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AVANT-PROPOS

I. Le régime parlementaire

5. Approche théorique. Le régime parlementaire se caractérise par le fait que le gouvernement est issu de la majorité du parlement, lequel dispose donc, au moins dans la conception pure du régime, de la prééminence. Le parlement – ou, éventuellement, l’une des Chambres – a la faculté de renverser le gouvernement en lui retirant sa confiance : c’est la responsabilité politique du gouvernement ; cet élément est au cœur de la définition du système

parlementaire. En retour, le gouvernement a la possibilité de dissoudre le parlement5. D’habitude, il y a encore un personnage neutre, appelé chef de l’Etat, qui reçoit les démissions ou les demandes de dissolution, et qui, dans les limites de ses compétences, s’efforce d’harmoniser le dialogue des deux protagonistes6.

La limitation voulue par la séparation des pouvoirs est remplacée par l’alternance entre majorité et opposition et c’est à cette dernière que revient le contrôle du pouvoir7.

Ce système de gouvernement ne constitue pas le résultat de l’application d’une constitution, mais d’une transformation des institutions, théorisée ensuite au dix-neuvième siècle par les juristes et les politologues.

En Grande-Bretagne, dès 1689, les ministres pouvaient être accusés par la Chambre des communes et jugés par la Chambre des lords en cas de crimes, mais comme ni ceux-ci ni les peines n’étaient définis par un texte, la responsabilité pénale des ministres s’est transformée en responsabilité politique. Ainsi, une politique jugée mauvaise a été assimilée à un crime. "A partir du milieu du dix-huitième siècle, la simple menace d’exercer l’accusation suffit à entraîner la démission des ministres et, à la fin du siècle, il n’est même plus nécessaire d’exprimer cette menace et il suffit d’un vote de défiance. La responsabilité politique est née"8.

Ainsi, le régime britannique évolue lentement à partir de la fin du dix-septième siècle pour devenir le premier exemple de régime parlementaire au monde, sans qu’il y ait de constitution

5

Mahon ("Le principe de la séparation des pouvoirs") in Thürer, Aubert, Müller, 2001 p. 1018 no 15.

6

Aubert, 1967a p. 399 no 1060.

7

Mahon ("Le principe de la séparation des pouvoirs") in Thürer, Aubert, Müller, 2001 p. 1018 no 15.

8

4 au sens formel.

Par la suite, en 1791, la France et la Pologne instituent deux régimes parlementaires, puis, en 1809, la Suède met sur pied "la plus ancienne constitution européenne qui parvienne à

l'efficience sur une période probante"9. Elle est en vigueur jusqu'à la révision totale de 1974 et elle établit un régime parlementaire.

Le régime parlementaire est notamment répandu dans la plupart des pays d'Europe

occidentale ainsi qu'au Canada, en Australie, en Nouvelle-Zélande, au Japon et dans l'Union indienne.

La responsabilité politique du Premier ministre ou du gouvernement face au parlement constitue la caractéristique principale du régime parlementaire.

Comme nous l’avons vu, la responsabilité politique diffère des responsabilités civiles et pénales. Elle "est engagée selon une procédure purement politique, c’est-à-dire qu’elle donne lieu à un simple vote par une assemblée. La sanction est alors elle-même politique, c’est l’obligation de démissionner. La responsabilité politique s’analyse donc comme le pouvoir, dont dispose une assemblée, de forcer un ministre à démissionner ou en d’autres termes, comme un pouvoir de révocation"10 à l’encontre d’un ou plusieurs membres du

gouvernement.

Examinons les instruments par lesquels la responsabilité politique est engagée.

