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Chapitre IV. Culture chinoise et interculturel. Entre tradition et modernisation, patriotisme et

3. La réciprocité d’ouverture : de la Chine vers le monde, du monde vers la Chine

En faisant un petit tour sur la méritocratie, le patriotisme exacerbé et l’enseignement pour l’examen, et en analysant le besoin pédagogique du public, j’ai essayé de mesurer le poids de la culture chinoise sur l’apprentissage et son éventuelle fermeture sur elle-même. Je passe maintenant à la réforme actuelle de la Chine qui, malgré une forte empreinte économique, favorise une ouverture vers le monde, ce qui est fondamental dans l’optique de l’interculturel. Aucun parti pris idéologique, tant il est possible, et ni aucune prise de position dans cette partie concernant la conjoncture politique de la Chine actuelle, je présente simplement le fait de la façon la plus objective possible en vue de clarifier son lien avec l’interculturel.

Pour la Chine, la fameuse politique à quatre caractères 改革开放 (gai gekai fang), « La politique de réforme et d’ouverture » lancée par Deng Xiaoping27,lors du Troisième Plénum (du 11e Comité central du PCC) en décembre 1978, constitue un jalon historique. Dans la mémoire collective des Chinois, cette politique représente toujours et jusqu’à aujourd’hui, un moment charnière du destin du pays. C’est une réforme du système économique marquée par la décollectivisation de l’agriculture et la démolition de la planification centralisée de type soviétique dans l’industrie. C’est le début de la transition vers une économie de marché.

Je ne veux pas expliquer en détail cette politique, mais je voudrais signaler que c’est également le commencement d’une vraie ouverture vers le monde extérieur sur le plan économique, après la fondation de la République populaire de Chine depuis 1949.À titre d’exemple d’ouverture, sous l’impulsion de cette politique, la Chine a créé, en 1979, les quatre premières Zones Économiques Spéciales (ZES) dans les provinces du Guangdong et du Fujian afin d’attirer les investisseurs étrangers via une fiscalité avantageuse et une régulation permissive. Ensuite, une dizaine de villes côtières furent ouvertes aux pays étrangers. Juste en

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Deng Xiaoping (1904-1997) a été le secrétaire général du PPC de 1956 à 1967 et plus tard le numéro 1 de la République populaire de Chine, de décembre 1978 à 1992. Il a été surnommé « le père des réformes chinoises ».

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quelques années, Shenzhen, à la fois ville de la province du Guangdong et ZES, s’est transformée en « atelier du monde ». Cette mégapole, qui s’est spécialisée dans les nouvelles technologies, est désormais considérée comme la « SiliconValley chinoise ». C’est également grâce à cette politique que la Chine a obtenu son entrée dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC), en 2001. C’est une étape primordiale qui permet à la Chine d’accroître ses échanges avec les pays étrangers. On remarque que de nombreuses multinationales étrangères s’installent en Chine, attirées notamment par le gigantesque marché.

Cette politique de réforme et d’ouverture a entraîné une croissance économique rapide. C’est un tournant décisif qui permet à un pays pauvre et isolé de devenir une superpuissance économique, la deuxième puissance économique mondiale, juste en l’espace d’environ quelques décennies. L’émergence de la Chine sur la scène internationale est de plus en plus évidente. Je présente ces faits dans leur dimension historique de façon à signaler le bénéfice qu’a apporté un vrai échange et une véritable ouverture de la Chine avec le monde extérieur. Il n’est donc pas étonnant de remarquer que le gouvernement chinois a organisé une grande cérémonie de célébration en décembre 2018 pour fêter le 40e anniversaire de cette politique, en reconnaissant son énorme contribution pour le développement du pays. Le contact interculturel avec l’altérité est, dans ce sens, devenu la réalité de la vie quotidienne du pays, et le peuple chinois a beaucoup plus d’occasions de fréquenter les étrangers qu’auparavant. La coopération efficace avec les étrangers dans une entreprise multinationale, et la négociation satisfaisante avec les personnes issues des différents pays et cultures montrent toute sa nécessité et son utilité.

À l’égard de l’interculturel, si je continue la frise chronologique et si je jette un coup d’œil sur l’actualité de la société chinoise, je remarque très facilement un concept chinois exprimé en 7 caractères 人类命运共同体 (ren lei ming yun gong tong ti) – « Communauté de destin pour l’humanité ». Ce concept a été abordé par le président chinois Xi Jinping lors du dialogue de haut niveau entre le PCC et les partis politiques étrangers tenu en décembre 2017, et cette notion a même été inscrite dans la préface de la Constitution de la République populaire de Chine. C’est un engagement en faveur d’un développement économique et pacifique et d’un monde plus ouvert, inclusif, propre et beau, pour favoriser une paix durable, une sécurité universelle et une prospérité commune. La crédibilité de ce concept est sans doute discutable aux yeux des certains étrangers, cependant, si je prends les discours du gouvernement au premier degré et au sens littéral, cette notion même évoque bien la substantifique moelle de l’interculturel.

