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CHAPITRE III : EQUILIBRE DES DIVERSES COMPOSANTES DE LA SUISSE

I. Equilibre géographique

185. Les conseillers fédéraux zurichois. Le canton de Zurich a un représentant au Conseil fédéral de 1848 à 1989, sans interruption, bien que, à diverses reprises, son siège se soit vu remis en question1078. C'est l'affaire "Kopp" qui coûtera ce siège aux Zurichois.

Depuis 1995, Zurich a de nouveau un représentant en la personne du socialiste Moritz Leuenberger et en a même un second depuis le début de l’année 2004 ; il s’agit de Christoph Blocher, de l’Union démocratique du centre.

Zurich est ainsi le premier canton à avoir simultanément deux conseillers fédéraux depuis l’abrogation par le constituant de la clause cantonale en février 1999.

Les deux premiers conseillers fédéraux socialistes proviennent de Zurich - il s'agit d'Ernst Nobs (1944-1951) et de Max Weber (1952-1954). Lors de l'introduction de la formule

magique, en 1960, un des deux socialistes, Willy Spühler (1960-1970) représente le canton le plus peuplé de Suisse au gouvernement. Puis suivent quatre radicaux : Ernst Brugger (1970- 1978), Fritz Honegger (1978-1982), Rudolf Friedrich (1983-1984), Elisabeth Kopp (1984- 1989) et, actuellement, comme il a été relevé, un socialiste et un membre de l’Union démocratique du centre.

186. Les conseillers fédéraux bernois. Le canton de Berne a toujours eu un représentant au Conseil fédéral de 1848 jusqu'en 1979.

En 1988, Adolf Ogi, membre de l’Union démocratique du centre, reconquiert le siège bernois qu'occupe depuis 2001 Samuel Schmid – inscrit au même parti qu’Adolf Ogi.

En 1979, la section bernoise de l'Union démocratique du centre charge Werner Martignoni de briguer le siège de ce canton au Conseil fédéral. Toutefois, le groupe de ce parti aux chambres fédérales décide de proposer une double candidature au gouvernement fédéral; en effet, la votation interne au parti donne une égalité de voix entre le candidat bernois et un autre candidat, le Grison Léon Schlumpf (1980-1987)1079.

Et l'Assemblée fédérale, chambres réunies, choisit, au premier tour, le candidat de la Suisse orientale.

1078

Altermatt, 1993 p. 53.

1079

128 Aucun ressortissant du Jura bernois n’a jamais été membre du Conseil fédéral.

De 1848 à 1929, tous les magistrats bernois sont membres du parti radical.

Mais, dès 1930, date du début de la présence du parti des artisans et bourgeois à l’exécutif fédéral, tous les conseillers fédéraux bernois appartiennent à ce parti, devenu l'Union démocratique du centre. Il s'agit de Rudolf Minger (1930-1940), Eduard von Steiger (1941- 1951), Markus Feldmann (1952-1958), Friedrich Traugott Wahlen (1959-1965), Rudolf Gnägi (1966-1979), Adolf Ogi (1988-2001) et, enfin, Samuel Schmid (dès 2001).

Tout cela suggère à Altermatt1080 "que l'Assemblée fédérale, aujourd'hui comme hier, est disposée à reconnaître le poids des grands cantons, en les honorant d'une élection au Conseil fédéral, mais sans faire de cette pratique un dogme intouchable".

187. Les conseillers fédéraux vaudois. Le canton de Vaud a constamment eu un représentant au Conseil fédéral depuis 1848, sauf entre 1876-1880, 1945-1947, 1967-1973 et dès 1998. Ces interruptions sont causées, selon les termes d'Urs Altermatt, par des "situations exceptionnelles"1081.

En 1875, les Vaudois sont brouillés avec les autres Romands suite aux deux votations sur la révision totale de la constitution fédérale, en 1872 et en 1874.

Ainsi, jusqu'en 1881, le Neuchâtelois Numa Droz (1876-1892) est le seul latin au sein du gouvernement.

En 1944, le chef du Département politique, Pilet-Golaz (1929-1944) - qui avait fait, le 25 juin 1940, un discours contesté et mal reçu par le peuple suisse -, après avoir échoué dans sa tentative de renouveler les relations diplomatiques avec l’Union des républiques socialistes soviétiques, doit démissionner1082.

Il est remplacé par le Neuchâtelois Max Petitpierre (1945-1961).

