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La recommandation 88/590/CEE38o

126. Presque une année après la publication de la recommandation 87/598/CEE, la Commission a adopté un autre texte non contraignant visant plus spécifiquement la protection des consommateurs: la recommandation du 17 novembre 1988 "concernant les systèmes de paiement et en particulier les relations entre titulaires et émetteurs de cartes"381.

12 7. Même si la recommandation reste un instrument juridique non destiné à produire des effets contraignants, les juges nationaux doivent tout de même tenir compte de cet acte pour résoudre les litiges qui leur sont soumis, comme l'a précisé la Cour de justice des Communautés européennes dans sa jurisprudence Grimaldi382. D'ailleurs, il s'est déjà avéré qu'un tribunal se réfère à la recommandation 88/590 pour condamner une banque à payer des dommages-intérêts à l'un de ses clients383.

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FA V RE-BULLE, paiement, notamment p. 60 ss; CRANSTON, Payment, p. 257 ss;

DEJEMEPPE, p. 26 ss; DASSESSE/ISAACS/PENN, para. 30.21 ss; FISCHER, p. 397 ss;

GAVALDA/STOUFFLET, Droit du crédit, no 358 ss; GERARD/SVENDSEN, p. 47 ss;

GUTWIRTH/JORIS, p. 265 ss; KNOBBOUT-BETHLEM, recommandation, p. 243 ss; LE CLECH, p. 503 ss; MITCHELL, Banker's, p. 60 ss; NENTWICH, p. 633 ss; NICOLAS, recommandation, p. 67 ss; OBERSON, p. 182 ss; SOUSI-ROUBI, cartes, p. 88 ss;

THUNIS, Recommendation, p. 101 ss; MEYSMANS/THUNIS,p. 121 ss;

THUNIS/SCHAUSS, transferts, p. 41 ss; TRINQUET, consommateurs, p. 423 ss; VAN ESCH, p. 29 ss; Comité consultatif [France], cartes, p. 15 ss, et Rapport 1988-1989, p. 77 SS.

Ce texte a connu bien des vicissitudes: sa forme juridique résulte en fait du rejet de plusieurs projets de directive qui avaient été élaborés par l'ancienne Direction générale chargée de la protection des consommateurs, la Commission estimant à nouveau qu'il était prématuré d'adopter une législation trop rigide qui aurait pu freiner les développements technologiques.

Arrêt du 13.12.1989, affaire C-322/88, Grimaldi c. Fonds des maladies professionnelles, in: Rec. 1989, p. 4407 ss, attendu no 18, "les juges nationaux sont tenus de prendre les recommandations en considération en vue de la solution des litiges qui leur sont soumis, notamment lorsque celles-ci éclairent l'interprétation de dispositions nationales prises da11S le but d'assurer leur mise en oeuvre, ou encore lorsqu'elles ont pour objet de compléter des dispositions communautaires ayant zm caractère contraignant". Du même avis: REICH, Verbraucherrecht, no 171; THUNIS, paiement, p. 339 note 40; WERNICKE, p. 143. On peut ainsi se demander si une interprétation extensive de la jurisprudence Grimaldi ne devrait pas conduire les tribunaux à appliquer plus strictement la recommandation 88/590, en tant que complément à un instrument contraignant comme la directive 93/13 concernant les clauses abusives, lorsqu'il s'agit d'examiner la validité des conditions générales imposées par les professionnels (cf. aussi infra note 966).

Tribunal d'instance de Juvisy sur Orge (France), jugement du 27.4.1990, no 51/90, Marand c. Crédit Lyonnais. En se référant aux principes de la recommandation de novembre 1988, le tribunal a condamné une banque à payer 1000 francs français de dommages-intérêts à l'un de ses clients, qui avait reçu une proposition de mise à disposition d'une carte de paiement, qui n'y avait pas donné suite mais qui avait tout de même reçu le moyen de paiement en question et qui avait vu son compte débité du montant de la cotisation. Cf. aussi THUNIS, Recommendation, p. 102 note 7. Exemple en sens contraire (refus de tenir compte de la recommandation 88/590, qui n'est pas

128. Du point de vue formel, la recommandation se présente comme un texte très court (deux articles), accompagné d'une importante annexe contenant une vingtaine de dispositions, auxquelles les émetteurs de moyens de paiement et les fournisseurs de système étaient priés de se conformer au plus tard douze mois après la date de la recommandation, soit jusqu'au 17 novembre 1989. Quant aux Etats membres, la Commission leur recommandait uniquement en matière de protection des données de faire en sorte que "les données relatives aux titulaires contractants soient transmises", mais qu'elles soient d'une part "réduites au strict minimum", d'autre part "tenues secrètes par toutes les personnes qui en ont connaissance à l'occasion de ces opérations". Il peut paraître curieux que ce texte communautaire, tout comme la recommandation 87/598, ne soit pas uniquement destiné aux Etats membres et qu'il vise à ce que les émetteurs modifient eux-mêmes leurs pratiques contractuelles. Même s'il est très rare que les recommandations soient adressées directement aux particuliers, la doctrine ne semble cependant pas contester ce procédé384.

