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La protection des consommateurs

L Libre circulation des capitaux et des paiements

3. La protection des consommateurs

91. Il a été question jusqu'ici du contexte principal dans lequel s'intègrent les paiements transfrontières dans l'Union européenne, à savoir la réalisation du marché unique. Si différentes libertés sont garanties dans ce cadre, et malgré ce qui vient d'être dit sur le consommateur actif, la finalité de ces libertés est avant tout de favoriser les activités commerciales des institutions financières d'un Etat membre à l'autre. Reste alors à voir quelles normes de droit primaire peuvent encadrer ces activités professionnelles pour qu'elles ne se fassent pas au détriment des consommateurs.

9 2. A l'origine, le traité de Rome de 1957 ne contenait aucune norme traitant spécifiquement de la protection des consommateurs253. Il fallut attendre l'adoption de !'Acte unique européen et d'un nouvel art. 100 A (para. 3) du traité CEE en 1986 pour que la Commission reçoive pour mission de prendre "pour base un niveau de protection élevé'' dans ses propositions en matière de protection des consommateurs. Malgré l'introduction de cette disposition, la compétence communautaire était toutefois régulièrement remise en cause254. A l'occasion de la modification du traité CEE en vue d'établir une Union européenne, objectif du traité de Maastricht, il s'imposait donc de clarifier la situation, ce qui n'a été fait qu'en partie.

93. D'une part, l'art. 3 lit. s) du traité sur l'Union européenne précise que l'action de la Communauté comporte "une contribution au renforcement de la protection des consommateurs", d'autre part la protection des consommateurs a été ancrée dans une base légale spécifique, l'art. 129 A, qui permet à la Communauté de contribuer à la réalisation d'un niveau élevé de protection des consommateurs par des mesures adoptées sur la base de l'art. 100 A (soit dans le cadre de la réalisation du marché intérieur)255 et par d'autres actions spécifiques256.

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KRAMER, no 1 ss; CHILLON, p. 8 ss; FAVRE-BULLE, paiement, p. 76 et note 143 pour les quelques références aux consommateurs dans le traité CEE. Pour une synthèse récente du droit et de la politique de la consommation depuis le traité de Rome de 1957, cf.

BOURGOIGNIE, Amsterdam, p. 194 ss.

CHAMBRAUD, p. 4. Pour le paiement électronique et les problèmes de compétence de la Commission pour prendre des dispositions en matière de protection des consommateurs, cf. FAVRE-BULLE, paiement, p. 74 ss.

Art. 129 A para. 1 lit. a. Ce qui ne constitue pas une illllovation notable puisque l'art.

100 A para. 3 du traité CEE prévoyait déjà que la Commission devait prendre pour base

"un niveau de protection élevé" en matière de protection des consommateurs dans ses propositions. On attendait donc surtout un apport du traité de Maastricht pour que la politique communautaire de la consommation puisse également s'exercer efficacement hors du contexte du marché intérieur.

Art. 129 A para. 1 lit. b.

Comme la doctrine l'a montré257, certains termes restent d'interprétation difficile. Ainsi, on peut se demander par exemple si l'art. 129 A para. 1 lit. b ne limite pas singulièrement la compétence de la Communauté du fait qu'il ne vise que les seules "actions spécifiques" "qui appuient et complètent la politique menée par les Etats membres en vue de protéger la santé, la sécurité et les intérêts économiques des consommateurs et de leur assurer une information adéquate", la notion d'actions spécifiques n'étant au surplus aucunement définie258 . Le Comité économique et social s'est d'ailleurs étonné en novembre 1995 qu'une seule décision communautaire ait été prise jusque là sur cette nouvelle base juridique259. Reste malgré tout que l'harmonisation au niveau communautaire est désormais minimale: les Etats membres peuvent maintenir ou adopter des mesures de protection plus strictes, pour autant qu'elles soient compatibles avec Je traité (art. 129 A para. 3).

