations individuelles est élevé, suite :

 au démembrement des 23 000 fermes détenues par les colons en domaines autogérés ;

 à la mise en œuvre des opérations de la révolution agraire ;

 aux opérations de restitution relatives à l’ensemble des terres relevant du domaine national ;

 au démembrement de nombre d’exploitations agricoles dont le patrimoine a été transféré partiellement ou en totalité à des fins autres qu’agricoles (construction, routes, aménagement…).

Ces attributions individuelles, faites avant la parution de la loi n° 87-19, cumulées, totalisent un nombre de 40 580 exploitations.

Au niveau du terrain, l’exploitation agricole individuelle est une réalité, de facto et/ou de jure.

Mais le fait accompli est d’envergure nationale : il pèsera lourdement sur les décisions ultérieures de différentes natures qu’elles que soient l’option prise ou les alternatives proposées.

Donc, l’attribution individuelle ne pouvait être que freinée, différée, mais pas exclue. Au reste, c’est une requête latente de la majorité des collectifs des attributaires vivant dans la discorde pour des raisons évidentes (inégalité des efforts, des initiatives, des participations et différence dans la perception du devenir de l’exploitation).

§ 2. L’exploitation agricole collective (EAC)

Trois ou plusieurs producteurs constituent entre eux, par cooptation réciproque, un collectif en vue de créer une exploitation agricole collectif.

A. Statut de l’exploitation agricole collective

Le collectif des agriculteurs constitue une société civile de personnes régie par la législation en vigueur et les dispositions particulières de la loi n° 87-19 du 08 décembre 1987.

Cette exploitation agricole collective a la pleine capacité juridique de stipuler, d’engager et de contracter.

L’exploitation collective est juridiquement constituée après la publication de l’acte administratif lui transférant la propriété des droits réels immobiliers.

Les membres de l’exploitation agricole collective jouissent des mêmes droits, et sont astreints aux mêmes obligations.

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Les producteurs des EAC sont tenus d’œuvrer pour :

 la production de richesses au service de la Nation et de l’économie nationale,  l’amélioration continue de la production et de la productivité,

 la modernisation des modes et moyens de production.

Comme l’EAC est une société de personnes, chacun des associés est tenu à l’égard des tiers par les engagements faits au titre de l’exploitation par les autres associés.

En effet, les membres de l’exploitation sont tenus d’assurer collectivement l’exploitation optimale de toutes les terres dans l’indivision, de conserver leur vocation agricole et de mettre en œuvre toute action de nature à les valoriser. Ils décident aussi de la répartition et de l’usage collectif du revenu.

Chacun des membres de l’exploitation agricole est tenu de participer directement et personnellement aux travaux dans un cadre collectif.

Une convention non opposable aux tiers peut déterminer le mode de participation de chacun des membres ainsi qu’une éventuelle répartition des tâches au titre de l’exploitation.

La participation personnelle et directe aux travaux dans un cadre collectif, constitue l’innovation apportée par le législateur algérien par rapport aux sources qui l’ont inspirées. Cette condition était nécessaire pour se conformer aux principes qui étaient encore en vigueur (Révolution agraire, charte nationale et même le code civil consacre dans son article 692, le principe de la terre à ceux qui la travaillent1.

C’est ce même principe qui justifie l’exigence de l’exercice de l’activité agricole pour les postulants au droit de jouissance.

« Toute sanction ou mesure de droit, qui frappe directement et à titre personnel, un membre de l’exploitation agricole collective est sans effet sur l’existence de l’exploitation. Le législateur algérien a consacré une exception aux règles du droit commun applicables aux sociétés de personnes, en déclarant que l’exploitation agricole survivra quelles que soient les sanctions qui peuvent frapper un de ses membres et notamment la déchéance de ses droits, qui donc n’entraîne pas sa dissolution.

S’agissant des quotes-parts, elles sont dans le respect du caractère collectif de l’exploitation transmissible, cessible et saisissable.

Ces quotes-parts ne sont pas cessibles, sauf en cas de décès, durant les cinq premières années à dater de la constitution de l’exploitation agricole collective.

Donc même si les associés changent, l’exploitation qui est une personne morale continue à survivre.

