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CHAPITRE II : L'INFLUENCE DE LA REVOLUTION FRANCAISE

II. La Constitution du 3 septembre

26. Généralités. Cette constitution113 est en vigueur du 1er octobre 1791 au 10 août 1792. Comme nous allons le voir, elle est plus proche des idées de Locke et de Montesquieu que de celles de Rousseau. Ainsi, ce texte ne contient aucun élément de démocratie directe. Par ailleurs, l'Etat instauré par cette première constitution française représente une monarchie constitutionnelle114 qui tire sa légitimité de la nation, sa structure étant unitaire115.

propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression." (art. 2); "La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité." (art. 17).

110

Burdeau, Hamon,Troper, 1999 p. 292.

111

Rials, 1988 p. 345.

112

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 293.

113

Le texte se trouve notamment chez Duverger, 1986 p. 18ss.

114

Kölz, 1992a p. 74.

115

Bien que le texte du 3 septembre 1791 proclame que "la nation a le droit imprescriptible de changer sa constitution"116, sa procédure de révision est très compliquée. Aucun article n'est susceptible d'être modifié pendant les quatre ans qui suivent l'entrée en vigueur de cette charte fondamentale117. Par la suite, lorsque trois législatures auront décrété un ou plusieurs

amendements constitutionnels118, une assemblée de révision, unicamérale, formée de l'assemblée nationale (le parlement instauré par cette constitution, voir no 27) et de 249 membres supplémentaires élus par la population119, se réunira et votera ces changements. La révision de la constitution échappe donc totalement à la volonté de l'exécutif120 et, surtout, est extrêmement difficile.

27. Les institutions politiques. Le pouvoir est réparti entre l'Assemblée nationale, le roi des Français121 - et non plus le roi de France -, assisté de ses ministres, et les tribunaux.

Examinons successivement les deux organes mentionnés en premier lieu et leur position respective.

Le parlement est unicaméral122 et compte 745 députés123 élus pour deux ans124; les représentants sortants sont rééligibles une fois, puis doivent laisser passer une législature avant de se représenter une troisième fois125. Les membres de l'Assemblée nationale sont désignés indirectement et avec un cens pour élire et pour être élus.

Le mandat de représentant est incompatible avec celui de ministre126 ou de juge127.

Le monarque est l'aîné de la famille régnante "de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle des femmes et de leur descendance"128. S'il a moins de dix-huit ans129, un régent le remplace; celui-ci doit être un homme, avoir vingt-cinq ans révolus et provenir de la famille régnante130. Le roi (ou le régent) doit prêter serment à la nation avant d'entrer en fonction131. Il est "le chef suprême de l'administration générale du royaume"132. Si le roi ne prête pas serment (ou s'il le prête, puis se rétracte)133, s'il lève une armée134 ou s’il ne rentre pas dans le royaume après que l'Assemblée nationale lui a imparti un délai135, il sera censé avoir abdiqué.

116

Titre VII, art. 1er.

117

Titre VII, art. 3.

118

Titre VII, art. 2 et 4.

119

Titre VII, art. 5.

120

Titre VII, art. 4.

121

Titre III, chapitre II, section I, art. 2.

122

Titre III, chapitre I, art. 1er.

123

Titre III, chapitre I, section I, art. 1er.

124

Titre III, chapitre I, art. 2.

125

Titre III, chapitre I, section IV, art. 6.

126

Titre III, chapitre I, section III, art. 4.

127

Titre III, chapitre I, section III, art. 5.

128

Titre III, chapitre II, section I, art. 1er.

129

Titre III, chapitre II, section II, art. 1er.

130

Titre III, chapitre II, section II, art. 2.

131

Titre III, chapitre II, section I, art. 4 et Titre III, chapitre II, section II, art. 12.

132

Titre III, chapitre IV, art. 1er.

133

Titre III, chapitre II, section I, art. 5.

134

Titre III, chapitre II, section I, art. 6.

135

24 Selon la lettre du texte constitutionnel, les ministres sont nommés et révoqués par le roi uniquement136, sous réserve de fautes de caractère pénal137, mais, en tout cas, ils n'encourent aucune responsabilité politique devant l'Assemblée nationale.

Mais, dans la pratique, les ministres refusent de signer certains actes du roi par peur d'être destitués138.

Les ordres du roi doivent obligatoirement être ratifiés par l'un des ministres; en fait, par celui dont le département est concerné par la décision du roi139.

Les ministres s'occupant chacun de la conduite d'un département, cela fait penser au système départemental, mais les ministres ne prennent aucune décision ensemble.

Le roi ne peut pas dissoudre l'Assemblée nationale et n'a pas non plus l'initiative législative140. Mais le monarque peut opposer un veto suspensif aux lois faites par le parlement141, veto qui n'est surmontable qu'après quatre ans au minimum142.

Remarquons qu'une telle durée revient presque à empêcher l'assemblée de légiférer.

Louis XVI s'oppose ainsi à deux lois relatives aux prêtres réfractaires et aux émigrés143, ce qui ternit profondément son prestige et ce qui contribue à sa chute.

L'institution du veto est reprise de la constitution des Etats-Unis d'Amérique de 1787144. 28. Conclusions. L'Assemblée nationale ne disposant ainsi presque d'aucun moyen d'action face au roi et à son gouvernement145, la tension ne peut que s'accroître entre ces deux organes. Plus généralement, Louis XVI ne s'adapte pas au passage de la monarchie de droit divin à celle de droit humain146 et les membres de l'Assemblée nationale constituante s'étant décrétés inéligibles à l'Assemblée nationale législative, les députés élus en 1791 sont entièrement nouveaux, ce qui implique que ces derniers ne sont pas nécessairement en faveur des

institutions. Enfin, la guerre débutée au mois d'avril 1792 contre l'Autriche147 aggrave encore la situation.

La constitution de 1791 est appliquée moins d'un an. Le 10 août 1792, la foule envahit le palais des Tuileries148, où réside le roi, qui est suspendu de ses fonctions par l'Assemblée nationale le même jour149; la République est proclamée.

La disparition rapide du régime instauré par cette première constitution française marque l'échec de l'essai de "mariage entre la monarchie et la révolution"150.

Cela provoque une véritable seconde révolution. Voyons comment celle-ci s’est concrétisée.

136

Titre III, chapitre II, section IV, art. 1er.

137

Titre III, chapitre II, section IV, art. 5.

138

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 302.

139

Titre III, chapitre II, section IV, art. 4.

140

Debbasch, Pontier, 1989 p. 6.

141

La Constitution de 1791 utilise les termes de "sanction royale" (Titre III, chapitre III, section III).

142

Titre III, chapitre III, section III, art. 5 et 6.

143 Debbasch, Pontier, 1989 p. 7. 144 Kölz, 1992a p. 74. 145 Debbasch, Pontier, 1989 p. 7. 146 Debbasch, Pontier, 1989 p. 7. 147 Coquerelle et al., 1960 p. 78. 148 Debbasch, Pontier, 1989 p. 7. 149

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 302.

150

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