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L’élection des membres du Conseil fédéral

CHAPITRE II : LA COMPOSITION DU CONSEIL FEDERAL DE 1848 A NOS JOURS

I. L’élection des membres du Conseil fédéral

146. L’organe électeur. Au printemps 1848, lorsqu’il s’agit de désigner l’organe qui élira les conseillers fédéraux, les constituants hésitent entre l’Assemblée fédérale et le corps électoral. Pour finir, par dix voix contre neuf, ils choisissent l’Assemblée fédérale, chambres réunies893 (no 116).

Cette façon de faire se maintient jusqu’à aujourd’hui malgré les nombreuses tentatives de modification dont elle fait l’objet depuis le début de l’Etat fédéral.

147. La procédure de l’élection. La procédure de l’élection des membres du Conseil fédéral est restée à peu près la même depuis 1848.

Les conseils réunis élisent "les membres du Conseil fédéral à la session qui suit le renouvellement intégral du Conseil national"894 ou un ou plusieurs membres du Conseil fédéral "pendant la session qui suit la réception de la lettre de démission du titulaire ou la survenance d’une vacance imprévue"895. Lorsque les chambres (ré)élisent les sept membres de notre exécutif suprême au plan fédéral, on parle de renouvellement intégral ; lorsqu’elles ne font que repourvoir un ou plusieurs sièges pour la fin de la législature du Conseil national, il s’agit au contraire d’un renouvellement partiel.

L’élection a lieu en général le mercredi de la deuxième semaine de la session. Les députés de l’Assemblée fédérale, chambres réunies, votent à bulletin secret896. "Les sièges sont pourvus un par un, par ordre d’ancienneté des titulaires précédents. Les sièges auxquels sont candidats les membres sortants du Conseil fédéral sont pourvus en premier"897.

Est élu le candidat qui réunit sur son nom plus de la moitié des bulletins valables898.

893

Voir l’art. 74 ch. 3 de la constitution du 12 septembre 1848, l’art. 85 ch. 4 de la constitution du 29 mai 1874 et l’art. 168 al. 1 de notre constitution actuelle.

894

Art. 132 al. 1 de la LParl.

895

Art. 133 al 1 de la LParl

896

Art. 130 al. 1 de la LParl.

897

Art. 132 al. 2 de la LParl. La question est réglée de la même façon pour les renouvellements intégraux (art. 132 al. 2 de la LParl) que pour les renouvellements partiels multiples (art. 133 al. 3 de la LParl).

898

Art. 130 al. 2 de la LParl. "Les bulletins blancs et les bulletins nuls ne sont pas pris en compte dans le calcul de la majorité absolue" (Art. 130 al. 3 de la LPArl).

106 "Aux deux premiers tours de scrutin, les députés peuvent voter pour les personnes éligibles de leur choix. A partir du troisième tour de scrutin, aucune nouvelle candidature n’est admise"899.

"Est éliminée toute personne :

a. qui, à partir du deuxième tour de scrutin, obtient moins de dix voix ;

b. qui, à partir du troisième tour de scrutin, obtient le moins de voix, sauf si ces voix se répartissent de façon égale sur plusieurs candidats"900.

148. L’élection du 10 décembre 2003. Etudions les modalités du renouvellement intégral de notre gouvernement fédéral, qui s’est déroulé le 10 décembre 2003, c’est-à-dire au début de la 47ème législature901.

Après le discours d’adieu de l’unique conseiller fédéral démissionnaire, Kaspar Villiger, membre du parti radical, les chambres en arrivent à repourvoir le siège du conseiller fédéral en exercice depuis le plus longtemps ; il s’agit du siège de Moritz Leuenberger, socialiste en place depuis 1995.

Ce magistrat est réélu au premier tour avec 211 voix (sur 234 bulletins valables).

Puis vient le tour de repourvoir le siège de Pascal Couchepin (en fonction depuis 1998 et membre du même parti que Kaspar Villiger). Pascal Couchepin est réélu au premier tour avec 178 voix (sur 230 bulletins valables).

