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CHAPITRE 4 : POUR UN SERIOUS GAMING DU GAME DESIGN

4.2 De la gamification à la neurogouvernance

4.2.3 Le modèle de Keyes appliqué aux TIC

Au-delà de la définition de la santé en général qui est faite par l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé mentale en particulier est définie comme ce qui suit : « un état de bien-

être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et d’une manière productive et d’être en mesure d’apporter

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une contribution à la communauté »1. Dans sa conception élargie du rétablissement en santé

mentale, Corey L.M. Keyes propose une modélisation servant le positionnement du diagnostic de ce qu’il nomme la santé mentale positive, « syndrome de bien-être fondé sur des symptômes d’hédonie et d’eudaimonie »2. L’auteur articulant son modèle sous la forme

de deux axes correspondant au double continuum de santé mentale languissante, associée au mal-être, et de santé mentale florissante, associée au bien-être, permet de dégager quatre aires de caractérisation : état de santé mentale complète (« flourishing »), santé mentale incomplète (« struggling »), maladie mentale incomplète (« languishing ») et maladie mentale complète (« floundering »). Construit à partir des symptômes de référence des épisodes de dépression majeure, ce modèle autorise donc l’évaluation de la santé mentale positive sous la forme d’un score caractérisé. L’axe « florissant » correspond aux indices d’anhédonie de la dépression et de ceux d’eudaimonie, tandis que l’axe « languissant » correspond au degré de dysfonctionnement de ces derniers. Comme l’auteur l’explique lors de son croisement des modèles de santé mentale positive et de santé mentale complète, cette dernière mobilisant quant à elle les outils de diagnostic des maladies mentales, le total de six états de santé mentale met en exergue que « […] l’absence de maladie mentale

n’implique pas la présence de santé mentale positive ; et la présence de maladie mentale n’implique pas l’absence de santé mentale positive. »3. Cet outil d’analyse en santé mentale

est cependant spécifique aux cadres du rétablissement.

Dans le cadre de ses recherches sur les jeux vidéo, Yann Leroux a employé le modèle de santé mentale positive et son double continuum pour le détourner vers l’analyse de ce média. Il propose ainsi quatre types de pratiques de jeux. La première aire, correspondant dans le modèle de Corey Keyes à l’aire « flourishing », concernerait ici les phases de jeu dans lesquels les différents succès ont impliqué la mise à rude épreuves des compétences du joueur, « Mais on trouve aussi le bonheur simple de se promener dans un espace connu et

d’y rencontrer les habitués. Dans ce secteur, les apprentissages se font sans difficultés parce que les problèmes rencontrés et les solutions trouvées prennent sens par rapport à ce que

1 World Health Organization, “ What is Mental Health? ”, http://www.who.int/, date de mise en ligne inconnue, consulté le 31 mars 2014, Url : http://www.who.int/features/qa/62/en, in GILMOUR Heather, Statistique Canada, https://www.statcan.gc.ca/, date de mise en ligne inconnue, modifié le 27 novembre 2015, consulté le 06 mai 2018.

Url : https://www.statcan.gc.ca/pub/82-003-x/2014009/article/14086-fra.htm.

2 Hélène PROVENCHER, Corey KEYES L.M., « Une conception élargie du rétablissement », L’information psychiatrique, vol. 86, no. 7, juillet 2010, p.579-589, p.582.

Voire « Figure 6 : Modèle de Keyes » p.97.

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la personne expérimente dans le jeu »1. La deuxième, correspondante à l’aire « struggling »,

comprendrait les pratiques de compensation qu’autorisent les jeux vidéo, comme par exemple le fait de restaurer son état de bien-être grâce aux jeux vidéo. La troisième, correspondant à l’aire « languishing », comprendrait les pratiques ayant un bénéfice nul en termes d’enrichissement, « une expérience pleine d’ennui et de vide. La personne trouve si

peu d’intérêt à l’expérience qu’il est difficile de la qualifier de jeu. Ces moments peuvent être vécus lorsque la personne passe par une série d’échecs ou de défaites. La nécessité de passer par des moments de ‘faming’ dans certains jeux fait aussi vivre ce type d’expérience »2. Enfin, la dernière aire, correspondant au « floundering », concernerait les

situations durant lesquelles l’état psychologique du joueur l’imperméabilise des bénéfices des jeux vidéo et, au contraire, fait de l’utilisation de ce média dans un tel contexte un accélérateur des comportements négatifs.

