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La révision manquée de 1959 et l’introduction du suffrage féminin en 1971 128 L’échec en votation populaire en 1959 Après une tentative manquée de réviser la

CHAPITRE I : LES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES RELATIVES AU CONSEIL FEDERAL

IV. La révision manquée de 1959 et l’introduction du suffrage féminin en 1971 128 L’échec en votation populaire en 1959 Après une tentative manquée de réviser la

Constitution en 1959, se produit en 1971 la révision de la Constitution probablement la plus importante depuis la création de l’Etat : l’introduction du suffrage féminin sur laquelle nous devons nous étendre plus longuement que sur les révisions précédentes.

Alors que nous sommes parmi les premiers à introduire le suffrage universel pour les hommes, en 1848 (France : 1848 ; Allemagne : 1867 ; Belgique : 1893 ; Royaume-Uni : 1918 ; Italie : 1919771), nous sommes parmi les derniers à introduire le suffrage féminin, en 1971 (France : 1946772 ; Allemagne : 1919 et 1949773 ; Belgique : 1948774 ; Royaume-Uni : 1928775 ; Italie : 1945776). Cela s’explique par "la nécessité juridique où se trouvent les partisans de la réforme de convaincre le corps électoral lui-même"777, puisque notre pays vit dans un régime de démocratie semi-directe.

Cependant, dès les travaux préparatoires pour la révision totale de la constitution fédérale de 1874, d’aucuns proposent d’octroyer la complète égalité politique aux femmes778.

En 1913, le conseiller national socialiste Johannes Huber dépose une motion visant le même but779.

La première guerre mondiale et l’échec de la grève générale (15 novembre 1918) entraînent une recrudescence des tentatives d’accorder les droits politiques aux femmes, tendance qui perdure pendant l’entre-deux-guerres et par la suite780.

Cela s’explique sociologiquement par plusieurs causes concomitantes dont, notamment, l’action des mouvements féministes et les succès qu’ils ont remportés à l’étranger, le rôle accru joué par les femmes dans la société, notamment dans le domaine professionnel, et l’évolution des mentalités.

Le 25 novembre 1950, l’association suisse pour le suffrage féminin propose d’introduire les droits civiques pour les femmes en interprétant différemment la constitution tout en la laissant intacte. La partie de phrase de l’article 74 de la Constitution du 29 mai 1874 "tout Suisse âgé de vingt ans révolus" devrait dorénavant être comprise comme incluant les Suissesses. Mais, dans son rapport du 2 février 1951781, le Conseil fédéral expose qu’il ne suffit pas

d’interpréter différemment ce texte, mais que le suffrage féminin ne peut être institué que par la voie d’une révision de la constitution.

771

Aubert, 1967a p. 404 no 1071.

772

FF 1957 I 713 (Message du Conseil fédéral à l’Assemblée fédérale sur l’institution du suffrage féminin en matière fédérale du 22 février 1957).

773 FF 1957 I 711ss. 774 FF 1957 I 714. 775 FF 1957 I 710. 776 FF 1957 I 713ss. 777 Aubert, 1967a p. 405-406 no 1076. 778 FF 1957 I 725. 779 Voir FF 1957 I 725. 780 FF 1957 I 726ss. 781 FF 1951 I 357.

Le 20 septembre 1951, le conseiller aux Etats libéral-démocrate Albert Picot782 dépose un postulat ayant pour fin d’étudier l’opportunité d’un vote d’essai au sein de la population féminine suisse ; effectivement, à cette époque, certains détracteurs du vote des femmes affirment que ces dernières elles-mêmes sont opposées à l’idée d’acquérir les droits civiques. Ce postulat est néanmoins repoussé.

Une année plus tard, le 17 septembre 1952783, le même député dépose un nouveau postulat au sujet des droits politiques des femmes. Par ailleurs, en mars 1954, la chambre du peuple donne son aval à un postulat Alois Grendelmeier (Alliance des indépendants)784.

Ces deux postulats sont acceptés et donnent lieu au Message du 22 février 1957 sur l’institution du suffrage féminin en matière fédérale785.

Dans ce texte, le Conseil fédéral arrive à la conclusion "qu’il faut accorder aux femmes suisses, en matière fédérale, exactement les mêmes droits politiques qu’aux hommes"786. Le Conseil des Etats approuve la révision par 26 voix contre 12787 et le Conseil national fait de même par 96 voix contre 43788.

Mais, en date du 1er février 1959, le peuple et les cantons rejettent cet amendement par 654 939 non (66,92% des suffrages valables) contre 323 727 oui (33,08% des suffrages valables) et seuls trois cantons l’acceptent.

129. Le retournement de situation. Ce scrutin a néanmoins une conséquence heureuse : dans les quatorze mois qui suivent, les trois cantons acceptant (Vaud, Neuchâtel et Genève) accordent à leurs citoyennes les droits politiques en matière cantonale et communale789. Et dans les douze années qui suivent, une douzaine de cantons790 en font de même.

Dès 1965, plusieurs interventions parlementaires791 et l’initiative présentée par le canton de Neuchâtel792 veulent que le souverain fédéral se prononce une nouvelle fois à ce sujet. Le Conseil fédéral reprend cette idée et publie, le 23 décembre 1969, un message sur l’institution du suffrage féminin en matière fédérale, dans lequel il reprend les grandes lignes de celui de 1957 tout en le complétant.

Le 23 septembre 1970, le Conseil des Etats, à l’unanimité - 34 suffrages -, accepte la révision de l’article 74 de la Constitution fédérale793 et, le 9 octobre 1970, le Conseil national prend la même décision par 137 voix contre 0794.

Le 7 février 1971, 621 109 électeurs (65,73% des suffrages valables) contre seulement 323 882 (34,27% des suffrages valables) et 15 cantons et demi contre 6 cantons et demi acceptent 782 BO CE 1951 395. 783 BO CE 1952 20. 784 BO CN 1952 17. 785 FF 1957 I 693-825. 786

FF 1957 I 822. Cette réforme aurait entraîné la révision de plusieurs articles constitutionnels. A ce sujet, notons qu’une initiative populaire aurait nécessité 100 000 signatures valables pour aboutir et qu’une demande de référendum sur une loi ou un arrêté de portée générale devrait être munie de 60 000 signatures valables.

787 BO CE 1958 201. 788 BO CN 1958 426. 789 Aubert, 1967a p. 72 no 179. 790 Aubert, 1982 p. 20 no 159bis. 791

Motion Henri Schmitt du 30 novembre 1965, Résumé des délibérations de l’Assemblée fédérale, Conseil national, session d’hiver 1965 p. 30 ; Motion Fritz Tanner du 4 juin 1968, Résumé des délibérations de l’Assemblée fédérale, Conseil national, session d’hiver 1968 p. 35 ; Motion Max Arnold du 17 juin 1969, Résumé des délibérations de l’Assemblée fédérale, Conseil national, session d’hiver 1969 p. 19-20.

792

Initiative du canton de Neuchâtel au sujet du suffrage féminin du 25 février 1966, Résumé des délibérations de l’Assemblée fédérale, session de printemps 1966 p. 5.

793

BO CE 1970 281. Il s’agit du vote final.

794

92 d’accorder le droit de vote aux femmes. Aubert relève qu’ "on a rarement vu un tel

retournement de l’opinion en un si court délai"795.

Ainsi, les femmes deviennent éligibles au Conseil national et, partant, au Conseil fédéral. Examinons maintenant un autre aspect de la capacité civique : l’âge minimum requis pour élire et être élu.

V. La révision manquée de 1979 et l’introduction du suffrage à 18 ans en 1991

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