La responsabilité peut être mise en jeu soit à l’initiative d’un parlementaire, soit à l’initiative du cabinet. Dans le premier cas, un ou plusieurs parlementaires proposent à leurs collègues le vote d’une ‘motion de censure’. Si ce texte est accepté, le gouvernement a l’obligation de présenter sa démission11. Dans la seconde hypothèse, le cabinet soumet un objet (projet de loi ou déclaration de politique générale ou, encore, programme de législature, etc.) au parlement et menace de démissionner si ce texte n’est pas adopté. On appelle cette technique ‘question de confiance’ parce que le gouvernement demande au parlement de lui manifester sa

confiance en adoptant un texte qu’il juge indispensable à la poursuite de sa politique. La question de confiance est employée comme un moyen de pression lorsque le cabinet estime que le texte qu’il dépose ne sera pas adopté spontanément. Si le parlement repousse la question de confiance, le gouvernement doit démissionner12.

Alternative à la démission, la dissolution est la décision par laquelle la législature d’une assemblée est abrégée.

Le droit de dissolution appartient, selon les cas, au chef de l’Etat ou au gouvernement. Elle s’applique soit à une chambre (Royaume-Uni, Allemagne), soit à deux assemblées (Italie)13. La constitution peut soumettre la dissolution à certaines conditions14.

Aubert résume comme suit le régime parlementaire : "Le gouvernement procède de la majorité du parlement, dont il est une sorte de comité directeur, préposé à la conduite des affaires publiques. Si, sur un point important, il ne trouve plus de majorité qui l’appuie, le gouvernement doit se démettre, ou dissoudre le parlement, et renvoyer les députés devant le corps électoral, dans l’espoir que la nouvelle assemblée lui sera plus favorable"15.

9

Lauvaux, p. 492.

10

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 101.

11

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 102.

12

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 102.

13

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 102.

14

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 103.

15

Il nous semble intéressant de prendre ci-après l’exemple du régime parlementaire allemand. 6. Généralités sur le régime parlementaire en Allemagne. Depuis 1949, la République fédérale d'Allemagne constitue un Etat à structure fédérative qui tire ses sources de la Loi fondamentale du 23 mai 1949. La révision de la Loi fondamentale nécessite l'accord des deux tiers des membres du Bundestag et des deux tiers des voix du Bundesrat.

On ne trouve aucun instrument de démocratie directe au niveau de l'Etat central.

Depuis 1990, la République fédérale d'Allemagne est composée de seize Etats fédérés, les Länder.

L'art. 30 de la Loi fondamentale énonce le principe du partage des compétences entre l'Etat fédéral et les Länder en déclarant ces derniers compétents "à moins que la présente Loi fondamentale n'en dispose autrement". L'art. 31 consacre la force dérogatoire du droit fédéral. L'Etat fédéral représente une démocratie représentative dont les organes sont un président, un parlement bicaméral, un chancelier et son gouvernement ainsi qu'une hiérarchie de tribunaux. Le président fédéral est élu par l'Assemblée fédérale qui "se compose des membres du

Bundestag et d'un nombre égal de membres élus à la proportionnelle par les représentations du peuple dans les Länder"16.

Le président fédéral est un chef d'Etat "de type parlementaire, qui assume des fonctions de représentation mais n'exerce aucun pouvoir effectif"17.

Le parlement comprend le Bundesrat18 et le Bundestag. Le Bundesrat est l'émanation des Länder et, selon Pactet, "on peut à peine parler de bicaméralisme car le Bundesrat est un organe inter-gouvernemental bien davantage qu'une chambre délibérante"19. Le gouvernement de chaque Land nomme entre trois et six membres dans le Bundesrat d'une manière pondérée : trois au moins pour les plus petits Länder, quatre pour ceux de plus de deux millions

d'habitants, cinq pour ceux de plus de six millions et six pour les Länder totalisant plus de sept millions d'individus20. Les voix de chaque Land sont données en bloc : c'est la voix du

gouvernement du Land21. Le gouvernement de chaque Land peut révoquer ses représentants. Le Bundestag représente "l'ensemble du peuple"22. Contrairement aux membres du Bundesrat, ses membres votent sans instruction. La proportionnelle "détermine pratiquement seule la répartition des sièges entre les partis représentés au Bundestag"23 - mais, néanmoins, quelques députés sont élus selon le mode majoritaire. Ces élections s'effectuent avec un quorum de 5% pour chaque parti24. Bien évidemment, cette règle prévaut pour éviter qu'il y ait une multitude de petits partis ne pouvant soutenir le gouvernement, comme cela a joué un rôle fatal au régime de Weimar. Le Bundestag est élu pour quatre ans25, mais la législature peut être abrégée par la dissolution.