9 4. L'action de la Communauté dans Je domaine de la protection des consommateurs est également entravée par une autre disposition du traité de Maastricht, l'art. 3 B, consacrant le principe de subsidiarité260. En effet, aux termes de cette disposition, et pour les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, la Communauté ne peut intervenir, conformément au principe de subsidiarité, "que si et dans la mesure où les objectifs de l'action 257

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Voir l'analyse approfondie de MICKLJTZ/REICH, p. 593 ss. Egalement: BOURGOIGNIE, Amsterdam, p. 197 ss; REICH, Verbraucherrecht, no 8; CHAMBRAUD, p. 5;

HOWELLS/WEATHERILL, p. 101 ss; CHILLON, p. 19 ss; MJCKLITZ Hans.-W. 1 WEA THERILL Stephen, Consumer Policy in the European Cornmunity: Bef ore and After Maastricht, in: JCP 1993, p. 285 ss; DAHL B~rge, Consumer Protection Within the European Union, in: JCP 1993, p. 345 ss; HEISS Helmut, Verbraucherschutz im Binnenrnarkt: Art. l29a EGV und die wirtschaftlichen Verbraucherinteressen, in: ZEuP 1996, p. 625 SS.

Par ailleurs, la Cour de justice a récemment jugé, au sujet de la directive 94119/CE relative aux systèmes de garantie des dépôts, que si la liberté d'établissement et la libre prestation de services dans le secteur bancaire doivent être accompagnées d'un niveau élevé de protection des consommateurs conformément aux art. 3 lit. s et 129 A, aucune disposition du traité n'oblige cependant le législateur communautaire à entériner le niveau de protection le plus élevé qui puisse être rencontré dans un Etat membre déterminé, de sorte que la réduction du niveau de protection qui peut se produire dans certains cas avec l'application d'une directive est admissible: arrêt du 13.5.1997, affaire C-233/94, République fédérale d'Allemagne c. Parlement européen et Conseil de l'Union européelllle, in: Rec. 1997, p. I-2405 ss, attendu no 48.

Comité économique et social [UE], Marché unique, p. 55.

Cf. Bureau Européen des Unions de Consommateurs (BEUC), Le Sommet d'Edimbourg, Mise en garde du BEUC contre les effets néfastes de la subsidiarité, Commnniqué de presse du 10.12.1992, réf. 92120; Le principe de subsidiarité: Communication de la Commission au Conseil et au Parlement, in: REDC 1992, p. 204; Comité économique et social [UE], Consommateur, para 3.6, et Marché unique, p. 57; REICH, Verbraucherrecht, no 8b; STAUDER, Konsumentenrecht, p. 80 s.; CHILLON, p. 49 ss;

KENDALL, no 2.3 ss; BOURGOJGNIE Thierry, Le principe de subsidiarité et son application à la politique communautaire de protection des consommateurs, in: Liber Amicorum Paul de Vroede, Bruxelles 1993, p. 195 ss; GIBSON Leigh, Subsidiarity: The Implications for Consumer Policy, in: JCP 1993, p. 323 ss.

envisagée ne peuvent pas être réalisés de manière suffisante par les Etats membres et peuvent donc, en raison des dimensions ou des effets de l'action envisagée, être mieux réalisés au niveau communautaire". La mise en pratique de ce principe a d'ailleurs déjà conduit la Commission à revoir et même à abandonner plusieurs projets de directives.

9 5. Ces différents problèmes en relation avec l'art. 129 A font s'interroger sur les possibilités d'amélioration des normes "constitutionnelles" régissant la protection des consommateurs. La conférence intergouvernementale qui a débuté en 1996 conformément à l'art. N para. 2 du traité sur l'Union européenne pour préparer la révision dudit traité (Maastricht II) a ainsi été l'occasion d'examiner les modifications à apporter à l'art. 129 A pour corriger ses imperfections26I.

