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CHAPITRE 3 : JEU VIDEO ET ORTHOPEDIE SOCIALE

3.1 La gouvernance, un médium bicéphale

3.1.2 Gouvernance des mondes traditionnels contre gouvernance des mondes

analyse de l’information et de ses déclinaisons. Dans un premier temps, il définit la surinformation en tant qu’information sur l’information ; la para-information comme information en marge de l’information ; la désinformation comme absence ou refus d’information ; enfin la mésinformation comme une contre-information1. Or, au sein des

réseaux numériques, l’information constitue la matière première produite par les populations. Déjà dans les mondes traditionnels, le pouvoir politique a pour médium les savoirs2 et le pouvoir exécutif d’information, notamment par le biais de l’adresse et de

l’identité civile. Dans les mondes numériques, cette information prend le nom de donnée digitale ou numérique3 . A l’image du panoptique, le dispositif internet fait alors de

l’information une rançon intersectorielle : sous toutes ses formes, elle sert à récompenser, à punir, à créer, à sécuriser ou encore à générer de l’argent.

Dans la vie traditionnelle, à la responsabilité des Etats, s’ajoutent celles des nombreuses institutions et organisations privées, publiques, formelles comme informelles, qui polarisent les pouvoirs et, par une lecture rendue moins possible pour le grand public, les anonymisent.

1 Jean-Jacques BOUTAUD, Sémiotique et communication, du signe au sens, op.cit., p.108.

2 Marie-Joseph BERTINI, La communication paradigmatique : contribution à l’analyse structurale et fonctionnelle des

Sciences de l’Information et de la Communication. Tome 1, op.cit., p.272.

Marie-Joseph BERTINI, « Sciences de l’Information et de la Communication. Théories et pratiques », Cours de Licence 3, Université de Nice-Sophia Antipolis, 2013, p.272.

3 Marie-Joseph BERTINI, « La prise de parole, clef de voûte d’un monde en réseaux », Études, Tome 392, no. 4, avril 2000, Paris, p.483-489, p.488.

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Ainsi, il n’est plus permis aux populations générales de comprendre de quel organisme relève quelle responsabilité.

Ramifié dans chacun des recoins du continuum physico-numérique l’e-biopouvoir, lui, concentre tous les gouvernants de la vie traditionnelle tout en donnant une place nouvelle aux populations. Aussi, une façon d’identifier le pouvoir totalitaire est de discerner qui tire le plus de bénéfices du dispositif en place. Comme l’ont montré l’efficacité des méthodes d’enrôlement des djihadistes sur le web et l’inefficacité de l’Etat à les combattre1, ainsi que

la façon dont les populations se sont emparées du web et l’incapacité de l’Etat à y faire face, les pouvoirs publics jouent un rôle limité dans l’échiquier du numérique. Cependant, les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazon, Microsoft), géants du web actuel, tirent leur épingle du jeu. Ils ne représentent pas ici des forces territoriales mais des services. Aussi, si dans les mondes traditionnels les services publics sont peu à peu devenus la compétence d’entreprises privées, il s’avère qu’aujourd’hui au sein des mondes numériques ce sont bien ces organisations privées qui font office de pouvoir quasi public. Dans ces mondes totalitaires, il n’est ni question de démocratie, ni de séparation des pouvoirs. Ainsi le virtuel, potentiel incubateur des différentes formes de contre-pouvoir, constitue aujourd’hui un pouvoir alternatif mais toujours totalitaire et dont le seul moyen de contestation se trouve dans l’en-dehors : soit on use du pouvoir traditionnel pour faire des lois qui vont se superposer aux lois des GAFAM, soit on use le moins possible des TIC.

Après l’apparition de divers phénomènes d’ubérisation, l’or virtuel lui aussi, en tant qu’information, a une valeur monétaire plus forte que les monnaies traditionnelles2. Ainsi,

comme société d’information, les mondes virtuels pourraient être synonymes de transparence. Cependant, entre sur-information, para-information, désinformation, mésinformation, articulées de manière inédite, ils sont pourtant synonymes d’opacité. Aussi, la logique de l’offre et de la demande interroge la popularité du virtuel sur support numérique et porte l’hypothèse de son existence en réponse à l’échec du pouvoir de l’en dehors à répondre aux promesses faites par la vie civilisée. En ce sens, et par ailleurs

1 Séraphin ALAVA, Le Point, http://www.lepoint.fr/, mis en ligne le 03 mars 2017, consulté le 10 février 2018. Url : http://www.lepoint.fr/societe/lutte-contre-la-radicalisation-ce-que-font-les-autres-pays-03-03-2017-2109004_23.php. 2 Le cours du Bitcoin, définie comme crytpomonnaie, au cours de la décennie 2010-2020 met en lumière que cette monnaie virtuelle est, en 2018, largement plus volatile mais aussi forte que celles des pays industrialisés : « Lors de son premier taux de

change bitcoin/dollar, un bitcoin valait environ 0,001 USD, soit environ 0,00071€. Le 21 mai 2010, Hanyecz achète deux pizzas pour 10 000 bitcoins, soit pour 7,1€. Le 17 août 2010, le bitcoin vaut 0,06€, le 7 novembre 2010 il atteint 0,40€ pour atteindre la parité avec l’euro en février 2011. Il ne cessera d’augmenter pour atteindre un record historique le 18 décembre 2017 avec un bitcoin pour 16 376€. ».

Jean-Guillaume DUMAS, Pascal LAFOURCADE, Ariane TICHIT, Sébastien VARRETTE, Les Blockchained en 50 questions, Malakoff, Dunod, 2018, p.141.

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toujours dans une dynamique dichotomique, elle autorise l’assimilation d’une part de la vie non-numérique à l’espace de l’humain, de sa biologie et de son animalité, et d’autre part de la vie numérique à celle de l’humain virtuel et de l’intelligibilité. Néanmoins, il apparaît que ce sont davantage les attributs du pouvoir et du e-biopouvoir, par leur capacité à catalyser l’information, plus que des aspects structuraux des mondes numériques et non numériques qui permettent le déploiement ou la concentration du sensible et de l’intelligible.