Les deux chambres ont des compétences communes pour la révision de la constitution : tout amendement de la Loi fondamentale nécessite une majorité des deux tiers des membres au Bundestag et des deux tiers des voix au Bundesrat26. Les lois qui ont un "contenu fédératif" 27

16

Art. 54 ch. 3 de cette Loi fondamentale.

17

Pactet, 2001 p. 186.

18

Le Bundesrat est inventé en 1867 par Bismarck et repris dans la Constitution du IIème Reich. Il réapparaît en 1919 dans la Constitution de Weimar.

19 Pactet, 2001 p. 185. 20 Art. 51 ch. 2. 21 Art. 51 ch. 3 al. 2. 22 Art. 38 ch. 1 al. 1. 23 Pactet, 2001 p. 181. 24 Pactet, 2001 p. 182. 25 Art. 39 ch. 1 al. 1. 26 Art. 79 ch. 2.

6 doivent être approuvées par le Bundesrat. Par contre, pour le reste de la législation, le

Bundesrat ne peut opposer qu'un veto suspensif. Le Bundesrat, seul, coopère dans certains cas avec le gouvernement fédéral28.

Le Bundestag élit le chancelier et vote les motions de confiance et de défiance envers lui, sans le concours du Bundesrat.

Les autres membres du gouvernement sont "nommés et révoqués par le président fédéral sur proposition du chancelier fédéral"29 et ce dernier "fixe les grandes orientations de la politique et en assume la responsabilité. Dans le cadre de ces grandes orientations, chaque ministre fédéral dirige son département de façon autonome et sous sa propre responsabilité. Le gouvernement fédéral tranche les divergences d'opinion entre les ministres fédéraux. Le chancelier fédéral dirige les affaires du gouvernement selon un règlement intérieur adopté par le gouvernement fédéral et approuvé par le président fédéral"30.

7. Les mécanismes parlementaires allemands. Les rapports entre le Bundestag et le chancelier (et le gouvernement) consacrent les termes de "parlementarisme rationalisé"31.

Le chancelier est, en principe, élu sur proposition du président à la majorité des membres du Bundestag32.

Subsidiairement, si le candidat n'est pas élu, le Bundestag peut élire un chancelier à la majorité des votants33.

Très subsidiairement, "il est procédé (...) à un nouveau tour de scrutin, à l'issue duquel est élu celui qui obtient le plus grand nombre de voix. Si l'élu réunit sur son nom les voix de la majorité des membres du Bundestag, le président fédéral doit le nommer (...). Si l'élu n'atteint pas cette majorité, le président fédéral doit, soit le nommer (...), soit dissoudre le

Bundestag"34.

Par ailleurs, "si une motion de confiance proposée par le chancelier fédéral n'obtient pas l'approbation de la majorité des membres du Bundestag, le président fédéral, peut, sur

proposition du chancelier fédéral, dissoudre le Bundestag (...). Le droit de dissolution s'éteint dès que le Bundestag a élu un autre chancelier fédéral à la majorité de ses membres"35. La Loi fondamentale instaure aussi une motion de défiance dite "constructive" : "Le Bundestag ne peut exprimer sa défiance envers le chancelier fédéral qu'en élisant un

successeur à la majorité de ses membres et en demandant au président fédéral de révoquer le chancelier fédéral. Le président fédéral doit faire droit à la demande et nommer l'élu"36. Une telle motion est "destinée à éviter qu'un gouvernement soit renversé par une conjonction de groupes d'opposition incapables de s'allier pour constituer une nouvelle majorité"37.

