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L Les frais en général

2. Le "double charging"

170. Dans le domaine des paiements à distance et en particulier pour les virements transfrontières, le donneur d'ordre souhaite généralement que le bénéficiaire soit crédité du montant exact prédéterminé. Or même si le donneur d'ordre indique à sa banque qu'il prendra à sa charge tous les frais du virement, il n'est pas rare que le bénéficiaire voit finalement la somme virée sur son compte quand même réduite d'un certain montant pour divers frais. Un consommateur ne peut donc garantir aujourd'hui que son créancier à ) 'étranger recevra le montant exact dO.

Ce problème, que l'on appelle le double prélèvement des frais ou plus généralement "double charging", constitue une entrave notable à l'achèvement 532 Infra no 356 ss.

533 Ce problème sera traité plus en détail au chapitre cinq, infra no 401 ss et 432 ss.

d'un marché intérieur européen et à ses libertés de circulation. Il handicape tant les commerçants créanciers, notamment dans le domaine de la vente à distance, qui préféreront généralement renoncer pour des raisons de coüts au recouvrement à l'étranger du montant resté impayé par le débiteur du fait du prélèvement des frais bancaires, que le consommateur débiteur qui se trouve juridiquement dans une situation défavorable puisqu'il est en demeure de paiement alors qu'il a pourtant tout mis en oeuvre pour que la somme due ne soit pas réduite par des frais à l'issue du virement534.

1 71. D'un point de vue juridique, il convient de bien distinguer cette pratique d'un simple cumul de frais différents prélevés par les banques et autorisé expressément ou tacitement par le donneur d'ordre. Il se peut en effet, cela arrive même au niveau national dans certains Etats, qu'aucun accord particulier sur les frais totaux du virement n'ait eu lieu entre le donneur d'ordre et sa banque et que la banque du bénéficiaire prélève ensuite ses propres frais sur le montant crédité au bénéficiaire, tout cela de manière bien séparée. Il n'y a alors pas à proprement parler double prélèvement mais uniquement des frais différents, d'un côté pour l'envoi du virement, de l'autre pour la réception, qui dépendent purement de la politique de prix des établissements bancaires.

En revanche, si le donneur d'ordre demande très clairement de garder à sa charge la totalité des frais du virement, la banque mandatée reçoit ainsi une instruction. Si au bout du compte le bénéficiaire est quand même débité de frais, il y a alors un deuxième prélèvement, non autorisé, et donc exécution imparfaite du mandat. Seule cette hypothèse nous intéresse ici535, Cette pratique ne soulève 534

535 Commission [UE], paiements transfrontaliers, para. 24.

Pour certains et notamment le secteur bancaire, il n'y a double prélèvement que dans le cas où les établissements font payer deux fois les mêmes frais, mais non lorsque l'émetteur du virement donne un ordre tous frais à sa charge et que cet ordre n'est pas respecté, les frais étant partagés entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire (on devrait alors parler du non-respect de l'option virement "net de frais") (Institutions Européennes &

Finance, no 10, 27.1.1994, p. 2. Voir aussi SCHNEIDER, Entwurf, p. 480 s.). D'un point de vue terminologique, cette analyse est pertinente. Le prélèvement de frais auprès du bénéficiaire alors que le donneur d'ordre a indiqué vouloir garder la totalité de ceux-ci à sa charge, mais sans que l'on fasse de distinction selon que les frais en question pour chaque établissement soit sont totalement distincts, soit se recoupent en tout ou en partie (le donneur d'ordre paie alors deux fois le même service), ne devrait pas être qualifié de double prélèvement des frais au sens strict. Il se peut par exemple que la banque du donneur d'ordre facture un certain montant à son client, englobant en principe tous les frais du virement afin de respecter l'interdiction du prélèvement de frais auprès du bénéficiaire. Or si la banque du donneur d'ordre s'est trompée, qu'elle n'a pas facturé assez pour couvrir l'ensemble de l'opération de virement, que la banque du bénéficiaire prélève quand même des frais de son côté, nous n'aurons pas affaire à proprement parler à un double prélèvement de frais (les frais sont in casu différents), mais bien plutôt au non-respect de l'instruction du client d'effectuer un virement net de frais, sans déduction auprès du bénéficiaire.

Si la notion "net de frais" est donc appropriée pour décrire la situation qui nous intéresse, il n'en reste pas moins que toute la discussion au niveau des institutions communautaires

pas seulement des problèmes contractuels, mais également de droit de la concurrence. La Commission l'a donc abordée tant dans la directive sur les virements transfrontières que dans sa communication relative à l'application des règles de concurrence aux systèmes de virement transfrontaliers536 .

172. Dans l'étude réalisée en 1993 par la Commission européenne, les banques avaient précisément reçu instruction de faire supporter la totalité des frais au donneur d'ordre afin que la somme intégrale soit virée au bénéficiaire.

