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AVANT-PROPOS

III. Le régime politique suisse

14. Le caractère directorial. Comme nous l'avons mentionné, le régime directorial qui prévaut en Suisse au niveau fédéral, et dans les vingt-six cantons avec quelques différences, forme une catégorie sui generis.

Certains auteurs le nomment parfois "collégial" au lieu de "directorial", parce que, dans les rares illustrations de ce paradigme qu'ils rencontrent, tous les membres du gouvernement sont sur pied d'égalité76.

D'autres auteurs, plus nombreux77, qualifient le système suisse de "régime d'assemblée" insistant sur le fait que le parlement "désigne et contrôle le Conseil fédéral, et que pourtant celui-ci est indépendant"78. Mais Duhamel relève que "l'Assemblée fédérale ne siège que de 72 Pactet, 2001 p. 231. 73 Pactet, 2001 p. 235. 74 Pactet, 2001 p. 235. 75 Aubert, 1967a p. 399 no 1059. 76

Voir Aubert, 1967a p. 400 no 1062, qui estime aussi que "collégial" est inadéquat en ce sens. Pour le sens que nous donnons à ce terme, voir no 15.

77

Burdeau, Hamon, Troper, 1999 p. 98-99; Duhamel, 2000 p. 240-241; Gicquel, 1991 p. 347.

78

façon intermittente. Le Conseil fédéral dirige en fait les affaires du pays. Ses membres, élus pour quatre ans, sont reconduits"79.

Cet éminent constitutionnaliste veut dire que si formellement notre régime est d'assemblée, la pratique est différente. L'expression "régime d'assemblée" nous semble donc aussi inadéquate et nous maintenons celle de "régime directorial".

Etymologiquement, cette locution est également très appropriée : notre régime constitutionnel a été très fortement marqué par la constitution de l'An III, dite aussi "constitution

directoriale", qui institue un parlement bicaméral et un exécutif collégial - nous entendons par ce mot, un gouvernement d'égaux -, "dont les membres sont individuellement désignés par le parlement et qui agissent sous son contrôle, sans qu'il dispose pour autant, d'après les textes, d'un pouvoir de révocation"80.

Le régime directorial institue un gouvernement, habituellement collégial, qui n'encourt aucune responsabilité politique devant le parlement, mais qui "est tenu en dernière instance d'opérer dans le plan"81 de celui-ci. Il prévoit un pouvoir d'instruction82 du parlement sans qu'il n'y ait subordination pure et simple du gouvernement. Les deux organes sont habitués de longue date à coopérer, même s'ils n'ont pas toujours les mêmes opinions.

Que se passe-t-il si un désaccord survient entre les chambres fédérales et le gouvernement? Celui-ci ne démissionne pas mais modifie sa politique dans le sens voulu par l'Assemblée fédérale. S'il n'opère aucun changement, celle-ci pourrait refuser systématiquement le budget ou les projets de lois élaborés par lui. Au lieu de parler "d'une logique de soumission, peut- être vaut-il mieux parler d'une logique d'auto-limitation"83 ou, comme l'indique Duverger, d'une "forme spéciale de collaboration des pouvoirs"84!

15. Le caractère collégial. Le second trait spécifique du Conseil fédéral réside dans sa composition collégiale. La collégialité existe bel et bien à l'étranger, mais elle revêt ici une autre signification : elle implique que tous les membres du gouvernement doivent se conformer aux décisions prises, même s'ils ont une autre opinion.

L'art. 177 al. 1 de la Cst. dispose que notre gouvernement "prend ses décisions en autorité collégiale". Le Conseil fédéral est composé d'une manière collégiale, c'est-à-dire que ses sept membres sont égaux en droit, sous réserve du président qui peut avoir la primauté dans certains cas. Cet article n'admet point de chef comparable au président des Etats-Unis d'Amérique ou à un Premier ministre dans les régimes parlementaires. Les décisions sont prises en commun. Aucun de ses membres ne peut nommer, instruire ou révoquer ses collègues. Voilà ce que représente la collégialité en droit suisse; elle s'entend autant avant qu'après la prise de décision; à l'étranger, cette notion n'implique pas l'égalité.

La collégialité au sens ancien - dans laquelle nous retrouvons une troisième acception de ce terme - désigne un autre mode d'organisation d'un gouvernement d'égaux. Les magistrats se scindent dans diverses commissions qui ont chacune pour tâche de diriger un secteur

d'activité. Ces commissions sont donc composées de quelques membres du gouvernement et il y a autant de commissions que de domaines à gérer. Cependant, les décisions les plus

importantes doivent tout de même être prises par le gouvernement in corpore. Ainsi, les

79

Duhamel, 2000 p. 240.

80

Grewe et Ruiz Fabri, 1995 p. 380.

81

Lauvaux, 1998 p. 180-181.

82

Lauvaux nous apprend que le sens originel du mot "directoire" est "instruction" (Lauvaux, 1998 p. 181).

83

Grewe et Ruiz Fabri, 1995 p. 381.

84

14 membres du collège prennent certaines décisions ensemble et participent individuellement à une ou à plusieurs commissions qui dirigent un secteur d'activité déterminé.

16. Le caractère départemental. Le Conseil fédéral est aussi organisé selon le système départemental qui veut que le collège in corpore prenne les décisions les plus importantes et que chaque magistrat dirige, en plus, un secteur d'activités. Il signifie que les sept conseillers fédéraux sont individuellement chef d'un département et ont ainsi une position double : d'une part, ils sont chacun membre de l'autorité exécutive suprême et prennent, à ce titre, les décisions les plus importantes; d'autre part, ils dirigent chacun un des sept départements. L’article 177 Cst. consacre le régime départemental. Son alinéa 2 dispose que "pour la

préparation et l'exécution des décisions, les affaires du Conseil fédéral sont réparties entre ses membres par département". L'alinéa 3 de cet article prévoit que "le règlement des affaires peut être confié aux départements ou aux unités administratives qui leur sont subordonnées; le droit de recours doit être garanti".

Les particularités principales de notre régime politique et du Conseil fédéral ayant été

sommairement décrites, passons au cœur de notre sujet, à savoir, l’histoire de la composition du gouvernement suisse, en commençant par la genèse du Conseil fédéral.

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