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Equilibre entre les hommes et les femmes

CHAPITRE III : EQUILIBRE DES DIVERSES COMPOSANTES DE LA SUISSE

IV. Equilibre entre les hommes et les femmes

199. Le début des femmes au Conseil fédéral. Pour commencer, voyons ce que dit Urs

Altermatt dans le "Dictionnaire biographique des cent premiers conseillers fédéraux", édité en 19931119: "En 1971, douze femmes faisaient pour la première fois leur entrée aux Chambres fédérales. En 1979, le nombre des conseillères aux Etats et des conseillères nationales avait doublé. En 1976, Elisabeth Blunschy-Steiner, démocrate-chrétienne de Schwyz, fut élue à la présidence du Conseil national. Même si, à la fin des années 1970, la progression politique des femmes subit un coup d’arrêt, la question d’une représentation féminine équitable ne cessa pas d’être à l’ordre du jour. En 1991 les femmes fournirent 32,6% des candidatures au Conseil national, mais elles ne conquirent que 17,5% des sièges, soit 35 sur 200. Sur le plan cantonal, les femmes parvinrent à remporter d’importants succès. En 1983, la Zurichoise Hedi Lang fut la première femme élue dans un Conseil d’Etat. Il semblait donc que, pour le Conseil fédéral également, la brèche était ouverte.

En décembre 1983, il s’agit de remplacer le conseiller fédéral socialiste Willi Ritschard et le radical Georges-André Chevallaz. Les socialistes proposèrent la conseillère nationale zurichoise Lilian Uchtenhagen, première candidate officielle au Conseil fédéral. Dans les groupes parlementaires bourgeois, Mme Uchtenagen ne plaisait pas à grand monde. Le débat tournait, à mots couverts, autour des aptitudes personnelles de la candidate. Le 7 décembre, l’Assemblée fédérale, par 124 voix, élisait le socialiste soleurois Otto Stich. Lilian

Uchtenhagen, dont la candidature avait été soutenue par le groupe parlementaire de l’Alliance des indépendants et du parti évangélique de la Suisse, obtint 96 voix. Dans de nombreux milieux, les femmes ressentirent cette nomination manquée comme une marque de discrimination. L’Association suisse pour les droits de la femme regretta que les parlementaires "n’aient malheureusement pas su comprendre les signes des temps". Pour remplacer le radical Georges-André Chevallaz, son parti présenta, comme candidat officiel, le Vaudois Jean-Pascal Delamuraz. Le groupe parlementaire de l’Alliance des indépendants, qui s’était prononcé pour une représentation féminine au Conseil fédéral, proposa la Genevoise Monique Bauer-Lagier, conseillère aux Etats libérale, qui cependant déclina l’offre immédiatement. Jean-Pascal Delamuraz obtint 130 voix au premier tour ; Monique Bauer-Lagier en recueillit tout de même 34 ; un peu moins, certes, que le candidat "sauvage" de Genève, le radical Robert Ducret.

Un an plus tard, le 2 octobre 1984, intervint une nouvelle élection au Conseil fédéral, à la suite de la démission surprise du radical zurichois Rudolf Friedrich. Toute l’affaire de

l’élection manquée de Lilian Uchtenhagen pressait moralement les radicaux de présenter une femme. Finalement leur parti s’entendit sur une double candidature, celle de la conseillère nationale Elisabeth Kopp (Zurich) et celle du conseiller national et président du parti Bruno Hunziker (Argovie). Tandis que les socialistes soutenaient officiellement la candidature d’Elisabeth Kopp, les autres groupes parlementaires laissèrent à leurs membres la liberté de vote. Quand bien même Elisabeth Kopp, à cause de son mari, était prise sous le feu de la critique publique, elle triompha dès le premier tour en recueillant 124 voix. Bruno Hunziker, lui obtint 95 suffrages. Les femmes avaient enfin leur représentante au Conseil fédéral. La Commission fédérale pour les questions féminines exprima sa joie dans un communiqué : "Avec l’élection d’Elisabeth Kopp, la représentation des femmes de notre pays au plus haut

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138 niveau des autorités fédérales, représentation qu’on réclamait depuis longtemps, est devenue réalité". De très nombreux commentateurs saluèrent dans cette élection une véritable

"percée" : "Il est tout à fait clair que le parlement a voulu se délivrer lui-même de cette "pression" si souvent évoquée".

Une seule femme au Conseil fédéral, cela ne correspondait guère, cependant, à une représentation proportionnelle des sexes dans notre pays. Le 10 décembre 1986, lorsqu’il s’agit d’élire les successeurs des conseillers fédéraux radicaux Kurt Furgler (sic !) et

Alphonse Egli, l’Alliance des indépendants, les Verts, ainsi que les POCH, le Parti du travail et le Parti socialiste autonome s’employèrent vigoureusement à proposer une nouvelle candidature féminine.