Figure 6 : Modèle de Keyes

« Figure 1. Etat du rétablissement » in

Hélène PROVENCHER, Corey KEYES L.M., « Une conception élargie du rétablissement », L’information

psychiatrique, vol. 86, no. 7, juillet 2010, p.579-589, p.582.

1 Yann LEROUX, « Est-ce que vous pouvez beta tester ce modèle ? », Jeux Video – Recherches, http://facebook.fr/, mis en ligne le 05 aout 2017, consulté le 06 mai 2018.

Url : https://www.facebook.com/groups/jeuxvideorecherches/permalink/1422875274446506/. 2 Yann LEROUX, « Est-ce que vous pouvez beta tester ce modèle ? », op.cit.

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Là encore, le modèle détourné est destiné à une application sur une population spécifique. Or, pour le chercheur en SIC, ce quadrant présente un intérêt certain pour l’analyse en population générale. Effectivement, les différentes typologies de joueurs qui ont été identifiées par travaux en games studies effectuent une classification relative aux effets dans l’espace de jeu et sur la psyché des joueurs. Cependant, comme l’ont montré les travaux sur la sociabilité paradoxale, menés par Serge Tisseron dans Subjectivation et empathie dans

les mondes numériques, les leviers activés par la pratique du jeu sont souvent bien éloignés

des motivations intrinsèques des joueurs1. Isabela Granic, Adam Lobel et Rutger Engels,

dans leur article « The benefits of playing video games » témoignent des différents bénéfices pour les joueurs en fonction de chaque type de jeu vidéo. Ainsi, parce qu’ils imposent l’autocontrôle et l’intégration des notions de stratégies, les jeux de tour par tour seraient bénéfiques pour les sujets impulsifs ; les jeux de coopération seraient utiles au développement des compétences sociales et de communication interpersonnelle ; enfin, plus généralement, les jeux vidéo sur ordinateur et console favoriseraient le développement de stratégies complexes mais aussi une sollicitation extrêmement fine des fonctions cognitives, exigeant un calibrage entre maitrise des émotions, respect des règles du jeu et des règles interactionnelles au sein du support2 . Aussi, utiliser le modèle de Corey Keyes, ainsi

détourné par Yann Leroux, mais employé à l’usage d’une population générale, permettrait de mettre en lumière les bénéfices non pas vers lesquels tendent la motivation des joueurs, mais bien les bénéfices effectifs qu’ils en retirent en terme d’empowerment du bien-être. Sans se restreindre spécifiquement aux jeux vidéo, et pourquoi pas dans le cadre d’une approche systémique, il pourrait être déployé à l’ensemble des médias, permettant ainsi de comprendre de quelles manières l’ensemble des médias de divertissements, de l’émission de télé-réalité au jeux mobiles par exemple, autorisent des effets variables en fonction de leurs usages et non en fonction de leur essence. De telle sorte, le positionnement de chaque type de pratique saurait ainsi révéler, par opposition, quelles méthodologies s’avéreraient les plus adaptées pour un serious gaming de ces technologies au détriment d’une gouvernance descendante du bien-être et de la santé pour, au contraire, impulser de l’empowerment en faveur d’une gouvernance contributive et participative.

1 Serge TISSERON, dirigé par, Subjectivation et empathie dans les mondes numériques, op.cit., pp.84-85.

2 Isabela GRANIC, Adam LOBEL, Rutger ENGELS, “ The benefits of playing video games ”, American psychologist, vol. 69, no 1, 2014, p.66 in Yann LEROUX, « Utiliser le jeu pour développer les compétences sociales », Psy & Geek,

http://www.psyetgeek.com/, mis en ligne le 11 avril 2018, consulté le 06 mai 2018. Url : http://www.psyetgeek.com/utiliser- le-jeu-video-pour-developper-les-competences-sociales.