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Toute cession de quote-part ne peut intervenir qu’au profit des travailleurs du secteur agricole. La priorité est donnée dans ce cadre aux jeunes ayant bénéficié d’une formation agricole ainsi qu’aux travailleurs au sein de l’exploitation agricole collective, sans oublier de mentionner que l’Etat peut exercer à tout moment son droit de préemption.

En cas de pluralité de successeurs et ayants droit, ces derniers substitués dans les droits et obligations de leur auteur peuvent choisir l’un d’entre eux pour les représenter et assumer les droits et charges de la quote-part.

Ils peuvent également se désister, à titre onéreux ou gracieux, au profit de l’un d’entre eux ou céder leurs quotes-parts. Donc l’impératif imposé aux héritiers de se faire représenter par l’un d’entre eux, se justifie par la nature de l’apport de chacun des associés et notamment la participation directe aux travaux.

Tout empêchement en raison d’une incapacité physique légalement constatée ou de l’exercice d’un mandat électif national ou permanent, de participer personnellement et directement à l’exploitation, entraîne l’obligation pour le membre concerné de se faire remplacer à ses frais, par une personne de son choix. Il reste dans ce cas directement et personnellement tenu des obligations de l’EAC »1.

B. Les sanctions relatives au non-respect des obligations

Lorsque cet empêchement nuit au fonctionnement de l’exploitation, les autres membres du collectif sont fondés à demander au tribunal de statuer sur la transmission ou la cession de la quote-part du membre empêché dans un délai raisonnable. Mais les personnes qui sont soumises aux obligations du service national continueront à bénéficier des mêmes avantages qu’un producteur en situation d’empêchement, pendant toute la durée du service national.

Tout collectif constituant l’EAC qui ne respecte pas ses obligations peut entraîner une déchéance de ses droits et procédera au paiement d’une indemnité pour le dommage causé au profit de l’Etat. Le wali, en tant que représentant de l’Etat, doit suivre avec le concours d’un huissier de justice avant de saisir le juge seul compétent pour prononcer la déchéance ou la dissolution.

L’article 8 du Code des procédures civiles précise que seul le juge est compétent pour statuer sur la déchéance des droits réels immobiliers, qui ne peut donc être que le juge civil et ce dernier peut prononcer toute mesure de nature à préserver l’exploitation.

La cession de la quote-part entraîne transfert de tous les droits y afférents, y compris ceux relatifs aux locaux d’habitation.

Le retrait d’un membre ou toute autre circonstance modifiant la composition de l’EAC ne peut donner lieu à un partage.

Pour que l’exploitation puisse conserver son intégrité et sa viabilité, le membre concerné ou ses ayants droit bénéficient d’une indemnité représentative de la contre-valeur de la quote-part qu’ils détiennent.

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L’indemnité que nous avons cité ci-dessus est fixée à l’amiable par acte authentique et peut être, le cas échéant, déterminée par voie judiciaire.

Le contentieux relatif au paiement de la redevance qui doit être versée à l’administration des domaines, dépend de la qualification que donne le juge au droit de jouissance perpétuelle. S’il le qualifie comme étant un bail rural c’est le juge civil qui sera compétant en vertu de l’article 7 bis du Code de procédure civile1.

§ 3. Constitution de l’exploitation agricole collective

L’exploitation agricole collective est constituée de plein droit à la date de publicité de l’acte administratif.

Toute transaction ayant pour effet de modifier la consistance de l’étendu des droits réels immobiliers de l’exploitation agricole collective est, à peine de nullité, constatée par acte authentique soumis aux formalités de l’enregistrement et de la publicité.

Les exploitations agricoles collectives peuvent passer entre elles toute convention qu’elles jugent utiles pour la réalisation d’objectifs communs.

Les producteurs et leurs collectifs peuvent accéder au crédit dans les conditions fixées par la législation en vigueur.

Les bénéficiaires sont protégés de toute forme d’interférence dans la gestion de l’exploitation, personne n’a le droit de s’immiscer dans l’administration et la gestion des EAC.

Il importe de savoir que les exploitants agricoles collectifs sont soumis au régime fiscal prévu par la législation en vigueur.

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