En 1966, Paul Chaudet, au Conseil fédéral depuis 1955, est contraint de quitter le

gouvernement suite à l'affaire des mirages ; le Tessinois Nello Celio (1967-1973) le remplace. Vaud reconquiert son siège avec l'entrée au Conseil fédéral de Georges-André Chevallaz (1974-1983), suivi de Jean-Pascal Delamuraz (1984-1998) qui démissionne pour des raisons de santé.

Depuis lors, aucun Vaudois ne siège dans l'exécutif fédéral et, pour la première fois, l'absence d'un représentant de ce canton n'est pas provoquée par des circonstances exceptionnelles. Tous les conseillers fédéraux vaudois étaient membres du Parti radical.

188. Les conseillers fédéraux tessinois. Le canton du Tessin est représenté au Conseil fédéral de 1848 à 1864 par Stefano Franscini (1848-1857) et par Giovanni Battista Pioda (1857- 1864).

Ensuite, et pour longtemps, aucun Tessinois ne siège parmi les sept sages. Cela,

essentiellement, pour deux raisons. D'abord parce que les conservateurs-catholiques sont majoritaires à Bellinzone et qu'il faut être radical pour siéger à Berne, cela jusqu'en 1891 en

1080 Altermatt, 1993 p. 53. 1081 Altermatt, 1993 p. 53. 1082

Altermatt, 1993 p. 369. "(...) Les Russes rompirent brusquement les contacts en exigeant publiquement, le 4 novembre 1944, que le gouvernement suisse – qui selon eux, avait mené à l’égard de l’URSS une politique profasciste – désavoue ses positions".

Dans le fameux discours, Pilet-Golaz avait défendu une politique de compromis avec le troisième Reich, notamment dans le domaine du commerce et de la finance (Altermatt, 1993 p. 89).

tout cas. Ensuite, parce que les relations entre le canton italophone et les autorités fédérales sont tendues à cette époque1083.

C'est seulement en 1912 qu'un troisième Tessinois devient conseiller fédéral en la personne de Giuseppe Motta (1912-1940). Ce dernier, décédé en 1940, est remplacé par Enrico Celio (1940-1950), lui aussi Tessinois, qui occupe son siège au Conseil fédéral jusqu'en 1950. Ces deux élections ont une signification nationale vu le contexte politique général et "favorisent les relations entre groupes linguistiques"1084.

Durant la seconde moitié du siècle, trois Tessinois siègent au Conseil fédéral d'une manière discontinue : Giuseppe Lepori (1955-1959), Nello Celio (1967-1973) et Flavio Cotti (1987- 1999). Depuis le 30 avril 1999, le Tessin n'est plus représenté au sein des sept sages. Tous les conseillers fédéraux tessinois depuis Giuseppe Motta sont membres du parti démocrate-chrétien (ou d'un ancêtre de ce dernier), sauf Nello Celio (1967-1973) qui est radical.

Nous pouvons constater que l'usage veut que le canton du Tessin n'ait pas en permanence un représentant au Conseil fédéral. Certains le déplorent, mais la population de ce canton ne représentant qu’à peine le 5% de la population résidente en Suisse, il nous semble que cette situation est équitable.

189. Les conseillers fédéraux latins ni vaudois ni tessinois. Comme déjà relevé, c'est

uniquement entre 1876 et 1881 qu'il n’y a qu’un seul latin au Conseil fédéral - le Neuchâtelois Numa Droz.

Hormis cette période, nous trouvons soit deux Romands, soit un Romand et un Tessinois ou, même, deux Romands et un Tessinois.

Du 12 juin 1913 au 12 février 1920, Felix Calonder, originaire des Grisons et dont la langue maternelle est le romanche, siège au Conseil fédéral. Ainsi, de 1917 à 1920, il y a quatre conseillers fédéraux latins.

Cela nous amène à devoir résoudre une question préjudicielle. Dans les cantons bilingues de Berne, Fribourg, du Valais ou des Grisons (trilingue!), faut-il considérer comme latin un conseiller fédéral parlant le dialecte suisse-alémanique comme langue maternelle? A l’évidence, non. Et s’il est bilingue, sur quel critère établir son appartenance linguistique ? Il nous semble judicieux de statuer de cas en cas et de tenir compte de quatre facteurs : a) la langue parlée avec la mère, le père et la famille ;

b) la langue dans laquelle s’est effectuée la scolarité ;

c) la langue de la commune ou de la circonscription dans laquelle le futur conseiller fédéral a commencé en politique.

d) la langue officielle de sa résidence de fait.

Si ni le français ni l’allemand ne semble prédominer, il nous paraît indiqué de penser que la personne est bilingue.