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4.3 L’addiction aux jeux vidéo au prisme de la culture

4.3.1 Panique morale autour du jeu vidéo et impact sur les notions de normal et de pathologique

L’identification et la classification des maladies ont historiquement été insufflées par le paradigme des sciences classiques. A cet endroit, le paradigme de disjonction et de réduction se traduit par la distinction de symptômes et leurs catégorisations respectives relativement à des maladies. Aussi, la formalisation des normes du pathologique1 dans le champ de la

médecine a finalement eu pour conséquence dans le monde social le renforcement des dichotomies entre normes et anomalies telles que normal/anormal, normal/pathologique, santé/maladie. En dépassant la binarité traditionnelle du propos, Georges Canguilhem emploi une approche complexe et fait de la maladie l’incarnation du pharmakon : si la maladie peut tuer, elle « […] n’est pas seulement déséquilibre ou dysharmonie, elle est

aussi, et peut-être surtout, effort de la nature en l’homme pour trouver un nouvel équilibre »2. Par ailleurs, en plus de son épistémologie de la maladie, l’auteur apporte un

éclairage sur les représentations sociales et l’impact des normes culturelles sur la circonscription du pathologique3 : « " La médecine, l’a dit Sigerist, est des plus étroitement

liée à l’ensemble de la culture, toute transformation dans les conceptions médicales étant conditionnée par des transformations dans les idées de l’époque " »4 . Ainsi, Georges

Canguilhem légitimise la remise en question des cadres posés par les sciences classiques en général et par les sciences médicales en particulier.

En janvier 2018, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a fait part dans un communiqué de son projet d’intégrer le trouble du jeu vidéo dans la 11e version révisée de

la Classification Internationale des Maladies5. Déjà, sa 10ème révision catégorisait le jeu

d’argent et le jeu pathologique en tant que « trouble des habitudes et des impulsions »6. La

cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) parue en juin 2015 évoque à son tour un nouveau trouble : celui de trouble de l’utilisation

d’internet7. Les arguments contre le projet de formalisation du trouble du jeu vidéo sont

1 Georges CANGUILHEM, Le normal et le pathologique, op.cit., p.157.

2 Georges CANGUILHEM, ibidem, pp.14-15.

3 Georges CANGUILHEM, ibidem, p.65.

4 Henri E. SIGERIST, Introduction à la médecine, Payot, Paris, 1932, p.107 in ibidem, p.79.

5 Organisation Mondiale de la Santé, « Trouble du jeu vidéo », http://www.who.int/, mis en ligne en janvier 2018, consulté le 07 mai 2018. Url : http://www.who.int/features/qa/gaming-disorder/fr/.

6 Organisation Mondiale de la Santé, Classification statistique internationale des maladies et des problèmes de santé connexes, Agence Technique de l’Information sur l’Hospitalisation, Lyon, 2017, p.214.

7 « Le trouble d'utilisation d'internet a été relégué à une annexe des diagnostics non retenus pour lesquels des études

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nombreux. Parmi ses détracteurs, l’Alliance Jeux Vidéo de l’Enseignement Supérieur rappelle qu’historiquement des affirmations similaires ont toujours été faites, puis défaites, à propos de différentes formes de divertissements allant des échecs aux jeux de rôles, mais rappellent surtout que « Les jeux vidéo sont communément appelés “addictifs” en dépit de

nombreuses études contradictoires et d’un manque évident de consensus de la part des communautés scientifique et médicale. »1. Yann Leroux dans son billet « L’addiction aux

jeux vidéo n’est PAS (encore) reconnue par l’OMS »2 a d’ores et déjà démontré les failles

du projet dans sa version béta. Le faible nombre de critères autorisant le diagnostic de dépendance au jeu vidéo, la difficulté d’appréhension du degré de dépendance conséquente à une activité n’impliquant pas la consommation de substance psychoactive, ainsi que le fait qu’il ne soit pas certain que « les jeux vidéo représentent un risque plus important que

le sexe, le sport ou la nourriture »3 sont particulièrement problématiques.

Comme le dit l’Organisation Mondiale de la Santé : « Des études montrent que le trouble

du jeu vidéo ne touche qu’une petite partie des personnes qui utilisent des jeux numériques ou des jeux vidéo. »4. Dès lors, le chercheur en SIC s’interroge sur l’intérêt porté au jeu

vidéo, par exemple au détriment d’autres médias tels que la télévision. Il n’est en effet pas nécessaire de rappeler que la sédentarité constitue une problématique de Santé Publique et que les jeux vidéo tels que Pokémon Go, parce qu’ils impliquent la mobilité dans leur fonctionnement, permettent de résoudre cette dernière chez des publics aux habitudes pourtant complexes. La démarche de l’Organisation Mondiale de la Santé concernant les

troubles du jeu vidéo et du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux sur les troubles de l’utilisation d’internet, dans sa dimension alarmiste, se positionne par ailleurs

en opposition avec les recherches faisant consensus sur le jeu, comme outil indispensable au développement des mammifères humains et non humains5, ainsi que sur celles portant

sur le jeu vidéo et ses bénéfices.