La candidate était cette fois la conseillère nationale lucernoise Judith Stamm, qui se dit intéressée par le poste, mais n’avait aucune chance à l’intérieur de son groupe parlementaire. Avec l’élection d’Arnold Koller et de Flavio Cotti, on en resta donc à une représentation féminine unique au Conseil fédéral. Judith Stamm obtint 49 voix, puis 33, ce qui représente tout de même un honnête succès d’estime.

Lorsqu’on élut le successeur du socialiste Pierre Aubert, le 9 décembre 1987, son parti proposa René Felber. Cette fois, les constellations n’étaient pas favorables à l’élection d’une deuxième femme au Conseil fédéral. La candidate qui pouvait entrer en ligne de compte, la conseillère aux Etats vaudoise Yvette Jaggi, venait du même canton que le conseiller fédéral Delamuraz. Le même jour, on élisait le successeur de Leon Schlumpf (Union démocratique du centre). A nouveau le candidat officiel fut un homme : Adolf Ogi, élu au second tour. Au premier tour, la conseillère d’Etat bernoise Leni Robert, représentante des Verts, obtint dix- sept voix.

La question féminine devint aiguë dans les années 1988-1989, avec l’affaire Kopp. Le 12 janvier 1989, la conseillère fédérale Elisabeth Kopp démissionna de son poste, avec effet immédiat. De nombreux commentateurs estimèrent que sa chute serait néfaste à la cause des femmes. Beaucoup redoutèrent que cette affaire ne gâche les chances féminines lors de futures élections au Conseil fédéral.

Les premières conséquences se firent déjà sentir au moment de l’élection du successeur d’Elisabeth Kopp, le 1er février 1989. Au premier rang des ministrables, les deux conseillères nationales zurichoises Vreni Spoerri et Lili Nabholz renoncèrent à se porter candidates. L’Alliance des indépendants, en revanche, proposa la conseillère aux Etats zurichoise Monika Weber. Cette candidature fut soutenue par les Verts et par les conseillers nationaux du parti évangélique. Finalement ce ne fut pas Monika Weber qui l’emporta, mais le candidat radical officiel, Kaspar Villiger. La conseillère aux Etats zurichoise obtint tout juste 33 voix, 19 suffrages se portant sur Lilian Uchtenhagen.

Après la démission de René Felber (Parti socialiste), début 1993, la question d’une

candidature féminine se posa aux socialistes avec une nouvelle acuité. Le 13 février 1993, le comité du parti désigna la conseillère nationale et syndicaliste genevoise Christiane Brunner. Six jours plus tard, le groupe parlementaire socialiste soutint également Mme Brunner,

plaçant le conseiller d’Etat et conseiller national neuchâtelois Francis Matthey au second rang. Des lettres anonymes qui s’en prenaient à la sphère privée de Mme Brunner déclenchèrent de vifs débats qui lui valurent le soutien de la grande majorité des médias. Sa situation fut plus difficile au parlement : de nombreux députés bourgeois lui reprochaient aussi bien le contenu que le style de politique. Le 3 mars 1993, Christiane Brunner fut surclassée par le

neuchâtelois Matthey qui l’emporta au second tour. L’élection resta cependant en suspens, Matthey, poussé par son groupe parlementaire, ayant demandé un délai de réflexion de sept jours.

Le mouvement des femmes se mobilisa pour Christiane Brunner. Après des journées chargées de tension, le groupe socialiste se décida pour une double candidature féminine, Christiane

Brunner et Ruth Dreifuss. Quant Matthey eut officiellement renoncé à son élection le

lendemain 10 mars, la voie fut libre pour une conseillère fédérale. Les bourgeois, qui avaient sous-estimé le poids politique de la volonté des femmes au cours de la première journée d’élections, firent des concessions qui permirent à la nouvelle candidate Ruth Dreifuss de l’emporter au troisième tour. Cette élection eut un tel retentissement populaire qu’au cours des élections cantonales du printemps 1993 la proportion de femmes s’accrut massivement. Dès lors, la question de la représentation féminine au Conseil fédéral n’est de loin pas close"1120.

Voilà où en est la question du nombre de femmes au sein de notre gouvernement fédéral en 1993.

200. La problématique des femmes au Conseil fédéral depuis 1993. Le 27 septembre 1995, lors du remplacement du second conseiller fédéral socialiste Otto Stich, son parti propose le zurichois Moritz Leuenberger qui est élu. Cependant, la zurichoise Vreni Spoerry, conseillère aux Etats radicale, obtient 65 suffrages lors du premier tour, 45 voix au deuxième tour et 21 voix lors du troisième tour alors qu’une autre femme, la bernoise Gret Haller, candidate "sauvage" du Parti socialiste ne comptabilise que 15 voix au premier tour1121.

