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La recommandation 87 /598/CEE366

123. Au lieu de faire une distinction entre les relations émetteurs de cartes / commerçants d'une part et les relations émetteurs/ consommateurs d'autre part, comme cela avait initialement été prévu, la Commission a commencé par adopter le 8 décembre 1987 une recommandation 87/598/CEE "portant sur un code européen de bonne conduite en matière de paiement électronique", s'appliquant indifféremment aux relations entre institutions financières, commerçants-prestataires de services et consommateurs. En enjoignant tous les partenaires économiques concernés de se conformer à un certain nombre de dispositions, 364

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Ce plan d'action a par ailleurs été appuyé par Je Parlement européen dans sa résolution du 20.11.1987 sur l'extension de l'usage de l'Ecu et la simplification des opérations de paiements intracommunautaires, para. 14 ss.

Libération des paiements courants, art. 106 du traité CEE (cf. supra no 74); interdiction des ententes, art. 85.

FAVRE-BULLE, paiement, notamment p. 56 ss; CRANSTON, Payment, p. 254 ss;

DASSESSE/ISAACS/PENN, para. 30.3 ss; FISCHER, p. 397 ss; GAVALDA/STOUFFLET, Droit du crédit, no 357; LE CLECH, p. 503 ss; MITCHELL, Banker's, p. 58 s.;

NENTWICH, p. 633 ss; OBERSON, p. 189 ss; SCHAUSS/THUNIS, p. 54 ss; SOUSI-ROUBI, cartes, p. 90 ss; Comité consultatif [France], cartes, p. 12 ss.

non contraignantes au sens de l'art. 189 al. 5 du traité CEE367, l'objectif était de permettre le développement des nouveaux moyens de paiement électronique au profit <lesdits partenaires, en apportant notamment "sécurité et commodité" aux consommateurs368.

Même si elle se réfère aux "émetteurs", "prestataires de services" et

"consommateurs11369, la recommandation ne concerne en fait que de très loin ces derniers. Avant tout, elle vise à assurer que les relations entre institutions financières et commerçants-prestataires de services reposent sur des principes de loyauté (''fair practice")370 et respectent la concurrence, de manière à ce que les commerçants soient traités sans discriminations par les émetteurs, notamment au niveau du choix de l'équipement (terminaux de paiement) et de l'accès au système371 372.

La Commission européenne a justifié le choix d'un instrument juridique non contraignant de par le fait que les nouveaux moyens électroniques de paiement étaient en pleine mutation et qu'il était difficile de préciser quels allaient 367

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"les recommandations ne lient pas".

Titre I, art. 1.

Voir les définitions du titre II, art. 2 à 4.

Cf. l'objectif mentionné au titre I, art. 2.

Voir notamment: titre III, art. 3 et art. 4 lit. d; titre IV, art. 1. En outre, la recommandation tend à favoriser l'interopérabilité, que l'on définit comme "la situation dans laquelle les cartes émises dans un Etat membre et/ou appartenant à un certain système de cartes peuvent être utilisées dans d'autres Etats membres et/ou dans les réseaux mis e11 place par u11 autre système; ceci présuppose u11e compatibilité technologique des cartes et lecteurs utilisés dans les différents systèmes ainsi qu'une ouverlllre de ces systèmes moyennant des accords basés sur le principe de la réciprocité" (titre II, art. 5.

Sur la notion de réciprocité, cf. FAVRE-BULLE, paiement, p. 48, note 7), interopérabilité qui aurait dft être menée à terme d'une manière "totale et universelle" pour le 31 décembre 1992 (titre

m.

art. 2).

Au niveau de son champ d'application matériel, la recommandation 87/598 concerne uniquement le "paiement électronique'', ce qui vise "toute opération de paiement effectuée à l'aide d'une carte à piste(s) magnétique(s) ou incluant un microprocesseur, auprès d'un équipement terminal de paiement électronique (TPE) ou terminal de vente (TPV)". Sont . donc expressément exclus du champ d'application: les cartes privatives ne correspondant pas à cette définition, les cartes qui servent des buts autres que le paiement direct ou à terme, les paiements par chèques garantis par une carte bancaire et les paiements par carte selon des procédures mécaniques (facturettes). Cf. Titre II, art. 1. Pour une appréciation de ce champ d'application, cf. FA V RE-BULLE, paiement, p. 79 ss.

En substance, la recommandation établit tout d'abord des ''principes généra!IX' (titre III), parmi lesquels on relèvera quelques règles éparses traitant de la forme, de la langue et du contenu des contrats (art. 1), du respect de la protection des données ou consacrant

!'irrévocabilité du paiement électronique initié au moyen d'une carte (art. 4). Pour le surplus, la recommandation contient des "dispositions complémentaires" applicables aux diffé.rents rapports juridiques (titre IV). Les consommateurs n'y sont directement visés que par deux articles: d'une part le titulaire de carte devra assurer la sécurité de son moyen de paiement en prenant "toutes précautions raisonnables" (art. 2), d'autre part chaque prestataire devra afficher, à l'attention des consonnnateurs, les cartes qu'il est tenu d'accepter (art. 3).