Tous les conseillers fédéraux bernois sont alémaniques ; les Fribourgeois Jean-Marie Musy (1920-1934) et Jean Bourknecht (1960-1962) sont romands, alors que Joseph Deiss (1999- 2006) est bilingue. 1083 Altermatt, 1993 p. 62. 1084 Altermatt, 1993 p. 61-62.

130 Le Valaisan Josef Escher (1950-1954) est alémanique alors que Roger Bonvin (1962-1973) et Pascal Couchepin, élu en 1998 et encore en fonction, sont romands.

En plus de Felix Calonder, les Grisons comptabilisent deux autres conseillers fédéraux, Simeon Bavier (1879-1883) et Leon Schlumpf (1980-1987), qui sont alémaniques.

Au dix-neuvième siècle, nous trouvons systématiquement avec un Vaudois, un Neuchâtelois ou un Genevois - mais jamais un représentant du canton de Fribourg ou du Valais, ces deux derniers cantons ayant appartenu au Sonderbund.

Au vingtième siècle, c'est le canton de Neuchâtel qui compte le plus de conseillers fédéraux parmi les cantons latins ni vaudois ni tessinois parce que, dans le pays de Genève, aucun parti n'a le poids politique nécessaire1085.

Ainsi, après le retrait de Gustave Ador, en 1919, plus d'un demi-siècle se passe sans aucun Genevois. Mais ce canton a, dès 1993, de nouveau un représentant parmi les sept sages, Ruth Dreifuss (1993-2002) puis Micheline Calmy-Rey (dès 2003).

A l’heure où nous écrivons ces lignes, deux Romands, mais aucun Vaudois, siègent au Conseil fédéral - il s'agit de Pascal Couchepin, Valaisan, en fonction depuis 1998, et de Micheline Calmy-Rey, dont nous venons de parler.

Pascal Couchepin est le premier radical valaisan à accéder au poste de conseiller fédéral alors que ses prédécesseurs valaisans faisaient tous partie du parti démocrate-chrétien ou d'un des ancêtres de ce dernier.

Le seul canton latin à n'avoir jamais eu de conseiller fédéral est celui du Jura qui, sans conteste, est un cas particulier puisqu'il n'est entré dans la Confédération qu'en 1979.

C’est dans le canton de Neuchâtel que le rapport entre le nombre de conseillers fédéraux et la population résidente est le plus élevé.

Ce canton a fourni trois des onze conseillers fédéraux socialistes [Pierre Graber (1970-1978), Pierre Aubert (1978-1987) et René Felber (1988-1993)] et ces trois magistrats ont toujours dirigé notre politique étrangère.

190. Les conseillers fédéraux de la Suisse nord-occidentale. Cette partie de la Suisse comprenant les cantons de Bâle, de Soleure et d’Argovie, est représentée gouvernement fédéral de 1848 à 1911, de 1912 à 1947 et de 1960 à 19951086.

Parfois, même, deux conseillers fédéraux proviennent de ce même bassin. Actuellement, la Suisse nord-occidentale ne compte aucun conseiller fédéral.

Notons que parmi ces cantons, c'est celui de Soleure qui totalise le plus de conseillers fédéraux, à savoir six [Josef Munzinger (1848-1855), Bernhard Hammer (1876-1890), Hermann Obrecht (1935-1940), Walther Stampfli (1940-1947), Willi Ritschard (1974-1983) et Otto Stich (1984-1995)] - alors que le canton d'Argovie, deux fois plus peuplé, n'en compte que cinq ! [Friedrich Frey-Herosé (1848-1866), Emil Welti (1867-1891), Edmund Schulthess (1912-1935), Hans Schaffner (1961-1969) puis Doris Leuthardt (depuis 2006)] et que les deux Bâles n'en ont que trois [Emil Frey (1891-1897) de Bâle-Campagne, Ernst Brenner (1897-1911) et Hans Peter Tschudi (1960-1973) de Bâle-Ville].

Cela s'explique par le fait que le canton de Soleure n’a pas fait partie du Sonderbund, bien que catholique, et qu'il est donc facile d'y trouver des radicaux qui ne sont pas protestants.

D'ailleurs, sur treize conseillers fédéraux de cette partie de la Suisse, dix appartiennent au parti radical et trois au parti socialiste, mais aucun n'est un adhérent du parti démocrate- chrétien ou de l'Union démocratique du centre.

1085

Altermatt, 1993 p. 56.

1086

Les trois magistrats socialistes sont Hans Peter Tschudi de Bâle-Ville, Willi Ritschard et Otto Stich, tous les deux de Soleure.

