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Equilibre entre les divers partis politiques

CHAPITRE III : EQUILIBRE DES DIVERSES COMPOSANTES DE LA SUISSE

III. Equilibre entre les divers partis politiques

194. Introduction. Au début de notre Etat fédéral, il n'existe aucun parti organisé comme nous les connaissons aujourd'hui1091. Ce n'est qu'à partir de la fin des années 1870 que certains groupes parlementaires se constituent (en 1878, le groupe radical-démocratique; en 1882, le groupe conservateur-catholique; en 1893, le groupe libéral-démocratique et, en 1911, le groupe socialiste1092) et que des partis structurés apparaissent.

Les socialistes se constituent en parti, au niveau fédéral, en 18881093 et les radicaux font de même en 18941094.

En 1912, les catholiques-conservateurs se rassemblent en parti conservateur de Suisse et gardent ce nom jusqu'en 1956, puis ils répondent à l'appellation de parti conservateur- chrétien-social1095, avant de devenir, en 1970, le parti démocrate-chrétien (PDC).

La création du parti de l'Union démocratique du centre (UDC) date de 1971, lorsque le parti des paysans, artisans et bourgeois (PAB) et le parti démocrate fusionnent. Le PAB, composé surtout d'anciens radicaux, voit le jour vers la fin de la grande guerre dans les cantons de Zurich et de Berne, mais n'est fondé au plan suisse qu'en 19371096. Cependant, la section bernoise de ce parti compte, dès 1929, un représentant au Conseil fédéral en la personne de Rudolf Minger.

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Altermatt, 1993 p. 65. Pour plus de développements au sujet du partage confessionnel et religieux des fauteuils gouvernementaux, voir Altermatt, 1993 p. 62-65.

1089 Altermatt, 1993 p. 62. 1090 Altermatt, 1993 p. 65. 1091 Voir Altermatt, 1993 p. 46. 1092 Altermatt, 1993 p. 46. 1093 Altermatt, 1993 p. 46. 1094 Altermatt, 1993 p. 46. 1095

Voir documentation interne du PDC.

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Le parti démocrate, présent avant tout à Glaris (dès le siècle passé) et aux Grisons (dès la fin de la première guerre mondiale), représente lui aussi une dissidence par rapport au parti radical.

195. La prépondérance radicale. Jusqu'en 1891 y compris, tous les conseillers fédéraux proviennent de la famille radicale-libérale; cependant, il faut remarquer qu'à cette époque les radicaux et les libéraux sont divisés en diverses tendances, notamment une gauche radicale et un centre libéral1097.

Ainsi, les députés de ces deux partis veulent punir leurs anciens adversaires du Sonderbund, les catholiques-conservateurs, qui sont minoritaires dans les deux conseils, mais qui essaient, dès 1863, de placer un des leurs au Conseil fédéral1098.

Depuis 1874, grâce à la révision totale de la constitution fédérale, qui introduit entre autres innovations le droit pour trente mille citoyens ou huit cantons d'exiger un référendum pour les lois et arrêtés de portée générale, les catholiques-conservateurs réussissent à bloquer le régime politique suisse en demandant souvent des votations1099. Cela oblige les députés radicaux et libéraux à faire des concessions. Ainsi, les catholiques-conservateurs peuvent obtenir un siège au Conseil fédéral dès 1892, après s'être déjà vus, auparavant, attribuer un fauteuil de juge fédéral et la présidence du Conseil national1100.

A partir de 1913, un seul Romand siège parmi les sept sages, les députés francophones n'ayant pas pu se mettre d'accord sur un même candidat pour un deuxième siège. Pendant la première guerre mondiale, la Suisse est divisée : d'un côté, on trouve la Suisse allemande, plutôt favorable aux Empires centraux, et, de l'autre côté, la Suisse latine, plus proche de l'Entente. En 1917, le conseiller fédéral Arthur Hoffmann transmet des informations secrètes au gouvernement russe pour permettre une paix séparée entre l'Allemagne et la Russie1101. En agissant ainsi, il viole la neutralité et le principe de la collégialité.

Il est contraint de démissionner1102.

