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CHAPITRE VI : LE REGIME DU PACTE FEDERAL (1815-1848)

I. Introduction au sujet des années 1815-

3. La Régénération dans les cantons

103. Introduction. "L'oeuvre nationale"608 que représente la Régénération commence dans les cantons.

Dès la fin des années 1820, les autorités cantonales manquent de légitimité et deviennent labiles.

Les idées de l'Helvétique et de la révolution française reviennent en force - aussi dans l'inconscient collectif609 -, mais, cette fois, sans l'intervention d'une puissance étrangère. Certaines personnes connues pendant la période révolutionnaire sont encore présentes : Paul Usteri, Albrecht Rengger, Heinrich Zschokke, Samuel Schnell, Philipp Albert Stapfer et, dans une moindre mesure, Peter Ochs et Frédéric-César de La Harpe610. Leurs revendications et celles de leurs jeunes collègues débouchent, peu à peu, sur des réformes institutionnelles des structures politico-sociales de la Restauration.

La Régénération représente avant tout "la victoire des campagnards et de la petite bourgeoisie urbaine sur l'aristocratie des villes"611.

Ainsi, dès 1827, l'abolition de la censure est décrétée dans plusieurs cantons612.

Puis, en juin 1929, dans le canton de Lucerne, le Petit conseil voit sa position juridique améliorée : il est dorénavant formé d'autant de membres provenant de la campagne que de la ville, alors que la composition du Grand conseil reste identique, et se trouve enfin

complètement séparé des tribunaux d'appel613.

Au Tessin, le 4 juillet 1830, c'est-à-dire peu de temps avant l'éclatement de la Révolution de Juillet en France, a lieu une révision totale de la constitution dans le sens voulu par les régénérés et, notamment, par un certain Stefano Franscini, futur conseiller fédéral.

Ainsi, les "Trois Glorieuses" des 27, 28 et 29 juillet 1830 n'ont pas inauguré notre mouvement réformiste, elles n'ont fait que l'accélérer614. Malgré cela, les événements d'outre-Jura ont une influence profonde et durable sur notre vie politique.

Jusqu'au 31 juillet 1831, huit autres cantons (Soleure, Zurich, Saint-Gall, Thurgovie, Argovie, Schaffhouse, Vaud et Berne) régénèrent leur constitution.

Aubert remarque que, presque chaque fois, les choses se passent selon le même canevas : une assemblée populaire menaçante arrache au Grand conseil la promesse de faire élire une constituante qui, une fois élue, rédige un projet de constitution qui est soumis, le cas échéant, à un scrutin référendaire.

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Les socialistes se distinguent par la suite des communistes par leur volonté de maintenir la propriété privée et d'accepter le système politique libéral et démocratique au sens large du terme. D'autre part, ils s'opposent aux anarchistes qui sont favorables à l'abolition de l'Etat.

606 Kölz, 1992a p. 297. 607 Kölz, 1992a p. 299. 608 Aubert, 1967a p. 23 no 46. 609 Kölz, 1992a p. 211. 610 Kölz, 1992a p. 211-212. 611 His, 1929 p. 283. 612 Kölz, 1992a p. 214. 613 Kölz, 1992a p. 214. 614 Aubert, 1967a p. 20 no 40.

104. Présentation générale des constitutions cantonales régénérées. Les cantons de Lucerne, de Bâle-Campagne, de Schaffhouse, d'Argovie, de Thurgovie et de Saint-Gall connaissent l'initiative populaire en matière de révision totale de leur constitution. Cette institution est certainement reprise de la Constitution montagnarde de 1793615.

Tous les cantons régénérés ancrent le principe de la souveraineté populaire dans leur constitution616. Par exemple, l'article 1er de la Constitution du canton de Vaud du 25 mai 1831 énonce "(...) la souveraineté réside dans le peuple..."617 et l'article 1er de la Constitution du canton de Zurich du 10 mars 1831 prévoit : "(...) la souveraineté repose sur l'ensemble du peuple. Elle est exercée selon la constitution par le Grand conseil qui est le représentant du peuple"618.

Par ailleurs, les constitutions régénérées consacrent plusieurs droits fondamentaux, dont le principe d'égalité, la liberté personnelle, la liberté d'établissement, la liberté d'association et de réunion, la liberté religieuse et la liberté de la presse ainsi que la liberté économique et la garantie de la propriété619.

105. Les Grands conseils. Pendant la Régénération, les Grands conseils changent énormément tout en conservant leur nom620.

Ils ont une position supérieure à celle des exécutifs; cela constitue même le point saillant des constitutions de la régénération621. Les gouvernements cantonaux se bornent à exécuter les lois alors que les Grands conseils se vouent principalement à la législation et à la haute- surveillance sur l'administration622.

Les Grands conseils peuvent dorénavant se réunir sans l'intervention des Conseils d'Etat. Dans certains cantons, tous les membres du Grand conseil sont élus directement par le peuple623; d'autres cantons connaissent un mélange d'élections directes des députés au Grand conseil par le corps électoral et la cooptation des autres membres du parlement par les élus624 ; dans le canton de Fribourg, il n'y a aucune élection directe625.

La législature dure entre deux (Thurgovie)626 et quatre ans (Zurich)627, parfois plus; l'élection à vie ne se rencontre plus.

