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Vers une directive complémentaire visant à réduire les risques systémiques

VI Les travaux en matière de paiements transfronta- transfronta-liers410

VIII. Vers une directive complémentaire visant à réduire les risques systémiques

142. Initialement, la Commission a séparé les problèmes de transparence de la question plus générale du cadre juridique des virements transfrontaliers dans la Communauté. Après l'adoption par la CNUDCI en 1992 de la loi type sur les virements internationaux, la Commission devait décider quelle suite donner à ce texte, dans la mesure où la CNUDCI recommande à tous les Etats, y compris bien sür les Etats membres de la Communauté, "de prendre dûment en considération la loi type"454. La Commission n'a jamais caché qu'elle suivait de près les travaux de la CNUDCI et que cela pourrait être là une excellente occasion d'harmoniser le droit applicable aux virements transfrontaliers dans la Communauté455.

Avec l'aide d'un groupe d'experts gouvernementaux, la Commission s'est notamment penchée sur deux grands chapitres: les risques systémiques456 (surveillance et stabilité des systèmes, dans l'optique des banques centrales) et les questions bilatérales (relations entre banques et relations banque-client). Des projets ont été discutés, mais finalement, les aspects bilatéraux, les questions abordées dans la loi modèle de la CNUDCI ont été intégrés directement dans la directive 97/5 sur les virements transfrontaliers, qui a un caractère de protection des consommateurs plus marqué.

143. Seules ont donc été traitées séparément les questions systémiques intéressant plus particulièrement les banques centrales457. C'est ainsi que la Commission en est arrivée à proposer le 30 mai 1996 une directive du Parlement européen et du Conseil concernant la finalité (soit le caractère définitif) du règlement et les garanties, texte clairement complémentaire à la directive sur les virements transfrontières458. Une proposition modifiée a ensuite été présentée le

454 455

456 457 458

francs suisses), exécutés mais non ordonnés par des établissements de crédit et autres institutions financières (art. 1; cf. supra no 15 et note 20).

Suprano48.

Cf. notamment SCHNEIDER/1ROBERG, p. 172; TROBERG, Payment, p. 287. On peut lire ainsi dans le document de travail de mars 1992 que la Commission envisageait de

"s'inspirer" des travaux de la CNUDCI (Commission [UE], paiements transfrontaliers, para 14; voir aussi les para. 51et76, ainsi que le rapport du PSTDG, para. 65). Voir toutefois les importantes critiques de VASSEUR, CNUDCI, p. 198 ss.

Sur cette notion, cf. supra note 45.

FÈVRE, p. 19 S.

Agence Europe, Bulletin no 6741, 5.6.1996, p. 7; International Financial Law Review, aoftt 1996, p. 61; Banque & Droit, no 49, septembre-octobre 1996, p. 28 s. (DE VAUPLANE Hubert). Voir aussi l'avis du Comité économique et social du 31.10.1996 et l'avis du Parlement européen en première lecture du 9.4.1997 (références in bibliographie). En doctrine: VEREECKEN/TROBERG, p. 140 ss; DEVOS, p. 17 ss;

HASSELBACH. Zahlungssystemen, p. 1491 ss. Sur l'avant-projet de directive: BALZ, p. 1639 s.; Butterworths Journal of International Banking and Financial Law 1996,

4 juillet 1997 avec un nouveau titre: "Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant la limitation du risque systémique dans les systèmes de paiement et de dénouement des transactions sur valeurs mobilières", mais sans modifications substantielles par rapport au texte initial en ce qui concerne les paiements. Le Conseil a quant à lui arrêté une position commune le 13 octobre 1997 (en vue de l'adoption de la "directive concernant le caractère définitif du règlement dans les systèmes de paiement et de règlement des opérations sur titres") qui emporte des changements importants. Les Etats membres devraient avoir dix-huit mois après la publication de la directive au Journal officiel pour s'y conformeft59.

En substance, le projet de directive vise à rendre les ordres de transfert et la compensation460 définitifs et opposables aux tiers en cas d'insolvabilité d'un établissement participant au système de paiement, les ordres de transfert irrévocables, la législation en matière d'insolvabilité non rétroactive et traite également du sort des garanties constituées pour couvrir des dettes d'un participant en cas d'insolvabilité du constituant. C'est dire que dans l'optique d'une étude consacrée aux seules relations bilatérales entre institutions financières et clients, à l'exclusion de toutes questions systémiques, cette proposition de directive n'a qu'un intérêt très marginal. Référence n'y sera donc

459 460

p. 249. Sur le projet antérieur à la proposition de directive, HARRIS-BURLAND/DoNÀ, p. 228 SS.

