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CHAPITRE 2 : TRANSFERTS D’APTITUDES PAR LES MÉCANISMES

2.5 Les questionnaire « bien-être »

Toujours dans la logique de recueil de données comparatives, avec l’intérêt et les biais que cela implique, il a été choisi de recueillir des informations sur l’état de bien-être des élèves. Dans un premier temps, les réponses permettraient de mettre en valeur les différences significatives entre la population de « joueurs » de « non-joueurs » en termes de bien-être. Afin de redresser les données, recueillir à plusieurs reprises ces informations s’est avéré être une solution qui offrait par ailleurs des opportunités intéressantes.

En effet, les réponses ont fourni dans un premier temps un indicateur en termes de bien-être par rapport aux habitudes et au mode de vie préexistants par rapport à l’enquête. D’autre part, à l’issue de la phase 2, durant laquelle se déroule la première partie de jeu, ce questionnaire permettait d’obtenir des informations quant aux effets du jeu vidéo chez les « joueurs » et chez les « non-joueurs ». A l’issu de la phase 3 et avec elle la deuxième partie de jeu, les réponses permettraient de savoir si, le « non-joueur », ayant déjà eu récemment une première expérience vidéoludique durant la phase précédente, déclare un niveau de bien-être différent par rapport à celui déclaré en phase 2, de combien est cette évolution et

1 Alexandre KLEIN, « Contribution à l’histoire du « patient » contemporain », Histoire, médecine et santé, no. 1, 2012, p.115-128, p.119.

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à quel niveau se situe cet état par rapport à la population des « joueurs ». Utilisé durant la phase 4 d’application, il permet de mesurer le niveau de bien-être dans le cas d’une situation inhabituelle de transfert d’aptitudes d’un environnement à un autre. Enfin, le dernier questionnaire « bien-être » utilisé en phase 5 permet d’obtenir des réponses différentielles pouvant effectivement redresser et contextualiser les données obtenues au cours de l’enquête.

Le questionnaire bien-être prend la forme d’une grille à remplir entre 1 et 2 minutes. Sur une échelle de 1 à 5 les élèves doivent indiquer leur degré de bien-être par rapport aux items suivants : bien-être physique, bien-être en termes de sécurité, bien-être social, bien-être personnel, bien-être en termes d’épanouissement et enfin bien-être général. Comme l’expliquait François Beck sur le recueil de données déclaratives, la variation des supports de recueil constitue un moyen de redresser les données et d’arriver à une saturation pertinente1. Les questionnaires auront donc, tout au long de l’enquête, été adapté au support

de recueil de données : questionnaires de la phase 1 et 5, intégré à la fin des entretiens individuels durant les phases 2 et 3, et enfin, intégré au document texte de la phase 4.

2.5.2 Naissance et influences de la théorie « Maslow-Henderson »

Afin de développer le questionnaire de mesure du bien-être chez l’adolescent, l’élaboration des questions s’est basée sur les travaux présentés dans l’ouvrage Psychiatrie de l’enfant et

de l’adolescent publié par les Instituts de formation en soins infirmiers, éducateurs-

psychomotriciens-enseignants-psychomotriciens et assistants de services sociaux2 . Cet

ouvrage pluridisciplinaire, des disciplines paramédicales aux SHS, présente des arguments d’autorité quant à la valeur des méthodes employées pour mesurer le bien-être et la santé chez une population générale non adulte.

Influencées par la philosophie de soins d’Abraham Maslow, vue en tant que réflexion sur les besoins des êtres humains, et par les modèles de soins de Virginia Henderson, c’est durant la période après-guerre que les théories du soin sont peu à peu passées du « faire sur » au « faire avec »3. Comme en témoignent bien plus tard les différents textes et chartes

de l’Organisation Mondiale de la Santé, les environnements biologiques et sociaux sont

1 François BECK, « Perception des risques et surveillance des comportements de santé : l’apport des baromètres santé »,

op.cit., pp.5-6.

2 Jean-Pierre DUMONT, dirigé par, Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Tome 1, Heures de France, 2000, p.47. 3 Jean-Pierre DUMONT, dirigé par, Psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent, Tome 1, op.cit., p.48.

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alors devenus les trois piliers centraux de l’école des besoins. Les « 14 besoins de l’être humain » de Virginia Henderson et les « 5 niveaux de besoins de l’être humain » s’y sont ainsi rapidement combinés pour se déployer dans les six grandes écoles de la réflexion soignante1 : l’école des besoins, l’école de l’interaction, l’école des effets souhaités, l’école

de la promotion de la santé, l’école de l’être humain unitaire, l’école du caring2. Aussi,

malgré le développement de nombreux modèles et réflexions nouvelles, la théorie « Henderson-Maslow » s’est à long terme imposée comme pensée dominante sur le sujet3.