191. Les conseillers fédéraux de la Suisse orientale. Sauf entre 1960 et 1972, on trouve toujours au moins un conseiller fédéral d'un des cantons de Schaffhouse, de Thurgovie, d’Appenzell Rhodes-Extérieures, d’Appenzell Rhodes-Intérieures, de Saint-Gall, de Glaris ou des Grisons, parfois même deux.

Le canton des Grisons est représenté au Conseil fédéral par Simeon Bavier (1879-1883), Felix Calonder (1913-1920) et Léon Schlumpf (1980-1987); seul le second est d'origine rhéto- romanche et aucun des deux autres ne provient d'une région italophone1087.

C'est Saint-Gall, avec ses cinq conseillers fédéraux, qui est le mieux représenté [Wilhelm Matthias Näff (1848-1875), Arthur Hoffmann (1911-1917), Karl Kobelt (1941-1954), Thomas Holenstein (1955-1959) et Kurt Furgler (1972-1986)].

De 1987 à 1999, c'est Arnold Koller, Appenzellois des Rhodes-Intérieures, qui occupe le fauteuil généralement dévolu à la Suisse orientale. Puis de 1999 à 2003, l'Etat fédéré le moins peuplé de Suisse est de nouveau représenté au Conseil fédéral en la personne de Ruth Metzler, troisième femme qui accède au Conseil fédéral et qui n’est pas réélue le 10 décembre 2003. Le canton de Glaris a eu un représentant au gouvernement fédéral de 1876 à 1878 en la personne de Joachim Heer.

Le conseiller fédéral Hans-Rudof Merz, radical d’Appenzell Rhodes-Extérieures, est membre du Conseil fédéral depuis le 1er janvier 2004.

Tous les conseillers fédéraux de Suisse orientale appartiennent soit au parti radical soit au parti démocrate-chrétien, le Grison de l'Union démocratique du centre Léon Schlumpf faisant exception.

192. Les conseillers fédéraux de la Suisse centrale. Parmi les sept premiers conseillers fédéraux, aucun ne représente la Suisse centrale – cet ensemble comprenant, ici, les cantons d’Uri, Schwyz, Obwald, Nidwald, Lucerne et Zoug.

Uri, Schwyz et Nidwald n'ont d’ailleurs jamais eu de ministre fédéral; Obwald s'est vu représenté de 1960 à 1971 par Ludwig von Moos et Zoug de 1934 à 1959 par Philipp Etter et de 1974 à 1982 par Hans Hürlimann, tous trois démocrates-chrétiens.

Constatons aussi que sur les huit conseillers fédéraux de la Suisse centrale, cinq proviennent du canton de Lucerne [Josef Martin Knüsel (1855-1875), Josef Zemp (1892-1908), Josef Anton Schobinger (1908-1911), Alphons Egli (1983-1986) et Kaspar Villiger (1989-2003)], deux de Zoug et un d'Obwald et que, exceptés Josef Martin Knüsel et Kaspar Villiger, tous les autres magistrats sont démocrates-chrétiens.

Nous ajouterons enfin que le canton de Schwyz est le plus grand canton - du point de vue démographique - à ne compter aucun conseiller fédéral.

Actuellement, la Suisse centrale n’a aucun conseiller fédéral. Examinons succinctement l’équilibre religieux et confessionnel.

1087

132 II. Equilibre religieux et confessionnel

193. La religion ou la confession des conseillers fédéraux. Nous examinerons très brièvement cette question qui revêt une grande importance au début de l'histoire de l'Etat fédéral, mais qui a perdu "progressivement de sa force explosive"1088.

En 1848, parmi les sept magistrats, deux sont de confession catholique (Josef Munzinger et Stefano Franscini) et, par la suite, s'instaure la formule de cinq protestants et de deux catholiques1089.

Elle entraîne une sous-représentation catholique et, en plus, pendant le Kulturkampf, elle n’est même pas toujours respectée.

En 1891, avec la fin de l'hégémonie radicale et l'entrée d'un représentant conservateur- catholique au Conseil fédéral, la question confessionnelle s'apaise.

Cette tendance est encore renforcée, en 1920, avec l'arrivée d'un second représentant de ce parti.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, la sécularisation progressive fait définitivement de la confession une question secondaire.

Remarquons néanmoins que Ruth Dreifuss, conseillère fédérale de 1993 à 2003, a une ascendance juive1090.

Etudions l’équilibre entre les divers partis politiques qui constitue une des particularités de notre système politique.

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