En 1998, après la démission du conseiller fédéral radical Jean-Pascal Delamuraz, le parti radical, le parti socialiste et le parti démocrate-chrétien soutiennent officiellement la double candidature Christiane Langenberger et Pascal Couchepin. Finalement, Christiane

Langenberger, plus à gauche, se voit éliminée au cinquième tour par 92 voix contre 146 au Valaisan1122.

En 1999, suite aux démissions des deux conseillers fédéraux démocrates-chrétiens Arnold Koller et Flavio Cotti, l’occasion est toute trouvée pour faire élire une deuxième femme au Conseil fédéral. Le parti démocrate-chrétien, le parti radical, le parti socialiste et les Verts soutiennent les conseillères d’Etat Ruth Metzler et Rita Roos. Le 11 mars 1999,

l’Appenzelloise des Rhodes-Intérieures et démocrate-chrétienne Ruth Metzler est élue conseillère fédérale au quatrième tour1123. Pour la première fois dans l’histoire de l’Etat fédéral, deux femmes siègent en même temps au Conseil fédéral, l’autre magistrate étant la conseillère fédérale Ruth Dreifuss, élue en 1993. Le même jour, l’Assemblée fédérale, chambres réunies, élit le démocrate-chrétien fribourgeois Joseph Deiss comme 104ème conseiller fédéral ; aucune femme n’a prétendu concurrencer le candidat de ce canton. Le 6 décembre 2000, lorsqu’il s’agit de désigner un remplaçant au conseiller fédéral Adolf Ogi, membre de l’Union démocratique du centre, démissionnaire, ce dernier parti propose la candidature de la conseillère d’Etat Rita Fuhrer et du conseiller d’Etat Roland Eberle1124. Il faut six tours de scrutin pour faire élire le bernois Samuel Schmid au Conseil fédéral, ce dernier, membre de l’Union démocratique du centre, ayant été préféré aux candidats officiels1125.

Le 4 décembre 2002, après la démission de la première femme socialiste ayant accédé à notre gouvernement fédéral, Ruth Dreifuss, le parti socialiste propose deux femmes, à savoir la conseillère d’Etat fribourgeoise Ruth Luthi et la conseillère d’Etat genevoise Micheline Calmy-Rey qui sera élue au cinquième tour en totalisant 131 voix contre 68 à la

1120 Altermatt, 1993 p. 65-68. 1121 BO CN 1995 2761. 1122 BO CN 1998 842. 1123 BO CN 1999 619. 1124

Le groupe des Verts propose la conseillère nationale Cécile Bühlmann.

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140 Fribourgeoise. Micheline Calmy-Rey et Ruth Metzler seront les deux femmes à siéger au gouvernement en 20031126.

Nous avons déjà mentionné qu’avec la nouvelle physionomie des chambres depuis le renouvellement du Conseil national et d’une partie du Conseil des Etats, en octobre 2003, la conseillère fédérale démocrate-chrétienne Ruth Metzler s’est vu évincée, dès le 1er janvier 2004, du gouvernement au profit de Christoph Blocher alors que tous les autres conseillers fédéraux en place sont réélus (nos 148, 155 et 198). Nous avons également relevé que le siège vacant laissé à la fin 2003 par Kaspar Villiger n’a pas été repourvu par une femme.

Ainsi, du début de l’année 2004 jusqu’en 2006, l’unique ministre féminine à siéger au Conseil fédéral est la socialiste genevoise Micheline Calmy-Rey, cheffe du Département des affaires étrangères.

Suite à la démission du seul conseiller fédéral démocrate-chrétien depuis la non-reconduction de Ruth Metzler, Joseph Deiss, un siège de notre gouvernement est à repourvoir à la fin du mois de juillet 2006.

Pour la majorité des parlementaires, il est clair que ce poste doit revenir à une femme. Le 14 juin 2006, Doris Leuthard, membre du Parti démocrate-chrétien argovien est élue, au premier tour, avec 133 bulletins portant son nom sur 234 bulletins valables1127.

A l’automne 2007, Micheline Calmy-Rey et Doris Leuthard sont donc les seules femmes à siéger au sein de notre exécutif fédéral.

Concluons brièvement. V. Conclusions

201. Les femmes, sous-représentées dans les conseils législatifs, le sont encore plus au gouvernement fédéral. C’est ce phénomène qui est à la base du lancement de l’initiative des quotas que nous étudierons dans la troisième partie. Avant de passer à cette dernière, répétons que les équilibres géographiques et linguistiques sont bien respectés jusqu’à aujourd’hui et que l’équilibre politique constitue une particularité de notre régime politique.

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BO CN 2002 2192. Lors de cette élection, l’Union démocratique du centre propose à l’Assemblée fédérale, chambres réunies, de choisir son conseiller national Toni Bortoluzzi qui ne sera éliminé qu’après quatre tours, obtenant tout de même 59 voix.

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