C'est alors qu'il est décidé de remplacer Hoffmann par un Romand pour rétablir la confiance dans le Conseil fédéral et réconcilier Romands et Alémaniques. C'est le libéral genevois Gustave Ador qui est élu au premier tour par 168 voix sur 219 bulletins rentrés1103. En effet, les radicaux avaient décidé de soutenir cette candidature libérale.

Ainsi nous avons pendant trente mois (plus précisement du 26 juin 1917 au 31 décembre 1919) cinq radicaux, un catholique-conservateur et un libéral au Conseil fédéral1104. Par la suite, de 1920 à 1929, cinq radicaux et deux PDC siègent au Conseil fédéral. Après la première guerre mondiale, deux événements obligent les radicaux à accepter la présence de deux démocrates-chrétiens.

D'abord, en 1918, les partis bourgeois craignent une extension de la vague révolutionnaire qui embrase l'Europe. Les socialistes suisses ayant favorisé la grève générale, il s'agit de faire bloc contre eux. Ensuite, en 1919, le Conseil national est élu pour la première fois selon le système électoral de la proportionnelle à la plus forte moyenne qui remplace celui de la

1097 Altermatt, 1993 p. 46. 1098 Altermatt, 1993 p. 46-48. 1099 Altermatt, 1993 p. 48. 1100 Altermatt, 1993 p. 48. 1101 Ruffieux, 1974 p. 44ss. 1102

Pour plus de détails au sujet de l'affaire Hoffmann, voir ci-dessus no 161.

1103

Ruffieux, 1974 p. 44ss, Aubert, 1967a p. 535 no 1497, Altermatt, 1993 p. 30.

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134 majoritaire plurinominale à deux tours. Les radicaux perdent quarante-six sièges au Conseil national1105.

En 1929, le parti agrarien obtient un siège au gouvernement fédéral.

Ainsi, de 1930 à 1943, la composition du Conseil fédéral est la suivante : quatre radicaux, deux démocrates-chrétiens et un agrarien.

Altermatt constate qu'"ainsi se dessinait un bloc bourgeois antisocialiste, où voisinaient radicalisme, catholicisme politique et paysannerie réformée"1106.

Et le "rapport final de la commission indépendante d’experts Suisse – Seconde guerre

mondiale" affirme "qu’en 1940, lors de quatre élections complémentaires au Conseil fédéral, les candidatures socialistes furent rejetées, la politique extérieure, le rapport au voisin

allemand n’y fut pas étrangère"1107.

196. L’élection d’un socialiste et le cheminement vers la formule magique. A partir de 1944, un socialiste siège à l'exécutif fédéral en la personne d'Ernest Nobs.

En fait, dès 1929, à plusieurs reprises, le groupe socialiste avait tenté d'obtenir un fauteuil ministériel.

C'est seulement peu avant la seconde guerre mondiale, face à la montée des périls fascistes et staliniens et lorsque le parti socialiste accepte une ligne sociale-démocrate avec la "paix du travail" et l'adhésion à la défense nationale que les partis bourgeois décident de soutenir un

candidat de gauche. En 1938, le candidat socialiste, Emil Klöti, échoue de peu; ce n'est qu'après le renouvellement

intégral du Conseil national, en 1943, qu'un candidat non bourgeois accède pour la première fois au Conseil fédéral1108.

De 1944 à 1953, le Conseil fédéral est donc constitué de trois radicaux, deux conservateurs, un agrarien et un socialiste; dès lors, pour la première fois, les radicaux n'ont plus la majorité absolue dans l'exécutif.

Pour la première fois aussi, les quatre partis qui incarnent la formule quadripartite sont représentés au gouvernement fédéral1109.