Le troisième siège est celui occupé depuis 1999 par Ruth Metzler, membre du parti démocrate-chrétien ; ce siège est convoité par Christoph Blocher, membre de l’Union démocratique du centre, parti qui est dorénavant mieux représenté aux chambres que le parti de Ruth Metzler. Au premier tour de scrutin, Ruth Metzler et Christoph Blocher obtiennent chacun 116 voix (8 autres voix se répartissant sur divers candidats – la majorité absolue est fixée à 121 voix). Aucun candidat n’ayant obtenu la majorité absolue, on procède à un deuxième tour. Lors de ce dernier, Christoph Blocher obtient 119 voix, Ruth Metzler 117 et diverses personnes 5. La majorité absolue s’élevant à 121 et n’étant toujours pas atteinte, un troisième tour s’impose et on voit Christoph Blocher élu avec 121, Ruth Metzler n’en obtenant que 116 (majorité absolue 119). Ruth Metzler est le premier membre du Conseil fédéral à n’être pas réélu depuis le XIXème siècle. C’est la conséquence du nouvel équilibre des forces après le renouvellement du Conseil national d’octobre 2003.

Le cinquième siège à repourvoir est celui de Joseph Deiss, conseiller fédéral depuis 1999 et membre du parti démocrate-chrétien. Ruth Metzler se porte candidate alors qu’elle n’a été choisie pour la première fois par les chambres pour faire partie de nos sept sages que quelques instants avant Joseph Deiss en 1999. Il s’agit donc d’un duel entre deux conseillers fédéraux sortants et membres du même parti.

Joseph Deiss est élu au premier tour de scrutin par 138 voix contre seulement 96 à Ruth Metzler.

Nous reviendrons sur cette non-reconduction d’un membre du Conseil fédéral en place (no 155) et sur la fin de la formule magique (no 198).

Les cinquième et sixième fauteuils sont repourvus par deux Conseillers fédéraux aussi déjà en fonction, Samuel Schmid (siégeant depuis 2001) et Micheline Calmy-Rey (siégeant depuis 2003) qui, chacun, obtiennent la majorité absolue au premier tour.

899

Art. 132 al. 3 de la LParl.

900

Art. 132 al. 4 in extenso de la LParl.

901

Pour le septième et dernier siège, autrement dit pour remplacer Kaspar Villiger,

démissionnaire, deux tours seront nécessaires : au premier tour, sur 241 bulletins valables, Hans-Rudolf Merz en obtient 115, Christine Beerli 83, Franz Steinegger 16, Fulvio Pelli 11 et diverses autres personnes 16.

Au second tour, sur 239 bulletins valables, Hans-Rudolf Merz reçoit 127 voix et est donc élu (Christine Beerli obtient 96 voix).

La norme susmentionnée (no 147) entraînant que les sièges auxquels sont candidats les membres sortants du Conseil fédéral902 soient repourvus en premier est nouvelle et a peut-être été décisive pour la non-réélection de Ruth Metzler.

En effet, si l’ancien système avait prévalu, le successeur de Kaspar Villiger aurait été choisi en premier. Et, à ce stade, si les chambres avaient désigné Hans-Rudolf Merz, peut-être qu’une réaction aurait vu le jour au parlement voulant conserver une seconde femme au gouvernement ; ainsi, dans cette hypothèse, la conseillère fédérale Ruth Metzler aurait été réélue au détriment de l’autre ministre démocrate-chrétien, Joseph Deiss. Mais ce sont là des hypothèses.

149. L’acceptation de l’élection. Le candidat doit accepter expressément son élection. Il dispose même d’un délai de réflexion.

Aubert relate que Louis Ruchonnnet, en 1875, réfléchit cinq jours avant de renoncer903. Francis Matthey, qui est élu au Conseil fédéral le 3 mars 1993, renonce une semaine plus tard à revêtir cette charge sur demande insistante du parti socialiste auquel il appartient et qui veut voir une femme élue904; Ruth Dreifuss sera désignée à sa place.

