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L’histoire politico-constitutionnelle antérieure à l’année 1798 n’a laissé que peu de traces dans nos institutions de droit public et le point de départ de la genèse du Conseil fédéral est à rechercher dans la philosophie des Lumières et dans la Révolution française de 1789 qui a marqué

indéniablement une rupture.

Nous nous bornerons à présenter, après l’introduction (I) et la description sommaire du seul organe commun à la Confédération d’Etats que forme la Suisse de l’ancien régime, la Diète (II), le pouvoir dans les cantons à Landsgemeinde (III.1) et l’accaparement des organes de l’Etat par de vieilles familles patriciennes ou des corporations dans les autres cantons (III.2). Ensuite viendront les conclusions (IV).

I. Introduction

17. Remarques épistémologiques. A la fin du dix-huitième siècle en Suisse, il n’existe aucune constitution formelle comme nous l’entendons aujourd’hui. Il y a bien un droit constitutionnel au sens matériel, mais les sources des règles fondamentales relatives à l’Etat sont à rechercher dans un enchevêtrement d’alliances, de privilèges royaux, de coutumes, d’usages et de

décisions des autorités85.

Des principes aussi importants que celui de la division entre droit public et droit privé, ou celui de la séparation des pouvoirs ou encore la notion de droit subjectif n'existent pas à cette époque et, par conséquent, il est un peu artificiel de reconstituer la réalité avec des concepts du droit positif moderne86.

Etudions très brièvement le seul organe commun à l’ensemble de la Confédération, la Diète, avant de traiter du pouvoir dans les cantons87.

II. La Diète

18. Composition, compétences et fonctionnement de cet organe. Au niveau confédéral, nous ne trouvons ni parlement ni gouvernement. Le seul organe commun, la Diète88, consiste en une réunion de représentants des treize cantons et, parfois, des alliés.

Ces ambassadeurs sont munis d'instructions89 et, en fait, seules les décisions ayant recueilli l'unanimité sont suivies d'effet dans tous les cantons.

La Diète délibère à huis clos de la politique étrangère et des affaires confédérales90. 85 Peyer, 1978 p. 2. 86 Peyer, 1978 p. 2ss. 87

Les cantons, au nombre de treize depuis 1513, ne sont pas unis par un seul pacte, mais par plusieurs; le plus vieux, conclu entre les cantons d'Uri et de Schwyz et les demi-cantons de Nidwald et d'Obwald, remonte à 1291. Aubert signale que même si aucun pacte ne lie les treize cantons entre eux, il y a, néanmoins, "quelques textes d’application quasi générale" (Aubert, 1967a p. 2 no 2).

Les huit cantons les plus anciens (Uri, Schwyz, Unterwald, Lucerne, Zurich, Glaris, Zoug et Berne) ont une position supérieure par rapport à ceux de Fribourg, de Soleure, de Bâle, de Schaffhouse et d'Appenzell. Les alliés dont, notamment, le Valais, la Ville de Genève, celle de Bienne, celle de Saint-Gall et les Ligues Grisonnes, ne se distinguent parfois qu'avec peine des cinq derniers cantons.

Les baillages sont des colonies. Ils sont soit individuels, c'est-à-dire qu'ils n'appartiennent qu'à un seul canton comme la plus grande partie du pays de Vaud ou l'Ouest de l'Argovie qui sont des propriétés bernoises, soit communs s'ils sont sous la tutelle de plusieurs cantons comme la Thurgovie (voir Aubert, 1967a p. 1-2 nos 1-3).

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Tagsatzung en allemand. Voir Aubert, 1967a p. 2-3 no 4; Aubert, 1975 p. 7-8 no 1; Kölz, 1992a p. 7-8.

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18 D'habitude, le bourgmestre de Zurich la préside depuis la fin du quinzième siècle et a, surtout, des compétences de représentation auprès des puissances étrangères.

Remarquons que, pendant les guerres confessionnelles, il y a même eu deux Diètes, l'une pour les catholiques, l'une autre pour les protestants.

Examinons un peu plus longuement le pouvoir dans les cantons. III. Le pouvoir dans les cantons

1. L’organisation du pouvoir dans les cantons à Landsgemeinde

19. Les Landsgemeinden et les Landammänner. Dans les cantons d’Uri, de Schwyz, d’Obwald, de Nidwald, de Glaris, de Zoug et dans les deux demi-cantons d’Appenzell, le pouvoir suprême est confié à une Landsgemeinde.

Les Landsgemeinden sont historiquement issues des sociétés d'allmends du moyen-âge. Elles représentent le pouvoir suprême des cantons. Les Landsgemeinden légifèrent, déclarent la guerre et la paix, prennent des décisions en matière de finances, et surtout, elles élisent le

Landammann, les juges et autres magistrats91.

Les pouvoirs ne sont pas séparés et, pour participer à la Landsgemeinde ou pour être

Landammann, il faut souvent être propriétaire et bourgeois du canton; les confédérés et les

naturalisés qui ne possédaient aucune propriété foncière ne jouissaient pas des droits politiques92.

A la tête du gouvernement, il y a donc un Landammann93.