En 1953, Max Weber, successeur d'Ernest Nobs, démissionne suite à un désaveu populaire au sujet d'une loi sur les finances. C'est alors que le parti socialiste renonce à présenter un

candidat; pourtant, ce parti désire avoir deux conseillers fédéraux. Ainsi, en 1954, quatre 1105 Ruffieux, 1974 p. 74. 1106 Altermatt, 1993 p. 49. 1107

2002 p. 59. Voici un autre extrait de ce rapport au sujet de la composition du Conseil fédéral pendant ces années si difficiles et si dramatiques : "La culture politique des années de crise et de guerre fut marquée, dans son ensemble, par une tendance à l’autoritarisme. Cela se reflète, au niveau des partis, dans la composition du Conseil fédéral : (…) les catholiques conservateurs s’étaient vu offrir une double représentation en 1919 (…) avec l’élection de magistrats de la droite nationaliste, Giuseppe Motta et Jean-Marie Musy (remplacé dès 1934 par Philipp Etter). Le siège attribué au nouveau parti agrarien (PAB) fut occupé dès 1929 par Rudolf Minger, puis dès 1941 par le juriste bernois Eduard von Steiger qui renforça l’aile droite du Conseil fédéral. Le

successeur de Minger au Département militaire fédéral, le radical Karl Kobelt, en fonction depuis 1941, est plus difficile à classer sur l’échiquier politique, de même que le catholique conservateur Enrico Celio, qui succéda en 1940 à Motta. Ils peuvent être situés au centre. Le Conseil fédéral des années de guerre, et en particulier celui de 1940, n’était pas divisé sur les questions importantes : il prit ses décisions à l’unanimité. Le Zurichois Ernst Wetter et le Vaudois Pilet-Golaz appartenaient à l’aile droite du parti radical ; Hermann Obrecht et Walther Stampfli, deux radicaux soleurois qui se succédèrent à la tête du Département de l’économie publique, appartenaient à l’aile réformatrice de la bourgeoisie" (Rapport final de la Commission indépendante d’experts Suisse - Seconde Guerre Mondiale, 2002 p. 72).

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Aubert, 1967a p. 534 no 1495.

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radicaux, deux démocrates-chrétiens et un agrarien1110, c'est-à-dire la même situation qu'entre 1930 et 1943, composent le gouvernement fédéral. En conséquence, les radicaux possèdent, pendant l'année 1954, de nouveau la majorité absolue au Conseil fédéral.

Mais cette configuration ne dure qu'une année. Lors de la triple élection partielle de décembre 1954, les socialistes soutiennent, habilement, un troisième candidat membre du parti

conservateur de Suisse1111.

Dès lors, on a, de 1955 à 1959, trois radicaux, trois démocrates-chrétiens et un agrarien. Dès 1955, les radicaux perdent ainsi la majorité absolue au sein des sept magistrats.

197. La formule magique. En 1959, il faut élire quatre nouveaux conseillers fédéraux. Les socialistes se déclarent prêts à revenir au gouvernement .

C’est ainsi qu'on en vient à une représentation proportionnelle des quatre plus grands partis de Suisse, qu'on appelle "formule quadripartite" ou "formule magique"1112. Celle-ci implique qu'il y ait au sein du Conseil fédéral deux radicaux, deux démocrates-chrétiens, deux socialistes et un agrarien.

Ce nouveau système représente une "petite révolution" puisque le parti socialiste passe ainsi du statut de parti d'opposition à celui de parti gouvernemental. Dès ses débuts, il place ce parti devant un choix délicat.

Après avoir incarné pendant plus d'un demi-siècle l'opposition, une certaine duplicité pourrait lui être reprochée1113.

Dès les débuts de la formule magique, d'aucuns considèrent notre système de gouvernement comme figé, bloqué. Dès lors, l'opposition se fait plutôt par l'initiative populaire et le

référendum législatif.

Aux élections au Conseil fédéral survenues pendant la fin de la guerre froide, c'est surtout l'Alliance des indépendants, petite formation politique de centre-gauche qui cherche à

remettre en cause la "formule magique", notamment, en 1989, lorsqu’une représentante de ce parti, la Zurichoise Monika Weber, pose sa candidature1114.

Dans les années quatre-vingt, la jeune génération du parti socialiste tente de quitter le gouvernement1115, mais les coups de boutoir les plus forts contre la "formule quadripartite" datent des années nonante et de la décennie en cours.