Art. 12 para. 1 de la position commune.

La définition de "compensation" a été introduite par le Conseil dans sa position commune. Les propositions de directive préparées par la Commission parlaient elles de

"netting de paiements", soit de "la conversion des créances et des obligations découlant d'ordres de paiement émis à un ou plusieurs autres établissements ou reçus d'un ou de plusieurs autres établissements par w1 établissement en une créance (ou une obligation) nette unique, de sorte que seule cette créance nette ou l'obligation nette est respectivement exigible ou payable" (art. 2 lit. g). A cet égard, le projet de directive sur le caractère définitif du règlement ne doit pas être confondu avec la directive 96/10/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mars 1996 modifiant la directive 89/647/CEE en ce qui concerne la reconnaissance par les autorités compétentes des contrats de novation et des conventions de compensation (contractual netting) (JOCE L 85 du 3.4.1996, p. 17 s.).

D'un point de vue juridique, la notion technique de "netting" reste la même, mais comme l'explique la Commission, la directive 96/ 10 traite des obligations non échues compensées uniquement sur une base bilatérale et de la validité de ces conventions de netting dans le cadre du calcul des exigences de fonds propres imposées aux établissements de crédit, alors que le projet de directive qui nous intéresse ici concerne les flux de paiements faisant l'objet d'une compensation bilatérale ou multilatérale. Sur les complexités du netting, spécialement dans l'optique des paiements, voir notamment:

G!OVANOLI, Payment, p. 220 ss; PELTIER Frédéric, Du netting et de la compensation, ou l'affirmation d'un droit spécial, in: Revue de droit bancaire et de la bourse 1994, p. 53 ss; DASSESSEMarc, Les quipropos du netting, in: Revue de droit bancaire et de la bourse 1995, p. 107 ss; ainsi que plusieurs contributions publiées dans le Dossier: Le renouveau de la compensation: clearing et netting, in: Revue de la Banque 3/1994 (p. 121 ss).

faite ultérieurement que pour les aspects pouvant directement intéresser les consommateurs, en particulier !'irrévocabilité des ordres461.

IX. La recommandation 97/489/CE462

144. Nous avons mentionné plus haut les critiques résultant du non-respect de la recommandation 88/590/CEE et les appels à la transformation de ce texte en instrument contraignant463. La Commission n'a pas suivi cette voie puisque si elle a mis à jour sa recommandation de 1988, elle est restée fidèle au "soft law"

en n'adoptant pas une directive, mais une nouvelle recommandation 97/489/CE du 30 juillet 1997 "concernant les opérations effectuées au moyen d'instruments de paiement électronique, en particulier la relation entre émetteur et titulaire"464.

Cette recommandation 97/489 est contenue et présentée dans une communication spécifique de la Commission du 9 juillet 1997, "Accroître la confiance de la clientèle dans les moyens électroniques de paiement dans le cadre du marché unique".

Les Etats membres sont invités à prendre les mesures nécessaires pour que les émetteurs mettent leurs activités en conformité avec les dispositions adoptées d'ici au 31 décembre 1998465. La Commission entend suivre attentivement cette mise en oeuvre de la recommandation et, à défaut d'une application satisfaisante dans le délai fixé, elle proposera une législation contraignante appropriée466. Au contraire de la recommandation 88/590 qui était principalement adressée aux professionneis467, la nouvelle recommandation de 1997 a donc l'avantage de responsabiliser les Etats membres quant au respect des exigences fixées par la Commission. Il n'est pas exclu que cela ait plus d'effet, même s'il s'agit toujours d'une injonction non contraignante.

14 5. L'objectif de la recommandation 97 /489 est "d'assurer un degré élevé de protection des consommateurs dans l'utilisation des instrumellts de paiement électro11ique11468, On remarque à cet égard une section II traitant de la 461

462 463

464

465 466 467

468

Infra no 563 ss.

WALDEN, p. 236.

Supra no 129.

Agence Europe, Bulletin no 7013, 10.7.1997; Butterworths Journal of International Banking and Financial Law 1997, p. 397; Institutions Européennes & Finance, no 48, 29.8.1997, p. 1 ss; JUSletter no 30-97, 03/22-97; REDC 1997, p. 315 ss (KERSTJ!;NS Caroline).

Art. 11. La communication accompagnant la recommandation étend cette "invitation"

directement aux émetteurs. Sur cette contradiction, cf. Comité économique et social [UE], moyens électroniques de paiement, para. 5.13.

Considérant 12 et Commission [UE], confiance, p. 11.

Cf. supra no 128.