Dans certains cantons (par exemple : Vaud)628, les députés au Grand conseil jouissent de l'immunité; dans la constitution thurgovienne, il est spécifié qu'aucun soldat ne doit se trouver à l'endroit où se déroule la session du Grand conseil629.

Tous les membres des Grands conseils disposent de l'initiative des lois630.

A Saint-Gall et en Thurgovie, le Grand conseil peut déférer les membres de l'exécutif à un tribunal pour des délits ou des crimes en relation avec leur fonction. Cette responsabilité 615 Kölz, 1992a p. 308-309. 616 Kölz, 1992a p. 303. 617 Kölz, 1992b p. 305. Trad. de l’auteur. 618 Kölz, 1992b p. 291. Trad. de l’auteur. 619 Kölz, 1992a p. 320ss. 620 His, 1929 p. 277. 621 Kölz, 1992a p. 357. 622 Voir His, 1929, p. 310. 623

Article 45 de la constitution saint-galloise du 1er mars 1831 et article 39 de la constitution thurgovienne du 14 avril 1831.

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Article 33 de la constitution du canton de Zurich.

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Article 24 de la constitution du canton de Fribourg.

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Article 41 de la constitution du canton de Thurgovie.

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Article 37 de la constitution du canton de Zurich.

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Article 30 de la constitution du canton de Vaud.

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Article 44 de la constitution du canton de Thurgovie.

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74 pénale des magistrats fait pour la première fois son apparition en Suisse et est sans doute reprise d'une constitution révolutionnaire française631.

Par ailleurs, les Grands conseils élisent leur président et vice-président, tous les membres de l'exécutif et les membres des tribunaux supérieurs632.

106. Les exécutifs cantonaux. Les exécutifs cantonaux ne s'appellent plus toujours "Kleiner

Rat" (Petit conseil)633, mais parfois "Staatsrat" (Conseil d'Etat)634 ou Regierungsrat (Conseil exécutif)635. Dans les cantons de Vaud et de Genève, on les nomme dorénavant Conseil d'Etat636 et, au Tessin, Consiglio di Stato (Conseil d'Etat)637.

Les gouvernements des cantons régénérés sont composés de 7 à 19 membres638 et élus pour une durée déterminée au système majoritaire par les membres des Grands conseils639. Ces derniers élisent les conseillers d'Etat soit parmi eux (exemple : Soleure), soit librement parmi tous les citoyens640 (exemple : Fribourg). La plupart du temps, les conseillers d'Etat issus du Grand conseil démissionnent de ce dernier641 - comme en Thurgovie et contrairement à ce qui se passe à Soleure.

Tous les exécutifs cantonaux sont composés collégialement, mais leur organisation diffère de l'un à l'autre; ils fonctionnent soit selon le système collégial au sens ancien soit selon le régime départemental.

En 1831, Saint-Gall change le premier de système et adopte le système départemental; Bâle- Campagne suit en 1832; Berne fait de même en 1846 et Genève en 1847642. En 1848, comme nous le savons, ce système est repris pour le Conseil fédéral.

Le système départemental vaut aussi un traitement aux magistrats qui, dès lors, sont plus indépendants (dans le système collégial au sens ancien, les magistrats ne travaillent pas à plein temps et ne sont pas rémunérés)643.

En ce qui concerne l'équilibre des autorités dans les cantons régénérés, les parlements sont relativement forts par rapport à des gouvernements relativement faibles.

107. Glissement d’une constitution cantonale vers le régime parlementaire ? Synthétisant toutes ces informations, Kölz se pose d'une façon très pertinente la question de savoir pourquoi aucun régime cantonal n'évolue vers un système parlementaire. Il donne deux explications : d'abord, il constate que dans aucun Etat proche de la Suisse n'existe, à cette époque, un régime parlementaire, ou du moins aucun qui fonctionne bien.

En France prévaut le régime parlementaire dualiste644 où le gouvernement dépend non seulement du parlement, mais aussi du roi.

En Grande-Bretagne, ce n'est qu'à partir de 1834 que le roi n'a plus les moyens d'imposer un Premier ministre minoritaire à la Chambre des Communes et que, par conséquent, le

gouvernement émane uniquement de celle-ci. 631 Voir Kölz, 1992a p. 350. 632 Kölz, 1992a p. 350. 633

La constitution thurgovienne du 14 avril 1831 maintient cette dénomination (art. 77).

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Par exemple : art. 52 de la constitution du canton de Fribourg du 24 janvier 1831 (Voir Kölz, 1992b p. 316).

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Par exemple : art. 53 de la constitution zurichoise du 10 mars 1831 (Voir Kölz, 1992b p. 291).

636

His, 1929 p. 311.

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Art. 23 de la constitution du 23 juin 1830. Le texte de cette constitution se trouve chez Kölz, 1992b p. 243).

638 His,1929 p. 311. 639 Kölz, 1992a p. 358. 640 Kölz, 1992a p. 356. 641 Kölz, 1992a p. 356-357. 642 His, 1929 p. 312; Kölz, 1992a p. 359. 643 Voir Kölz, 1992a, p. 359-360. 644

La seconde explication de Kölz est que dans un régime parlementaire, il doit y avoir

forcément un chef, un Premier ministre et qu'une telle concentration de pouvoir est mal vue des libéraux qui ont souffert des abus de pouvoir des Landammänner, des bourgmestres et des

Schultheissen du temps de la Restauration645.

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