D’après le discours du gouvernement chinois, le projet « Une ceinture, une route » ou projet des « Nouvelles routes de la soie » est une concrétisation préalable de cette notion. Au IIe

siècle avant notre ère, un général chinois du nom de Zhang Qian ouvre une voie géographique reliant l’empire du Milieu à la Syrie médiévale. Ce gigantesque corridor terrestre permet une formidable expansion commerciale et une hausse des échanges entre des zones du continent eurasiatique. Cette route doit son nom à la plus précieuse marchandise d’alors qui y transitait : la soie. Depuis des siècles, l’esprit de la Route de la soie, marqué par la paix, la coopération, l’ouverture, la tolérance, l’apprentissage et l’inspiration mutuelle, et par l’enrichissement réciproque, se transmet de génération en génération.

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À travers les remarques de la presse chinoise, cette mentalité, cet état d’esprit favorisant le progrès de la civilisation humaine joue un rôle unificateur pour les pays riverains de la Route de la soie, et symbolise les échanges et la coopération entre l’Orient et l’Occident. La Chine a ainsi choisi de redonner la vie, et de rétablir la Nouvelle Route de la soie. Lors de ses visites en Asie centrale et en Asie du Sud-Est, en 2013, le président Chinois Xi Jinping a successivement lancé l’initiative de la construction conjointe de la Ceinture économique de la Route de la soie et celle de la Route de la soie maritime du 21e siècle, initiatives attirant une grande attention de la part de la communauté internationale. « Une ceinture, une route » est devenu le projet clef de la diplomatie chinoise pour l’année 2015. Selon l’article du journal Le Monde, publié en 2017, ce projet titanesque englobe 68 pays représentant 4,4 milliards

d’habitants.

Chacun voit midi à sa porte, le projet des Nouvelles Routes de la soie, ne peut pas échapper au scepticisme de certaines presses étrangères. Il y a des remarques très positives de la part des journalistes étrangers, et on entend également une autre voix insistant sur le fait que dans cette politique, la Chine veut établir la suprématie sur la majorité du monde et veut avoir la mainmise sur le monde. La revitalisation à l’international de « la route de la soie », nom qui évoque une période ancienne, valorisée, cacherait des enjeux économiques impérialistes. En admettant la pluralité des visions et en me positionnant comme un défenseur du dialogue interculturel, j’aurais tendance à rester neutre et je n’ai pas l’intention d’adopter une approche manichéenne. Ce que je voudrais mettre en avant, c’est que, quels que soient les objectifs, il y a une idée d’ouverture dans cette politique, et cela va inévitablement engendrer des contacts interculturels sur une plus grande échelle. L’ouverture est nécessaire à cause de la dépendance de la Chine à l’Occident et vice versa. J’aimerais souligner le fait que ce concept chinois joue, et va jouer, un rôle important concernant l’interculturel. Avec la mondialisation, l’interculturel ne représente pas seulement une évidence, il devient indispensable pour la construction d’une vraie communauté de destin pour l’humanité. L’interculturel est une nécessité pour le bien vivre-ensemble dans la mondialisation.

Aujourd’hui, tout comme pour l’ouverture économique, il y a également des échanges dans divers domaines entre la Chine et le monde. Et cela ne cesse d’augmenter chaque année. Juste un exemple. Selon certains spécialistes, la Chine devient le premier « exportateur » au monde d’étudiants à l’étranger ; ils étaient 3,06 millions inscrits dans les universités ou écoles hors de Chine à fin 2013, selon le ministère chinois de l’Éducation. Environ 414 000 d’entre eux sont partis pour la seule année 2013. Mon but ici, n’est pas de faire une liste exhaustive de ces échanges interculturels, mais plutôt d’insister sur le fait qu’une énorme vague de contact interculturel, un déferlement sans précédent d’échanges multiculturels ont déjà été initiés dans la société actuelle, en Chine.

En présentant la nouvelle route de la soie, en démontrant ces faits politiques et économiques apparents et visibles pour une ouverture interculturelle, je tente d’avancer dans la réflexion en m’orientant vers des aspects plus profonds et abstraits. Je cherche, entre la pensée chinoise et la pensée de l’interculturel, une complicité et un point de ralliement, en remontant vers la philosophie profonde de la culture chinoise. Ayant plus de 3000 ans d’histoire, et étant l’une des quatre civilisations les plus anciennes du monde, ce pays m’attire toujours par son

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patrimoine culturel brillant. Confucius a dit, il y a plus de 2400 ans dans Analectes28, « 不患 人之不已知,患不知人也(bu huanrenzhi bu yi zhi, huan bu zhirenye) », « Ce n’est pas un malheur d’être méconnu des hommes, mais c’est un malheur de les méconnaître ».Ce n’est pas grave si les autres ne me connaissent pas, mais ce serait grave que je ne connaisse pas l’Autre. L’importance d’aller vers l’Autre, l’importance de la connaissance de l’altérité, la recommandation de la meilleure compréhension des gens qui sont différents de soi, ont été mentionnés ainsi dans la tradition, dans la sagesse chinoise. Cet aphorisme est transmis de génération en génération à travers la famille et les bancs de l’école…et inspire et influence ainsi les esprits du peuple chinois.

4. De la politique de l’ « enseignement pour l’examen » à celle de « l’éducation pour la

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