Or il y a eu double prélèvement des frais dans près de 43% des opérations. Le bénéficiaire a en moyenne dü payer près de 7,5 écus et même dans un cas 27 écus. Parfois, les montants crédités au bénéficiaire sont inférieurs aux montants virés mais sans qu'aucune explication ne soit donnée. En 1994, le "double charging" avait un peu diminué, mais il représentait tout de même 36%. Or c'est un maximum de 10% que la Commission aurait toléré selon ses critères fixés entre les deux études537.

En outre, un tel double prélèvement renchérit le cofit total du virement:

les chiffres données plus haut selon lesquels le cofit moyen d'un virement transfrontière de 100 écus était en 1993 de 20 écus ne tenant pas compte des frais prélevés par les banques des bénéficiaires contrairement aux instructions données, l'addition de ce deuxième prélèvement augmentait le coüt moyen d'un virement à 24 écus. En 1994, ce coat total était même passé à plus de 25 écus.

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a porté ces dernières années sur le terme de "double charging" pour qualifier le non-respect des instructions du donneur d'ordre quant au virement d'un montant intégral non déduit de frais auprès du bénéficiaire. Afin de ne pas rendre les choses plus confuses qu'elles ne sont, nous utiliserons donc par la suite l'expression de "double charging" dans ce sens large auquel se réfère le droit communautaire, soit pour décrire une instruction virement net de frais non respectée, qu'il y ait ou non frais à double au sens technique.

Nous ne voyons d'ailleurs pas l'intérêt, dans l'optique de la relation entre le donneur d'ordre et sa banque, d'une subtile distinction entre véritable double prélèvement de frais et non-respect d'une instruction virement net de frais. Pour le donneur d'ordre, l'important est que le bénéficiaire reçoive la totalité du montant viré si une telle instruction a été donnée.

Certes, il est commercialement très contestable que le consommateur ait à payer deux fois pour le même service si les frais se recoupent et une telle pratique ne devrait pas avoir lieu. Mais force est de constater que le donneur d'ordre ne peut de toute façon pas savoir si les frais prélevés auprès du bénéficiaire en violation de son instruction sont à double ou non. Partant, il est essentiel que l'on s'attache aux seules instructions du donneur d'ordre et c'est la raison pour laquelle il convient d'englober dans la qualification communément admise de double charging tous les frais prélevés auprès du bénéficiaire contrairement aux dites instructions, quelle que soit l'origine de ces frais (sur le rôle de la transparence en relation avec le problème du double prélèvement des frais, cf. itifrano 204).

bifra no 437. Voir aussi supra no 157. La Commission décrit dans sa communication (concurrence, p. 9 note 8) les différents modes de répartition des frais d'un virement pouvant être choisis par un client: OUR: les frais sont intégralement pris en charge par le donneur d'ordre ("OUR charges") - c'est l'hypothèse pertinente pour le double prélèvement -; SHARE: les frais sont partagés entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire ("SHARE costs between sender and beneflciary"); BEN: les frais sont entièrement assumés par le bénéficiaire ("ail charges to the BENeflciary").

Cf. supra no 137.

m. La durée

173. En 1993, le délai moyen d'exécution était selon l'étude de la Commission de 4,6 jours ouvrables. Au mieux, l'exécution ne prenait qu'un jour (quatre cas), au pire elle prenait 70 jours ouvrables (un cas). En 1994, le délai moyen n'a pas été amélioré et se situait à 4,8 jours ouvrables pour les virements urgents, en atteignant 21 jours dans deux cas.

S'agissant du délai moyen, il correspondait grosso modo aux exigences de la Commission puisque celle-ci avait fixé en 1990 déjà, dans sa recommandation 90/109, que chaque banque intervenant dans un virement transfrontière devrait effectuer le paiement au plus tard le jour ouvrable suivant la réception de l'ordre, soit un total admissible de quatre jours pour deux banques participantes. En revanche, il reste inadmissible que certains transferts soient exécutés dans des délais beaucoup plus longs. Nous en examinerons donc les conséquences juridiques dans le chapitre cinq en tant que mauvaise exécution du paiement538.

N. La fiabilité

17 4. Dans l'étude de la Commission de 1993, trois virements effectués par la même banque n'avaient pas encore été exécutés vingt semaines après le dépôt de l'ordre et cela sans explications. Par ailleurs, deux virements ont été retournés et un a été crédité sur un mauvais compte. En 1994, ce sont également trois virements impliquant la même banque qui ne sont jamais arrivés durant la période de référence (16 semaines).

Sur quelque 1000 virements, le taux de fiabilité reste proportionnellement élevé, mais il est tout de même critiquable dans la perspective d'un espace bancaire intégré et automatisé que des transferts d'argent se perdent encore. Cela peut représenter des désagréments très importants pour le consommateur: perte du principal, perte d'intérêts, frais divers, sans oublier des conséquences juridiques délicates vis-à-vis du bénéficiaire créancier (demeure du débiteur).

Ces problèmes d'erreurs seront examinés dans le chapitre consacré à l'inexécution des paiements539.

538 Infra no 384 ss et 425 ss.

539 Infra no 390 ss et 438 ss.