être les problèmes spécifiques lors d'un développement à grande échelle. Il aurait été par conséquent peu judicieux d'adopter des règles qui auraient pu devenir rapidement obsolètes et qui auraient freiné le développement des paiements électroniques373. Cette approche "incitative", sous forme de recommandation portant sur un code de bonne conduite(!), a été critiquée par d'aucuns puisqu'aucune sanction n'est prévue en cas de violation. En outre, on a reproché à la recommandation sa rédaction parfois ambiguë, lacunaire, son manque de cohérence dans la structure et ses objectifs et principes trop généraux374.

124. En pratique, la recommandation 87/598 est d'ailleurs restée lettre morte.

Malgré la préparation parallèle de codes de conduite375, malgré de longues discussions entre les différents acteurs, cette recommandation n'a pas permis d'aboutir à un consensus. Seule, la recommandation ne représentait pas de véritable intérêt pratique pour les professionnels. Mise à jour par un code de conduite proposé par ces derniers, il aurait pu en être autrement, mais l'introduction de nouvelles obligations n'a pas été acceptée compte tenu des intérêts divergents des banques et des commerçants.

La principale pierre d'achoppement a été à cet égard la question du "dual pricing", soit la possibilité pour les commerçants de pratiquer une double tarification selon que le consommateur règle ses achats par carte ou en espèces, de manière à pouvoir répercuter sur les utilisateurs les frais prélevés par les banques en cas de paiement sans numéraire376. Les commerçants ont toujours souhaité une telle tarification différenciée, alors que les banques s'y sont fermement opposées377. Une autre question étroitement liée au "dual pricing" est la règle du "lwnour all cards": les commerçants devraient-ils en effet accepter toutes les cartes, dans n'importe quelle circonstance, ou devraient-ils pouvoir exclure purement et simplement le paiement par carte lorsque l'opération est financièrement moins intéressante pour eux, par exemple en période de soldes 3 73 Cf. considérants 15 à 18 de la recommandation.

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Sur ces différentes critiques, voir FAVRE-BULLE, paiement, p. 59 s., avec références de la doctrine.

Cf. i11.fra no 132.

ALLIX, carte de paiement, p. 56 s.; Comité consultatif [France], Rapport 1992-1993, p. 182 SS.

Au niveau national, l'appréciation juridique du "dual pricing" est fort divergente d'un Etat à l'autre. Alors qu'au Royaume-Uni par exemple, "The Credit Cards ( Price Discrimi11atio11) Order 1990" interdit aux institutions financières, mais pour les cartes de crédit seulement, de prohiber contractuellement une telle pratique pour des raisons de concurrence (abandon de la "No Discrimination Rule"), en France, le Conseil de la Concurrence a jugé que les clauses contractuelles interdisant le double prix étaient licites (Décision 88 D 37 du 11.10.1988. Cf. Droit de !'Informatique & des té!écoms 1989/1, p. 113 SS, note D. BRAULT). Voir aussi EHLERMANN, p. 469 SS. Sur cette question dans le contexte du droit communautaire de la concurrence en matière de systèmes de paiement, cf. infra no 150.

ou lors de paiements de petits montants? Ce problème de l'acceptabilité des cartes a également créé de sérieux obstacles puisqu'il se heurte évidemment aux intérêts divergents des commerçants, des banques et des consommateurs.

Même si la recommandation 87/598 ne traite pas expressément des paiements transfrontières, elle n'en touche pas moins certaines facettes, et il regrettable dans cette perspective que les problèmes de tarification différenciée et d'acceptabilité des cartes n'aient pas pu être réglés. Il n'est pas rare en effet, compte tenu de régimes juridiques nationaux divergents, qu'un consommateur habitué dans son Etat de résidence à pouvoir régler n'importe quel achat indifféremment par carte ou en espèces rencontre des difficultés pratiques dans un pays étranger si on lui refuse un paiement par carte dans certaines circonstances ou si l'on majore un tel mode de règlement. Ledit consommateur peut en effet ne pas avoir changé d'espèces dans la monnaie du pays visité, pensant qu'il pouvait utiliser sa carte en toutes circonstances; il se pourrait donc qu'il doive purement et simplement renoncer à son achat. Dans l'optique d'un espace financier européen intégré, de tels obstacles ne sont pas acceptables et devraient être supprimés.

125. En conclusion, la recommandation 87/598 a donc la particularité d'être un texte communautaire toujours en vigueur de lege lata378, mais obsolète et inappliqué. Il n'est cependant pas exclu que cette situation se modifie à terme puisque, après des années d'attentisme, la Commission vient d'annoncer qu'elle examinera la possibilité de mettre à jour cette recommandation afin d'établir un cadre clair concernant la relation entre acquéreurs (soit les institutions financières) et accepteurs (soit les commerçants) en matière d'instruments de paiement électronique379. En l'état, la seule limite qui reste posée à la liberté contractuelle dans les relations entre banques et commerçants est celle du droit de la concurrence. Quant aux relations banques-consommateurs, elles ont fait l'objet d'une autre recommandation 88/590/CEE.

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La recommandation est toujours mentionnée dans le Répertoire de la législation communautaire en vigueur.

Considérant 4 de la recommandation 971489/CE du 30.7.1997 dont il sera question infra no 144 ss; Commission [UE], moyens électroniques de paiement, p. 4.