Dans le canton de Schwyz notamment, le Landammann préside la Landsgemeinde ainsi que plusieurs commissions formées d'un nombre variable de membres et chargées, chacune, de diriger un secteur d'activités. Hormis la présence du Landammann à la tête du gouvernement, cet exécutif représente une préfiguration du système collégial au sens ancien (no 15)94. 20. Ces Landsgemeinden ne représentent pas de véritables démocraties. Les cantons à

Landsgemeinde sont en fait des démocraties collectives, des démocraties de groupes

(kollektiv- genossenschaftliche Demokratien écrit Kölz95) et non pas des démocraties basées sur l'individu libre et autonome auquel pensent les philosophes des Lumières.

En effet, les citoyens sont insérés au sein d'une famille, d'une lignée ou d'un clan et c'est là que se prennent les décisions. Souvent, ces familles trouvent un consensus entre elles. Les citoyens sont emprisonnés dans la cellule familiale ou communautaire. En raison de ces structures et de l'atmosphère lors des Landsgemeinden, des voix minoritaires ou isolées s'élèvent d'autant moins facilement qu'on y vote à main levée.

De plus, dès le début du 17ème siècle, ces cantons sont aussi touchés par le processus

d'aristocratisation qui s'étend à toute l'Europe: les charges officielles sont dès lors accaparées par quelques "familles spécialisées dans la conduite de l'Etat"96.

Passons aux autres cantons.

90 Aubert, 1967a p. 2-3 no 4. 91 Kölz, 1992a p. 11. 92 Kölz, 1992a p. 10-11. 93 Voir Kölz, 1992a p. 10-11. 94 Reding-Biberegg, 1912 p. 117ss. 95 Kölz, 1992a p. 11. 96

2 L'organisation du pouvoir dans les cantons dominés par de vieilles familles patriciennes ou dirigés par des corporations

21. Ces cantons n’ont pas non plus des institutions démocratiques. Sous l’ancien régime, les cantons de Berne, Lucerne, Fribourg, Soleure et l’allié qu’est Genève sont dominés par de vieilles familles patriciennes tandis que ceux de Zurich, Bâle, Schaffhouse et Saint-Gall, lequel est à la fois un allié et un pays sujet, sont dirigés par des corporations. L’autorité la plus haute est constituée par un Grand conseil élu soit par les membres des familles régnantes soit par ceux des corporations. Le Petit conseil n'en a pas moins une très grande influence sur la composition du Grand conseil. Celui-ci, composé de 60 à 200 membres selon les cantons97, légifère, a le droit de légation passif et actif, prend les décisions les plus importantes en matière gouvernementale (déclaration de guerre ou de paix, alliances, nomination de baillis) et élit le Petit conseil98.

Les Grands conseils siègent à huis clos et peu fréquemment99. Les lois ne sont pas systématiquement publiées100.

Le Petit conseil, formé de 20 à 50 magistrats101 selon le lieu, et emmené par un ou deux

Bürgermeister, est lui-même dirigé par une commission réunissant une partie de ses membres,

le Conseil secret, qui représente pour ainsi dire "'l'esprit' de la conduite de l'Etat"102 et qui fixe les séances du Petit conseil; parfois même, il agit seul.

Le Petit conseil et le Conseil secret se réunissent une fois par semaine. Si dans les cantons de Berne, Lucerne, Soleure, Fribourg, les membres du Petit et du Grand conseil ainsi que du Conseil secret proviennent d'un nombre restreint de familles patriciennes, la cooptation est très fréquente.

Dans les cantons de Zurich, Bâle et Schaffhouse, les corporations choisissent les magistrats. D'ailleurs, les petits conseillers continuent habituellement de faire partie du Grand conseil103. Il s'agit de régimes politiques dans lesquels l'exécutif, c'est-à-dire le Petit conseil et, surtout, le Conseil secret prédominent. Ces deux organes administrent plus qu'ils ne gouvernent, mais ils réussissent néanmoins à mâter toutes les révoltes. Le processus d'aristocratisation évoqué ci- dessus (no 20) touche progressivement aussi bien les cantons à corporations que ceux dominés par des familles patriciennes, même si le phénomène est plus marqué chez ces derniers104. Ces "aristodémocraties"105 constituent en fait des démocraties formelles et oligarchiques.

Nous pouvons encore apporter les conclusions suivantes. IV. Conclusions

22. Faible portée des institutions de l’ancien régime. Ces institutions n'influenceront que très peu les travaux constitutionnels ultérieurs. Certes, les Landsgemeinden demeureront et les petits conseils déteindront un peu sur les Conseils d'Etat des cantons régénérés et, partant, sur 97 Peyer, 1978 p. 108. 98 Kölz, 1992a p. 9. 99 Peyer, 1978 p. 109. 100 Kölz, 1992a p. 16. 101 Peyer, 1978 p. 108. 102

Kölz, 1992a p. 10. Trad. de l'auteur.

103 Kölz, 1992a p. 10. 104 Kölz, 1992a p. 10. 105 Peyer, 1978 p. 146.

20 le Conseil fédéral, mais ne nous y trompons pas : "les institutions de l'Helvétique ont leur histoire et leurs racines en France"106. Examinons donc maintenant les textes élaborés par les révolutionnaires outre-Jura, textes qui auront une grande influence sur notre pays.

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