Considérant 8.

transparence des conditions applicables aux opérations (informations minimales relatives aux conditions d'émission et d'utilisation d'un instrument de paiement électronique; informations postérieures à l'opération) ainsi qu'une section IV traitant notamment du règlement des différends, qui présentent un certain progrès par rapport aux lacunes de la recommandation 88/590 en matière d'information et de règlement des litiges. Quant à la section III, consacrée aux obligations et responsabilités des parties au contrat, elle est mieux présentée, sa structure est plus claire que celle de la recommandation de 1988, mais elle ne constitue pas une avancée particulière en matière de protection des consommateurs. Nous reviendrons sur ces dispositions dans les différents chapitres concernés.

146. A nos yeux, le rapport entre la recommandation 88/590 et la recommandation 97/489 pose problème. Celle-ci a été présentée comme une révision, une mise à jour de celle-là469, mais aucune disposition ne le précise dans le texte même publié au Journal officiel. On ne sait donc comment considérer la recommandation de 1988: est-elle formellement caduque et remplacée par le nouveau texte de la Commission? Une recommandation non contraignante adressée essentiellement aux opérateurs privés comme l'était la recommandation 88/590 ne devrait normalement perdre sa valeur juridique que si la Commission le précisait expressément, par exemple en indiquant que cette recommandation est formellement retirée au profit de nouvelles dispositions.

Ce problème de délimitation entre les deux textes est encore accentué lorsque l'on se penche sur leur champ d'application respectif470. En visant tant 469

470

Cf. supra no 130. La Commission parle aussi de nouvelle recommandation "qui modifie et complète la recommandation précédente": Commission [UE], moyens électroniques de paiement, p. 6.

Le champ d'application et les définitions énoncées à la section I de la recommandation 97/489 sont critiquables pour leur manque de clarté et de structure. A titre d'exemple, la recommandation s'applique notamment aux transferts de fonds effectués au moyen d'un instrument de paiement électronique (art. 1 para. 1 lit. a). La question est donc de savoir ce qu'il convient d'entendre par "instrument de paiement électronique". Or au lieu de donner directement des explications ou des exemples de moyens de paiement, comme c'est le cas avec les recommandations 87/598 et 88/590, la Commission a simplement précisé (art. 2 lit. a) qu'un instrument de paiement électronique est un instrument qui permet à son titulaire d'effectuer les opérations décrites à l'art. 1 para. 1, c'est-à-dire des transferts de fonds effectués au moyen d'un instrument de paiement électronique! La situation ne s'améliore guère lorsque la Commission utilise des termes tels que (cf. art. 2 lit. b) :

"instrument de paiement d'accès à distance" - expression inusuelle en doctrine et dans la pratique-, "preuve d'identité similaire" à un code d'identification personnel - la simple signature manuscrite est-elle visée? -, ou encore lorsque les cartes de crédit et les cartes accréditives sont citées comme des instruments permettant à un détenteur d'avoir accès aux fonds détenus sur son compte auprès d'un établissement, alors que l'on sait que de telles cartes peuvent être émises par des organismes qui ne gèrent pas des fonds et qui se contentent d'envoyer des factures aux clients pour être remboursés des montants qu'ils ont payés aux commerçants à la suite de l'utilisation des cartes. S'agissant de la monnaie électronique, de nombreuses exceptions à l'application des dispositions ajoutent à la

les moyens d'accès à un compte (cartes, banque à domicile, téléphone, etc.) que la monnaie électronique (cartes prépayées et autres mémoires d'ordinateur sur lesquelles des unités de valeur sont stockées électroniquement), la recommandation 97/489 a un champ d'application beaucoup plus large que la recommandation 88/590 et elle doit être approuvée en tant qu'elle permet d'englober les moyens de paiement du futur. L'application de la recommandation 97/489 à des paiements non électroniques, en particulier aux paiements par carte avec facturette et signature, qui sont expressément visés par la recommandation 88/590471, est en revanche plus discutable.

Alors que le titre de la recommandation 88/590 vise les systèmes de paiement de façon générale, le titre de la recommandation 97/489 se limite au paiement électronique. Lorsque l'on examine le champ d'application et les définitions de la recommandation 97/489472, tout porte à croire que ce texte ne concerne effectivement que les opérations effectuées au moyen d'un instrument de paiement (ou de monnaie) électronique. Or si l'on se réfère maintenant au considérant 3 de la recommandation, on constate que les paiements non électroniques par carte, avec signature et facturette, sont considérés comme des transactions effectuées par un instrument de paiement électronique! Si l'on suit ce considérant, le champ d'application de la recommandation de 1988 est donc recouvert par celui de la recommandation de 1997, mais force est de souligner que le champ d'application formellement défini à l'art. 1 de la recommandation 97/489 n'est pas du tout aussi clair.