Tout comme la recommandation de 1987, la recommandation de 1988385 a suscité des critiques de la doctrine386, notamment eu égard aux recoupements peu heureux entre les deux textes, mais aussi en raison de son champ d'application probablement trop large, de certaines imprécisions dans les obligations de diligence des clients et les conséquences de leur violation, du caractère lacunaire de l'obligation de sécurité des émetteurs et surtout des larges imperfections juridiques dans le régime de répartition des risques. En outre, la

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obligatoire) avec l'arrêt de la Cour suprême de Grèce cité par ANAGNOSTOPOULOU Despina, in: REDC 1997, p. 86 s.

Cf. FAVRE-BULLE, paiement, p. 64, note 90.

La recommandation 88/590 comprend un champ d'application matériel beaucoup plus large que le code européen de bonne conduite de 1987. L'annexe s'applique en effet au ''paiement électronique au moyen d'une carte", aux "retrait de billets, dépôt de billets et de chèques et opérations connexes auprès d'appareils électroniques", au ''paiement non électronique par carte" et au "paiement électronique effectué par un consommateur sans utiliser de carte" (art. 1, qui illustre ces définitions par quelques exemples). Ainsi la plupart des systèmes modernes de paiement grand public, qu'ils se caractérisent ou non par l'utilisation d'une carte ou par un procédé électronique, tombent sous le coup de la recommandation: distributeurs automatiques de billets (DAB), guichets automatiques de banque (GAB), transferts électroniques de fonds au point de vente (EFfPOS), banque à domicile, paiement par facturette avec signature, ce qui devrait viser, outre les cartes de débit, également les cartes de crédit, les cartes accréditives et les cartes privatives. Ne sont expressément exclues que les opérations par carte de garantie de chèques. Pour un commentaire de ce champ d'application, cf. FAVRE-BULLE, paiement, p. 80 ss.

Au niveau de son contenu, la recommandation énonce tout d'abord quelques définitions, puis pose un certain nombre d'exigences visant à assurer la protection des consommateurs. Les clauses contractuelles devraient ainsi respecter, entre autres, certains principes de loyauté, de clarté, et elles devraient fournir différentes informations aux titulaires. Les questions les plus importantes réglées par la recommandation ont trait aux obligations du titulaire et de l'émetteur et au régime d'allocation des risques (cf. en détail infra no 414 ss et 485 ss).

Cf. FA V RE-BULLE, paiement, p. 64 ss, avec références.

recommandation 88/590 contient certaines lacunes, en particulier en ne prévoyant pas de procédure spéciale de traitement des plaintes. Malgré tout, on peut dire que la recommandation offrait aux consommateurs une protection théorique plus élevée que celle existant généralement au niveau des Etats membres387, à l'exception du Danemark qui connaît une vraie législation spécifique et plus complète388,

12 9. Compte tenu de son caractère non contraignant, la recommandation 88/590 n'a pas eu en pratique l'impact désiré389. Ce constat "préoccupant" est d'ailleurs souligné par la Commission dans sa communication "Priorités pour la politique des consommateurs 1996-199811390, Quant au Comité économique et social, il a regretté ce respect "très inégal, voire tristement inexistant" de la recommandation par les émetteurs391, Ceci est pour le moins délicat pour un texte qui avait initialement été proposé sous forme de directive, mais qui avait été adopté en dernière minute sous forme de recommandation non contraignante.

Devant le peu d'efficacité de la recommandation, les organisations de consommateurs appellent depuis longtemps à sa transformation en directive392.

Le considérant 15 de la recommandation prévoit d'ailleurs que "la Commission contrôlera la mise en oeuvre de la présente recommandation et prendra les mesures appropriées si elle estime cette mise en oeuvre insatisfaisante après douze mois11393, Comme l'a constaté le Comité économique et social, les l'adoption de codes de conduite parallèles (cf. infra no 132). Une étude a ultérieurement été menée par la DG XV (actuellement: "Marché intérieur et services financiers") de la Commission: elle n'a pas été publiée, mais elle aurait donné des résultats tout aussi négatifs. Enfin, en 1995, une dernière étude a été confiée à un consultant par la DG XXIV (actuellement: "Politique des consommateurs") de la Commission, consultant qui conclut également au non-respect de dispositions de la recommandation dans de nombreux contrats utilisés au sein de l'Union européenne (étude de MITCHELL/THOMAS, International Consumer Policy Bureau). Voir aussi, sur un plan national uniquement, l'étude de MUNIER pour la France (1993) et l'analyse très approfondie pour l'Espagne de BUESO GUILLEN I SANTOS RUIZ DE EGUilAZ (1994).