150. Les particularités de l’élection. Relevons une spécificité que nous vaut la composition collégiale du Conseil fédéral : lors du renouvellement intégral du gouvernement – et il en va de même lors des élections partielles multiples – chaque siège est soumis à une élection séparée. Il y a donc sept élections d’une personne et non pas une élection, en bloc, de sept personnes.

"Autrement dit, ce ne sont pas des équipes qui s’affrontent, pour emporter tous les fauteuils, mais des personnes qui briguent chacun d’eux, et qui ne formeront une équipe qu’une fois qu’elles auront été élues. Ou encore : le collège gouvernemental ne se constitue pas avant l’investiture, comme dans un régime parlementaire, mais après l’élection. Ce qui signifie qu’aucun conseiller fédéral ne choisit ses compagnons, et que la solidarité qui unira le collège"905 n’est pas fondée sur des affinités antérieures906.

"L’élection séparée, qui ne saurait être abandonnée sans modifier profondément le système, a toutefois révélé à l’usage certains inconvénients. D’abord, il y a des conseillers qui sont mieux élus que d’autres (…)"907; cela peut nuire à la cohésion du gouvernement.

"Ensuite, les votes successifs occasionnent des manœuvres désagréables ; les parlementaires déçus d’un premier résultat sont parfois enclins à tirer de petites vengeances, lorsqu’un autre

902

Art. 132 al. 2 de la LParl.

903

Aubert, 1967a p. 532 no 1486. Louis Ruchonnet sera néanmoins élu au Conseil fédéral en 1881 et y restera jusqu’en 1893. 904 Aubert, 1995 p. 1044 ad 1486. 905 Aubert, 1967a p. 531 no 1484. 906

"Il peut arriver, naturellement, qu’un conseiller en place émette des vœux – dans les coulisses – touchant la désignation de ses futurs collègues" (Aubert, 1967a p. 531 no 1484 note infrapaginale no 3).

907

108 siège est en jeu, avec cette conséquence fâcheuse que des conseillers méritants perdent

injustement des suffrages"908.

L’élection séparée des conseillers fédéraux a pour conséquence que le gouvernement ne change presque jamais de physionomie.

Un renouvellement intégral se concrétise la plupart du temps par l’entrée d’un ou deux nouveaux membres et la reconduction de cinq ou six anciens.

Aubert écrit qu’à part la première élection de sept membres, en 1848, nous n’avons eu que "deux fournées de quatre nouveaux, lors des renouvellements intégraux de décembre 1875 (Joachim Heer, Fridolin Anderwert, Bernard Hammer et Numa Droz), et de décembre 1959 (Jean Bourgknecht, Willy Spühler, Ludwig von Moos et Hans Peter Tschudi"909.

Aubert relève aussi que depuis le début de l’Etat fédéral, lors des renouvellements partiels, il n’y a eu qu’au maximum trois nouveaux conseillers fédéraux à choisir910.

Enfin, de février 1920 à décembre 1928, la composition du Conseil fédéral n’a pas varié911. L’ordre suivant lequel notre parlement élit les magistrats peut se révéler décisif912.

"C’est surtout avant que ne commence l’ère de la formule magique (en 1959) que les élections au Conseil fédéral furent parfois très disputées, et réclamèrent de nombreux tours de scrutin. Dans les premières décennies qui suivirent 1848, plusieurs tours étaient en général

nécessaires, même pour les réélections. A l’occasion du renouvellement du Conseil fédéral, l’Assemblée fédérale, en 1854 et 1864, établit un record, en élisant respectivement le Bernois Jakob Stämpfli et le Genevois Jean-Jacques Challet-Venel au sixième tour de scrutin"913. En 1999 et, respectivement, en 2000, Joseph Deiss914 et Samuel Schmid915 sont élus au Conseil fédéral au sixième tour également.

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