En octobre 1999, lors du renouvellement du Conseil national et de celui d'une partie des conseillers aux Etats, l'Union démocratique du centre reçoit plus de suffrages et un siège de plus que les démocrates-chrétiens (52 contre 51 dans les deux chambres).

C'est alors qu'elle exige un second siège au Conseil fédéral. Christoph Blocher, homme politique zurichois bien connu pour ses positions contre l'ouverture de la Suisse à l'Europe et au monde et pour sa xénophobie, pose sa candidature.

Remarquons que ce parti est divisé entre une aile modérée – à laquelle appartient le Conseiller fédéral Adolf Ogi -, représentée par les sections de Suisse romande, du canton de Berne et des Grisons, et une aile dure formée des sections des autres cantons et emmenée par Christoph Blocher.

1110

Aubert, 1967a p. 535 no 1497, Altermatt, 1993 p. 49-50.

1111

Aubert, 1967a p. 534 no 1495.

1112

Aubert, 1967a p. 534-535 no 1496, Altermatt, 1993 p. 50.

1113 Aubert, 1967a p. 535 no 1498. 1114 Altermatt, 1993 p. 51. 1115 Altermatt, 1993 p. 51.

136 Cette perspective effarouche les autres partis gouvernementaux, dont notamment les

socialistes que le politicien zurichois prend pour cible en déclarant vouloir occuper un des deux fauteuils. En fin de compte, les sept conseillers fédéraux en charge sont réélus.

C'est uniquement contre les deux candidats socialistes, Ruth Dreifuss et Moritz Leuenberger, membres du gouvernement depuis respectivement 1993 et 1995, que Christoph Blocher obtient un nombre substantiel de voix.

Au premier tour de scrutin, sur 235 bulletins valables, Ruth Dreifuss en obtient 148 contre 58 à Christoph Blocher1116 et, également lors du premier tour de scrutin, Moritz Leuenberger compte 154 contre 58 à Christoph Blocher1117.

198. La fin de la formule magique. Lors du dernier renouvellement intégral du Conseil national et d’une partie des membres de la chambre des cantons, le 19 octobre 2003, un véritable séisme politique se produit en ce sens que l’Union démocratique du centre devient le parti le plus représenté à la chambre du peuple et à l’Assemblée fédérale, chambres réunies, et que les partis radicaux et démocrates-chrétiens y perdent respectivement 11 et 7 députés, le parti socialiste totalisant 4 sièges de plus qu’en 1999 dans les deux conseils. Après cette défaite cuisante du centre et cette victoire des extrêmes, l’Union démocratique du centre revendique un second conseiller fédéral, revendication qui débouche, le 10 décembre 2003, sur l’éviction de la conseillère fédérale sortante Ruth Metzler (nos 148 et 155) et sur l’élection de son chef, Christoph Blocher.

Commentons ces événements. S’agit-il de la continuation de la formule magique selon un autre paradigme ou doit-on considérer que la formule magique est enterrée ?

Pour nous, la formule magique n’existe plus. Cela, d’abord parce que les fondements de cette formule, les ingrédients, ont changé. Il n’est pas indifférent pour n’importe quel

gouvernement qui subit un remaniement de voir succéder à un centriste un membre d’un parti nationaliste, xénophobe et ultra-libéral ! Cela vaut bien sûr a fortiori pour nos conseillers fédéraux qui partagent chacun une parcelle du pouvoir exécutif suprême de notre Etat fédéral. Notre second argument est que les commettants et partenaires du gouvernement, les

parlementaires, sont plus polarisés. PRD : Parti radical-démocratique L : Parti libéral-démocratique PDC : Parti démocrate-chrétien

UDC : Union démocratique du Centre PSS : Parti socialiste suisse

PRD PDC L UDC PSS 1848-1891 71118 1892-1916 6 1 1917-1919 5 1 1 1920-1929 5 2 1930-1943 4 2 1 1944-1953 3 2 1 1 1954 4 2 1 1955-1959 3 3 1 1960-2003 2 2 1 2 2004 2 1 2 2 1116 BO CN 1999 2687. 1117 BO CN 1999 2688. 1118

Examinons maintenant la trop faible participation des femmes à notre gouvernement fédéral.

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