Psychomédia, « DSM-5 : critères du trouble d’utilisation d’Internet classé comme nécessitant plus d’études », http://www.psychomedia.qc.ca/, mis en ligne le 6 octobre 2012, consulté le 07 mai 2018.

Url : http://www.psychomedia.qc.ca/sante-mentale/2012-10-07/addiction-a-internet-criteres-diagnostiques-dsm-5. 1 HEVGA, “Higher Education Video Game Alliance Opposes World Health Organization’s ‘gaming disorder’”,

https://hevga.org/, mis en ligne le 04 janvier 2018, consulté le 07 mai 2018. Url : https://hevga.org/article_writeups/higher- education-video-game-alliance-opposes-world-health-organizations-gaming-disorder/ in Yann LEROUX, « L’Alliance Jeux Vidéo de l’Enseignement Supérieur s’oppose au " Trouble du Jeu Vidéo " de l’OMS », Psy & Geek,

http://www.psyetgeek.com/, date de mise en ligne inconnue, consulté le 07 mai 2018. Url :

http://www.psyetgeek.com/lalliance-jeux-video-de-lenseignement-superieur-soppose-au-trouble-du-jeu-video-de-loms. 2 Yann LEROUX, « L’addiction aux jeux vidéo n’est PAS (encore) reconnue par l’OMS », Psy & Geek, http://www.psyetgeek.com/, date de mise en ligne inconnue, consulté le 07 mai 2018. Url : http://www.psyetgeek.com/laddiction-aux-jeux-video-nest-pas-encore-reconnue-par-loms.

3 Yann LEROUX, « L’addiction aux jeux vidéo n’est PAS (encore) reconnue par l’OMS », op.cit.. 4 Organisation Mondiale de la Santé, « Trouble du jeu vidéo », op.cit.

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4.3.2 Addiction aux jeux vidéo : une construction médiatique

Chacun peut être tenté de parler du jeu vidéo, voire plus généralement des écrans. Or, la recherche en Game studies a suffisamment avancé pour ne plus autoriser ceux qui en parlent à faire l’économie de précisions aujourd’hui indispensables. En effet, de nombreux facteurs modulent les effets de l’activité vidéoludique sur les joueurs. Le smartphone, la tablette, la console mobile, la console de salon, l’ordinateur sont des supports sur lesquels un même jeu peut se décliner sans pour autant être joué selon les mêmes modalités. Le type de jeu n’a également pas le même impact, tout comme le fait qu’il soit 100% numérique ou en réalité augmenté. Le fait que le jeu soit jouable en mono joueur, multi-joueur, cela en ligne ou hors-ligne a une importance également significative. Enfin, les spécificités relatives aux populations de joueurs, sur les plans biologiques, personnels et socioéconomiques constituent également des facteurs déterminants.

Or, comme l’explique Olivier Mauco, les discours véhiculés autour du jeu vidéo seraient le fruit de plusieurs amalgames. Dans les années 90 en France, la presse portant sur la violence liée aux jeu vidéo n’avait alors pas mis en lumière de lien de cause à effet1. Les recherches

de l’auteur lui ont permis de conclure que le tournant qui s’est opéré dans le traitement médiatique des jeux vidéo a pour point de départ le massacre de Littleton du 20 avril 1999. Pour la première fois, le jeu vidéo migre des rubriques informatique et technologie à celles de politique et d’éducation2 . Les produits culturels plus que la vente d’arme libre sont

pointés du doigt puisque, parmi les affaires du tueur, l’enquête permet d’associer des mots clefs relevant de la culture populaire en marge sous un même champ lexical : CD de Marilyn Manson, films de gangsters et …jeux vidéo3. Or, comme l’explique Olivier Mauco, cette

construction médiatique faisant dans un premier temps le lien entre la violence et le jeu vidéo s’est par la suite étendue au jeu pathologique (jeu de hasard et d’argent) puis, en même temps que la popularisation des MMORPG dans le monde, à la notion d’addiction4.

