• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : TRANSFERTS D’APTITUDES PAR LES MÉCANISMES

2.3 Phase 4 : Application

L’objectif de la quatrième phase du protocole PEPAA était de mesurer la différence de capacité de transfert des compétences acquises via les médias numériques (dont le jeu vidéo) de part et d’autre du continuum physico-numérique. Contrairement à l’échantillon des « non-joueurs » qui ont surtout pu être exposés en dehors du temps d’enquête à des médias numériques hors-jeux vidéo, les « joueurs » eux, ont pu être exposés plus longuement aux médias ludiques. Les « non-joueurs » ont cependant été confrontés au média jeu vidéo durant les deux phases précédentes, à chaque fois pour une durée de vingt à trente minutes. En effet, les jeux des phases précédentes ont été choisis en fonction des compétences cognitives et sociocognitives qu’ils permettaient de solliciter. Avec la phase 4 ont pu être observées les différences d’applications entre « joueurs », qui stimulent habituellement ces fonctions dans le cadre de leurs habitudes de jeu, et « non-joueurs » qui y auront été exposés seulement durant les deux phases précédentes. Est donc mesurée dans la phase 4 l’efficience des jeux vidéo sur les compétences cognitives suivantes : attention focalisée, sélective et partagée, alerte, vigilance, inhibition, attention visuo-spatiale et mémoire de travail.

Mesurer le développement d’aptitudes à l’issue des deux séances de jeu n’est pas l’objet de cette enquête. Néanmoins, c’est bien la question des modalités de transfert de compétences, de connaissances et de comportements par les médias numériques et plus spécifiquement du média jeu vidéo qui permet de répondre à la problématique de l’empowerment du bien- être. Aussi, mesurer les effets du jeu vidéo sur le plan cognitif permet de témoigner des

164

effets réels en réception. Les données obtenues mises en perspective avec l’analyse de contenu permettront d’observer les effets sur le plan de la réflexivité et de la mise en œuvre de ces aptitudes en faveur de l’empowerment du bien-être.

2.3.2 Vigilance, inhibition, mémoire de travail, rotation et encodage : exercice sur logiciel de traitement de texte et analyse d’une illustration d’Escher

La première activité se déroulait sur un logiciel de traitement de texte sur ordinateur, support familier déjà utilisé lors des séances précédentes. Dans un document organisé en trois parties, la première et la deuxième prenaient la forme d’exercices. Dans le premier exercice était intégrée une image présentant quelques phrases dont les lettres de chaque mot étaient dans le désordre. Malgré les lettres désorganisées, la première et la dernière lettre de chaque mot restant à leur place, il restait possible de comprendre à quel mot ces derniers correspondaient réellement. Le deuxième exercice consistait à rédiger une description de l’image incorporée dans le document. Celle-ci représente la lithographie réalisée par Maurits Cornelis Escher en 1966, Print Gallery1.

Figure 20 : Exercice lettres

Emag Ado, « Notre cerveau et la perception des mots », mis en ligne le 30 janvier 2015, consulté le 20 juin 2018. Url : http://emag-ado.blogspot.com/2015/01/notre-cerveau-et-la-perception-des-mots.html.

1 HOFSTADTER Douglas, Gödel, Escher, Bach, « Diagram of the apparent paradox embodied in M. C. Escher's 1956 lithograph Print Gallery », 1980, pp.806-809.

165

Dans le premier exercice, il a été demandé aux élèves de réécrire les phrases représentées dans cette image sans corriger les mots, donc en conservant précisément l’ordre des lettres tel qu’il est présenté. Parce que cela implique que les élèves mobilisent leur attention de manière à « [...] détecter de légères altérations de l’information fournie et d’y réagir », cet exercice sollicite leur vigilance. Aussi, contrairement aux claviers d’ordinateurs AZERTY communément utilisés en France, l’ordinateur sur lequel les élèves devaient faire l’exercice avait un clavier QWERTY. Pour cette raison ceux-ci, tentés d’utiliser les automatismes acquis en dactylographie sur clavier AZERTY étaient forcés de solliciter leur fonction exécutive de réponse à l’inhibition pour réprimer des réactions involontaires : celles de retaper, en utilisant les mauvaises touches, les mots lus en réorganisant automatiquement les lettres dans le bon ordre.

Figure 21 : Print Gallery

MC Escher, « Print Gallery », 1956, in,

MC Escher Official Website, “ Mystery of Print Gallery Solved: Escher and the Droste Effect ”, http://www.mcescher.com/, mis en ligne le 1er juillet 2003, consulté le 20 juin 2018. Url : http://www.mcescher.com/news/mystery-of-print-gallery-solved-escher-and-the-droste-effect/.