La démarche de la Commission est critiquable car l'on ne peut pas à la fois mettre un accent formel sur les paiements électroniques et assimiler les transactions manuelles à de tels paiements, ce d'autant plus dans un simple considérant. Dans son avis sur la communication accompagnant la recommandation, le Conseil économique et social n'hésite pas à parler d"'incohérence" s'agissant de la question de l'application de la recommandation 88/590 ou de la recommandation 97/489 aux opérations sur support papier, par exemple pour les cartes de crédit classiques sans accès à un compte, et même de

"grave omission" si la recommandation 88/590 devait bel et bien être remplacée par la recommandation 97/48<)473.

Il aurait été utile que la Commission précise mieux la portée de ses différents textes. Si un consommateur peut utiliser sa carte de paiement dans

471 472

confusion. Si la recommandation 97/489 devait être transformée en directive, il conviendrait par conséquent que ses art. 1 et 2 soient impérativement reformulés pour être plus compréhensibles. Voir aussi les critiques du Comité économique et social [UE], moyens électroniques de paiement, para. 5.2 ss.

Art. 1. Cf. supra note 385.

Art. 1et2.

473 Comité économique et social [UE], moyens électroniques de paiement, para. 5.4 ss et 5.14.

différents Etats européens, parfois avec code, parfois avec signature, il devrait savoir les règles que les institutions financières doivent appliquer, qu'il y ait

"paiement électronique" ou non474. Si une opération de transfert électronique de fonds visée par la recommandation de 1997 équivaut par ailleurs à un virement transfrontière - cela pourrait notamment être le cas avec un système de banque à domicile -, l'application des dispositions de la recommandation pourrait d'ailleurs entrer également en conflit avec la directive 97/5/CE concernant les virements transfrontaliers.

147. En pratique, la recommandation 88/590 va perdre sa portée à l'égard des professionnels - si tant est qu'elle en ait eu une puisqu'elle n'a pas été respectée -. D'une part, si la recommandation 97/489 est présentée comme une actualisation de la recommandation 88/590, les institutions financières n'ont apparemment aucune raison de se plier à un texte dépassé. D'autre part, la Commission est prête à transformer la recommandation 97/489 en directive si nécessaire, mais elle ne fera logiquement pas de même avec l'ancienne recommandation de 1988. Les professionnels n'ont donc rien à craindre en principe de leur non-respect de la recommandation 88/590.

Cela étant, et dans la perspective d'une analyse scientifique des paiements transfrontières de lege lata et de Jege ferenda, nous considérons que la recommandation de 1988 n'a pas perdu tout intérêt. Tout d'abord, dans la mesure où ce texte n'est pas formellement abrogé par la recommandation 97/489 et qu'il s'adresse directement aux émetteurs alors que la recommandation 97/489 vise, à sa lettre, l'action des Etats membres, nous maintenons qu'il garde la portée juridique reconnue à toute recommandation par la Cour européenne de justice dans sa jurisprudence Grimaldi, c'est-à-dire qu'un juge pourrait toujours en tenir compte pour résoudre un litige qui lui serait soumis. Ensuite et surtout, nous verrons que la recommandation 97/489 est loin de régler tous les problèmes posés par la recommandation de 1988. Ainsi, dans le cadre d'une réflexion théorique sur les solutions à adopter pour créer un cadre juridique adéquat pour les paiements transfrontières de détail, il paraît intéressant de mettre en évidence les lacunes et imperfections réglementaires qui perdurent depuis des

474 Sur la question de savoir si une distinction doit être faite entre paiements électroniques et paiements manuels lorsqu'il s'agit de définir le champ d'application d'une règlementation en matière de systèmes de paiement grand public, cf. FA V RE-BULLE. paiement, p. 82 ss.

Une dichotomie trop complexe peut constituer un danger pour le consommateur, par exemple s'il est titulaire d'une carte multi-fonctionnelle, puisqu'il ne saura pas à quel droit se fier si la situation légale dépend du caractère électronique ou non du terminal de paiement qu'il utilise. Pour KNOBBOlIT-BETHLEM, recommandation, p. 244 s., "du point de vue de la protection des consommateurs, il n'est pas souhaitable de distinguer entre paiemellt électronique ou non électronique", il faut préférer "une seule réglementation protectrice couvrant tous les types de cartes".

années et dans quelle mesure la situation n'a que très imparfaitement été améliorée par le texte de 1997475.