Commission [UE], Priorités, p. 6.

Comité économique et social [UE], Priorités, para. 2.3.3.

Agence Europe, Bulletin no 5248, 5.5.1990, p. 13. Voir également ALLIX, Developments, p. 137.

La Commission s'est souvent dit prête à proposer un instrument contraignant si la recommandation 881590 n'était pas respectée - on a même parlé d'un règlement (Agence Europe, Bulletin no 5316, 29.8.1990, p. 8) -, mais elle espérait toujours que le recours à une telle procédure ne serait pas nécessaire, d'autant plus que de nombreux acteurs parmi les professionnels sont particulièrement hostiles à l'idée de l'adoption d'une réglementation rigide dans uu domaine où une politique de "sofl law" leur paraît préférable pour le développement des systèmes de paiement.

mesures non contraignantes ont assuré une protection insuffisante des intérêts économiques des détenteurs de cartes et la Commission doit - le CES l'y exhorte - "proposer une législation qui offrira aux consommateurs européens une protection uniforme et égale11394. En février 1997, c'est le Parlement européen qui a invité la Commission à présenter un texte législatif qui rendrait "obligatoire dans tous ses éléments la recommandation de 1988 sur les systèmes de paiement11395.

13 0. La question du choix de l'instrument juridique le plus adéquat est donc de première importance396. Dès 1990, la Commission a concentré ses efforts sur les paiements transfrontaliers à distance et laissé par conséquent la question des paiements face-à-face et en particulier des cartes quelque peu en suspens. La révision de la recommandation 88/590 est toutefois revenue à l'ordre du jour par la suite et la Commission a préparé différents avant-projets de nouvelles recommandations en 1996. Finalement, c'est à la suite de la publication en mai 1996 du livre vert "Services financiers: répondre aux attentes des consommateurs" que les choses se sont précisées. La Commission a en effet donné suite à ce livre vert par la diffusion en juin 1997 d'une communication

"Services financiers: renforcer la confiance des consommateurs", dont l'objectif était de tenir compte des avis émis lors de la mise en consultation du livre vert afin d'assurer une meilleure protection des consommateurs de services financiers397.

La Commission souligne dans cette communication du 26 juin 1997 les carences de la recommandation 88/590, en particulier en matière d'information des clients, de règlement des litiges et quant à son application aux moyens de paiement grand public les plus modernes (monnaie électronique par exemple)398. En conséquence, la Commission a annoncé qu'elle actualiserait la

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Comité économique et social [UE], Priorités, para 2.3.3.

Para. 14 de la résolution du 20.2.1997 sur la communication de la Commission: Priorités pour la politique des consommateurs 1996-1998 (référence in bibliographie).

Voir à ce sujet l'argumentation que nous avons développée, sur la base des différentes tendances de la doctrine, pour montrer les insuffisances du "soft /aw" et la nécessité d'adopter une législation contraignante dans le domaine du paiement électronique, FAVRE-BULLE, paiement, p. 224 ss et nos conclusions p. 241 et 242 s. Pour un avis contraire, KNüBBOlIT-BETHLEM, electronic funds transfer, p. 281 et 289.

Voir notamment, dans l'optique de la recommandation 88/590, les avis émis par le Parlement européen (Résolution du 20.2.1997 sur le Livre vert de la Commission sur les services financiers: répondre aux attentes des consommateurs, para. 28 s.) et par le Comité économique et social (Services financiers, para. 4.7), ainsi que: Consurners in Europe Group, and Jeremy Mitchell of the International Consumer Policy Bureau, Response to the Commission Green Paper: Financial Services: Meeting Consumers' Expectations, in: JCP 1997, p. 379 ss, 388 et 392.

Commission [UE], confiance, p. 10.

recommandation de 1988399, ce qui a donné lieu à l'adoption le 30 juillet 1997 d'une nouvelle recommandation 97/489/CE4oo. La Commission a également indiqué qu'elle présenterait prochainement une proposition de directive relative à l'émission de monnaie électronique, dont l'objectif sera de garantir la stabilité et la solidité des émetteurs de tels instruments de paiement401. La Commission a enfin précisé qu'elle évaluerait ultérieurement "s'il y a lieu de prévoir d'autres initiatives législatives complémentaires dans le domai11e des services de paiement pour assurer la sauvegarde des intérêts des co11sommateurs"402.