Pour Virginia Henderson, une personne est en bonne santé si cette dernière peut elle-même satisfaire ses besoins : respirer, boire et manger, éliminer (urines et selles), se mouvoir, conserver une bonne posture et maintenir une circulation sanguine adéquate, dormir, se reposer, se vêtir et se dévêtir, maintenir la température du corps dans les limites normales, être propre, soigné et protéger ses téguments, maintenir son intégrité physique et mentale, communiquer avec ses semblables, agir selon ses croyances et ses valeurs, s’occuper en vue de se réaliser et conserver l’estime de soi, se divertir et apprendre. Ces besoins se répartissent et se combinent dans les 5 niveaux de la pyramide de Maslow : besoins physiologiques, besoins de protection et de sécurité, besoins d’amour et d’appartenance, besoins d’estime de soi et de considération, besoin d’actualisation et de réalisation de soi. Contrairement aux théories existantes sur l’évaluation du bien-être qui, elles, sont généralement respectivement axées sur le bien-être psychologique, le bien-être biologique ou le bien-être social, la théorie « Maslow-Henderson » permet d’observer une large partie de ces trois aspects du bien-être. Ancrée dans les principes de l’Ecole des besoins, celle-ci serait pourtant utilisée comme outil de cette recherche action se positionnant davantage dans la pensée de l’Ecole de l’apprentissage de la santé. De plus, cette théorie transdisciplinaire permet d’entrevoir des comportements humains complexes qui, dans le cas de cette enquête peuvent être analysés et corrélés avec l’usage de médias issus des TIC. Aussi, à la lumière de ces spécificités, la théorie « Maslow-Henderson » constitue ici un outil pertinent dans l’élaboration des questions sur la mesure du bien-être de l’échantillon choisi.

2.5.3 Théorie « Maslow-Henderson » : critique et utilisation

1 Suzanne KEROUAC, La pensée infirmière : conceptions et stratégies, Paris, Maloine, 1996, p.54. 2 Suzanne KEROUAC, La pensée infirmière : conceptions et stratégies, op.cit., pp.78-84.

3 Jérôme PELLISSIER, « Réflexions sur les philosophies de soins », Gérontologie et société 2006/3, vol. 29, no. 118, p. 37- 54.

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Dans son article « Réflexions sur les philosophies de soins »1, Jérôme Pellissier procède à

une lecture critique de ces deux théories. Certaines absences dans la liste des 14 besoins, tels que ceux rattachés à la sexualité, sont pour lui le témoignage de l’influence du contexte social dans la recherche à cette époque. Concernant les 5 besoins de Maslow, Jérôme Pellissier critique l’organisation pyramidale et donc hiérarchique des besoins en s’appuyant sur de nombreux exemples pour expliquer que, contrairement à la théorie de Maslow, ce n’est pas parce que le premier niveau de besoin n’est pas atteint, que le suivant ne peut pas être réalisé : « Certes, dans le monde de Maslow, on philosophe moins bien quand on n’a pas mangé depuis trois jours (dans le monde du Dalaï-Lama, il apparaît qu’on philosophe beaucoup, souvent, en se privant de manger pendant trois jours). »2. Aussi, les singularités

de tout un chacun peut induire une hiérarchisation différente des besoins. Pour celui-ci, les besoins primaires correspondent aux besoins liés à l’animalité des êtres humains, tandis que les besoins secondaires correspondent à leur humanité. Aussi, se contenter de questionner leur santé « fonctionnelle » n’apporterait en réalité que peu d’indicateur sur leur état de bien-être. Par ailleurs, dans la théorie « Henderson-Maslow », ni le positionnement des désirs et des manques par rapport aux besoins ne sont pris en compte, ni le fait que les catégories peuvent s’imbriquer. En effet, le paradigme de simplification est ici tout à fait réductionniste puisqu’il ne tient pas compte de la complexité des besoins : un humain peut avoir mangé non par faim mais pour répondre à un besoin psychologique (comme cela peut être le cas dans les mécanismes de la boulimie), ou à un besoin social (partager un repas), religieux (fête traditionnelle), etc.

Cette théorie dominante présente donc effectivement des carences. Néanmoins, en raison de sa validité sur le public des adolescents, celle-ci a tout de même été en partie utilisée comme base d’élaboration des questionnaires. Jugé trop abstrait et trop marqué par le contexte socioculturel de l’époque où celui-ci a été conçu, le modèle de Virginia Henderson a été exclu. La théorie de Maslow quant à elle, est « plastique » et propose des entrées suffisamment larges pour y inclure des éléments nouveaux et donc être pertinente pour un public d’adolescents à la période de l’enquête. Toutefois, il a été choisi de ne pas hiérarchiser les entrées et de les reformuler, de manière à rendre ces dernières intelligibles et acceptables par chaque personne de l’échantillon.

1 Jérôme PELLISSIER, « Réflexions sur les philosophies de soins », op.cit., p.39. 2 Jérôme PELLISSIER, ibidem, p.43.

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CHAPITRE 3 : TRAITEMENT PLURIDISCIPLINAIRE AU