27

Lauvaux, 1998 p. 603

28

Voir, par exemple, les art. 37 et 80. En 1992, une révision constitutionnelle est effectuée pour renforcer les compétences du Bundesrat dans la perspective d'un transfert de souveraineté à l'Union européenne (Pactet, 2001 p. 183).

29

Art. 64 ch. 1.

30

Art. 65 al. 1 à art. 65 al. 4.

31

Voir Pactet, 2001 p. 187; Lauvaux, 1998 p. 611.

32 Art. 63 ch. 1 et 2. 33 Art. 63 ch. 3. 34 Art. 63 ch. 4. 35 Art. 68 ch. 1. 36 Art. 67 ch. 1. 37 Pactet, 2001 p. 187.

Deux motions de défiance constructive ont eu lieu. La première, en avril 1972, lorsque le chancelier du parti social démocrate, Willy Brandt, à la tête d'un gouvernement de coalition avec le Parti libéral et disposant d'une très petite majorité - qui, de plus, s'était amenuisée suite à des défections -, s’est heurté à une telle motion du parti chrétien-démocrate. Cette dernière a été repoussée de très peu, ce qui a incité Willy Brandt à convoquer les électeurs à la fin de la même année38.

La seconde a pris place en 1982, lorsque le chancelier Helmut Kohl, du parti chrétien-

démocrate, a été élu suite à un vote de défiance à l'encontre d'Helmut Schmidt, du parti social démocrate, le parti libéral ayant décidé de s'allier à l'autre parti de droite39.

Quelques mois après chacune de ces motions de défiance constructive et en 2005 a été mise en œuvre une motion de confiance suivie d'une dissolution.

En 1972, le chancelier Willy Brandt, très affaibli par la mince victoire de son parti au Bundestag, n'a eu d'autres possibilités que de recourir à l'arbitrage des électeurs. Il a ainsi engagé sa responsabilité politique tout en demandant à ses ministres de voter contre le gouvernement et, de cette manière, il a été battu, pouvant ainsi demander la dissolution au président et en étant certain de l'obtenir40.

En 1982, le chancelier Kohl s’est trouvé dans une situation un peu semblable. En effet, il avait tout intérêt à faire ratifier par les électeurs le renversement d'alliances qui venait de

s'effectuer. Engageant sa responsabilité devant la chambre qui l'avait élu, il a été mis en minorité grâce à un subterfuge : précédemment, il avait demandé à "ses" députés de s'abstenir41.

Le 1er juillet 2005, après que son parti a perdu les élections régionales dans plusieurs Länder, le chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, chef de la coalition avec les Verts, décide de poser la question de confiance au Bundestag pour provoquer des élections anticipées. A ce moment-là, 148 députés sociaux-démocrates ou verts s’abstiennent et, ainsi, la motion de confiance échoue ce qui permettra au président fédéral de dissoudre le Bundestag.

Avec Pactet42, nous critiquons l'aspect artificiel de ces dissolutions. D'une part, ces dernières "traduisent un véritable détournement de procédure dans la mesure où un chancelier disposant d'une majorité au Bundestag (...) est obligé, pour parvenir à ses fins, de demander à cette majorité de s'abstenir ou même de voter contre lui" - ce qui "doit être considéré comme contraire à l'esprit du régime parlementaire" (...). "D'autre part, elles témoignent d'une faille dans la rationalisation des rapports entre le chancelier et le Bundestag car il est anormal (...) que la dissolution ne puisse être utilisée avec plus de facilité alors qu'elle représente un des mécanismes élémentaires du régime parlementaire. A cet égard, il semble que le système allemand soit victime de sa propre sophistication".

Dans l’ensemble, le système politique de la République fédérale d'Allemagne fonctionne cependant bien et permet l'alternance.

38 Pactet, 2001 p. 187. 39 Pactet, 2001 p. 189. 40 Pactet, 2001 p. 187-188. 41 Pactet, 2001 p. 188. 42 2001 p. 188.

8 Passons au régime présidentiel.

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