96. Un nouveau traité a finalement été conclu le 17 juin 1997 à Amsterdam, puis signé par les Quinze le 2 octobre 1997, d'où son intitulé de "traité d'Amsterdam"262. Il doit encore être ratifié par les Etats membres (parlements nationaux ou référendum populaire) et par le Parlement européen avant de pouvoir entrer en vigueur, en 1999 au plus tôt. On a pu lire que "Les dispositions concernant les consommateurs ont été améliorées, sans en modifier l'économie, par la clarification et l'amplification des objectifs de l'action de la Communauté et leur meilleur ancrage dans les autres politiques de l'Union"263.

De nouveaux droits ont en effet été consacrés afin de promouvoir les intérêts des consommateurs (en particulier le "droit à l'infonnation" qui est pour la première fois énoncé comme teJ)264, mais les moyens pour mettre en oeuvre de tels

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Cf. REICH, Verbraucherrecht, no 8c; European Consumer Law Group, Consumer policy within the IGC (ECLG Opiiùon), in: Annuaire de droit suisse de la consommation (ADC) 1996, p. 664 ss; et l'analyse détaillée de CHILLON Sandie, La politique communautaire de la consommation et la Conférence intergouvernementale, in: REDC 1997, p. 49 ss, qui relate les propositions faites par des participants à une réunion de réflexion tenue eu marge de la conférence intergouvernementale.

Le traité d'Amsterdam modifiant le traité sur l'Union européenne, les traités instituant les Communautés européennes et certains actes connexes est publié in: JOCE C 340 du 10.11.1997, p. 1 ss. Ce traité aura une importance pratique considérable ne serait-ce que parce qu'il procède à une simplification du traité CE, en supprimant des dispositions caduques et en renumérotant l'ensemble des articles. Après 1 'entrée en vigueur de ce texte, le juriste devra ainsi s'habituer à utiliser de nouvelles références même pour les chapitres les plus connus depuis plusieurs décernùes (l'art. 30 deviendra l'art. 28, l'art. 48 deviendra l'art. 39, l'art. 52 deviendra l'art. 43, l'art. 59 deviendra l'art. 49, etc.). Cet exercice sera à n'en pas douter difficile, c'est la raison pour laquelle une version consolidée du traité sur l'Union européenne et du traité instituant la Communauté européenne, ainsi qu'un tableau des équivalences entre l'ancienne et la nouvelle numérotation, ont d'ores et déjà été publiés (dans le JOCE susmentionné).

Nouvelles universitaires européennes (NUE), no 201, septembre 1997, p. 5. Sur le traité d'Amsterdam et la protection du consommateur, cf. BOURGOIGNIE, Amsterdam, p. 209.

Art. 129 A para. 1. Dans la version du traité de Maastricht, l'art. 129 A para. 1 lit. b prévoit simplement que la Communauté doit "assurer une i11formalio11 adéquate" des consommateurs.

objectifs n'ont pas vraiment été modifiés puisque les "mesures11265 qui peuvent être prises relèvent toujours (a) de l'achèvement du marché intérieur266 ou (b) d'un appui ou complément de la politique menée par les Etats membres267.

Prima facie, le traité d'Amsterdam ne devrait donc pas bouleverser les compétences communautaires permettant de protéger les intérêts économiques des consommateurs de services financiers.

97. Comme la question des paiements transfrontières ne relève pas exclusivement de la politique de protection des consommateurs, mais qu'elle repose plus fondamentalement sur la liberté des paiements et sur les principes qui sont à la base de la réalisation du marché intérieur, toute action dans ce domaine ne paraît en tout cas pas dépourvue de fondement "constitutionnel11268.

Le progrès néanmoins apporté par le traité d'Amsterdam est que les exigences de protection des consommateurs devront également être prises en compte dans la définition et la mise en oeuvre de toutes les autres politiques et autres activités de la Communauté269.

Reste maintenant à examiner quel rôle les paiements transfrontières vont jouer dans le cadre d'un important volet de l'avenir de la Communauté européenne: l'Union économique et monétaire.