L’auteur dépeint à l’époque une « pénurie d’expert » couplé à « l’accès limité et [des]

modalités de circulation des sources, un désintérêt manifeste des journalistes non

1 Olivier MAUCO, « La médiatisation des problématiques de la violence et de l'addiction aux jeux vidéo »,

Quaderni, http://quaderni.revues.org, no. 67, Automne 2008, mis en ligne le 05 janvier 2012, consulté le 30 septembre 2016,

p.19-31, p.20. Url : http://quaderni.revues.org/190.

2 Olivier MAUCO, « La médiatisation des problématiques de la violence et de l'addiction aux jeux vidéo », op.cit., p.20-21.. 3 « Entre le 20 et le 27 avril, seize articles du New York Times évoquent explicitement la question de la responsabilité des

jeux vidéo dans la tuerie. ».

Olivier MAUCO, ibidem, p.21. 4 Ibid.

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spécialisés et non-joueurs » 1 qui n’auraient alors pas permis un plus juste

« approvisionnement » en ressources pour les journalistes.

Certaines représentations collectives autour du jeu vidéo sont encore en vigueur en France. En 2015, l’INPES et les Consultations Jeunes Consommateurs diffusent un spot publicitaire2 incitant au quasi-dépistage des pratiques à risque en termes de jeu vidéo,

toujours associées aux autres facteurs de risque tels que la consommation d’alcool, cannabis, cocaïne, ecstasy et tabac. En contradiction avec cette politique de Santé Publique, le ministère de l’Education Nationale encourage l’utilisation d’écrans dans les établissements scolaires : ordinateurs, tablettes, tableaux blancs interactifs, logiciels ludo- éducatifs3. Cela n’empêche pourtant pas la panique morale autour du jeu vidéo de s’emparer

du monde de la recherche en lui-même, ni cela ne pousse les autorités à diffuser les ressources en termes d’éducation aux médias auprès des populations concernées. Pendant ce temps, nombreux sont les lanceurs d’alerte autour des dangers des écrans chez les enfants, y compris l’Association des Pédiatres de Nice Côte d’Azur dont les membres déplorent n’avoir aucune formation sur le sujet et d’être en position de difficulté lorsqu’il est question de répondre aux parents sur les dispositifs à mettre en place à une époque où le smartphone des parents à tendance à se travestir en véritable doudou pour l’enfant4. Or,

comme le démontre Serge Tisseron dans L’enfant et les écrans, il s’avère que les problématiques liées aux écrans sont aussi diverses que celles des usages qui en sont faits5

et sont définitivement plus complexes que ce que les fragments de réalité exposés par les discours médiatiques et officiels laissent sous-entendre encore en 2018.

4.3.3 Appropriation des discours par le ludique, où l’applicabilité d’une neurogouvernance de la santé par le vidéoludique.

Comme l’expliquent Marco Della Luna et Paolo Cioni dans leur ouvrage Neuro-Esclaves, les émotions, qu’elles précèdent, suivent, ou arrivent en même temps que la pensée, impactent les facultés de raisonnement. L’activation de l’émotion, le contexte émotionnel

1 Olivier MAUCO, ibidem, p.20.

2 CJC, « Addiction aux jeux vidéo », Inpes, https://www.dailymotion.com/, mis en ligne en 2015, consulté le 07 mai 2018. Url : https://www.dailymotion.com/video/x2gjql4.

3 Julien BUGMANN, Apprendre en jouant : du jeu sérieux au socle commun de connaissances et de compétences, Cergy- Pontoise, Université de Cergy Pontoise, 2016, pp.74-78.

4 Association des Pédiatres de Nice Côte d’Azur, « Formation sur les enfants et les écrans », Novotel Arenas, Nice, 07 octobre 2017.

5 Jean-François BACH, Olivier HOUDE, Pierre LENA, Serge TISSERON, dirigé par, Les enfants et les écrans, Académie des sciences, Paris, 2013, pp.192-193.

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ainsi que la récurrence constituent des facteurs de pérennisation de leurs effets sur les traits thymiques1 et caractériels du sujet. Entre autres, les émotions provoquées par les activités