166

Le deuxième exercice quant à lui, fait plus particulièrement appel à la mémoire de travail, comprenant le codage visuo-spatial et plus particulièrement la séquentielle et le stockage de caractéristiques spatiales. Il fait également appel aux fonctions de rotation mentale, induisant la capacité à se représenter correctement dans l’esprit une image bidimensionnelle d’un objet tridimensionnelle, comprenant les étapes de recherche, d’encodage, de transformation et de confirmation1 . En effet, l’image Print Gallery de M.C. Escher

représente une galerie d’exposition au sein d’une ville, elle-même représentée par les œuvres dans la galerie. Dans cette œuvre, M.C. Escher utilise une image à l’intérieur de laquelle apparaît l’image entière, elle-même réduite à une image plus petite. Ce procédé appelé « effet Droste » ou « mise en abyme » nécessite une interprétation spécifique des plans et des représentations de l’espace et, de ce fait, sollicite tout particulièrement les fonctions cognitives de codage. En demandant aux élèves par écrit une description de l’image présentée, ceux-ci vont être amenés au préalable à porter une interprétation poussée de celle-ci.

Concernant le document texte en lui-même, il est demandé au début et à la fin de chaque exercice de noter l’heure de début et l’heure de fin. A la fin du document, l’élève trouvera également un questionnaire papier équivalent au questionnaire « bien-être » présent à l’issue de chacune des phases précédentes.

2.3.3 Attention focalisée, sélective, partagée, alerte et attention visuo-spatiale : The Artist et Tucker and Dale Fight le mal

Parallèlement à l’exercice à faire, les élèves auront tous été, durant cette 4e phase, exposés

à des stimuli audios et visuels. En effet, il leur aura été demandé d’être attentif à ce qui était raconté d’une part dans le film projeté sur un deuxième écran, ainsi que d’autre part dans la bande son d’un film émise par les enceintes internes du même ordinateur que celui sur lequel ils procédaient simultanément au traitement des exercices du document texte.

En sachant que lorsque l’on regarde passivement un écran les ondes bêta laissent place aux ondes alpha2, il a été choisi de soumettre les étudiants à un film en noir et blanc pour mettre

1 Schuhfried, CogniPlus, op.cit., p.21.

2 Université de Clermont-Ferrand, Service communication et culture, « L'hypnose par la lumière des écrans », http://www.youtube.fr/, publié le 1er juin 2016, consulté le 20 novembre 2017.

Url : https://www.youtube.com/watch?v=P7hfOO8BGQI.

Irenard, « Ces études qui attaquent la télévision », Ars Indistrualis, http://arsindustrialis.org/, publié le 1er mars 2009, consulté le 20 novembre 2017.

167

à l’épreuve leur posture active durant le visionnage. Afin que les élèves jouent le jeu le plus possible et s’impliquent dans l’exercice, le film en noir et blanc choisi a été celui dans lequel les acteurs pourraient parler au plus grand nombre. The Artist1 est le seul film en noir et

blanc sorti en France entre la période de l’école primaire et du collège des individus composant l’échantillon. Parce que ce film et son acteur principal Jean Dujardin ont bénéficié d’une large vitrine auprès des publics, offerte par les distinctions reçues en France2, ce film a donc été préféré pour susciter l’attention des élèves.

Pour que la bande son diffusée du film ne soit pas négligée par les élèves au profit de l’exercice et du film en noir et blanc, le choix s’est porté sur un film rassemblant des stimuli auditifs sollicitant les fonctions d’alerte : des voix d’acteurs et d’actrices à l’âge proche de celui des individus de l’échantillon, des cris et des rires. La bande son du film d’horreur comique pour adolescents Tucker and Dales Fightent le mal3 a été retenu.

Aussi, la totalité de l’exercice se déroulait sur une durée allant jusqu’à 30mn en fonction du temps nécessaire à l’élève pour recopier les phrases avec fautes et rédiger une description de Print Gallery tout en étant attentif au film The Artist et à la bande son de Tucker and

Dales Fightent le mal. A l’issue de ce dernier, ont été recueillies les données suivantes : le

temps pour réaliser l’exercice 1, puis l’exercice 2, puis le questionnaire « bien-être », le nombre de fautes omises durant l’exercice 1 et le nombre de mots utilisés pour signifier son interprétation durant l’exercice 2. Les éléments retenus de la bande son et du film projeté quant à eux ont fait l’objet de questions spécifiques durant la phase suivante et finale, la phase 5. L’intérêt de cette phase 4 a donc été de mesurer les différences effectives entre « joueurs » et « non-joueurs », tant de manière générale en termes de multitasking, que de manière spécifique, par exemple en termes de rapidité d’exécution ou d’attention.