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CHAPITRE 3 : JEU VIDEO ET ORTHOPEDIE SOCIALE

3.3 Gouvernance, TIC communication et gamification

3.3.2 Ludus et paidia, entre paradigme communicationnel et éthique

La gamification et la ludicisation de plus en plus importante de nos sociétés autorisent donc désormais le ludique à se positionner comme matrice interrogeant l’exercice et le devenir des modes de gouvernance actuels. Au sein des macrocosmes en voie de ludification, le paradigme ludique témoigne aujourd’hui de l’émergence d’une gouvernance nouvelle. Cette dernière procèderait au détournement ponctuel des activités ludiques dans un but utilitaire et ferait ainsi du serious gaming un outil efficient à l’échelle de l’ensemble des médias, comme technologies de la communication. Aussi, par analogie avec le principe de

géogouvernance, faisant de l’analyse spatiale l’outil d’aide à la décision principal dans la

gouvernance d’un territoire et de ses sujets, la gouvernance par le ludique, comme par tout autre principe, semble possible.

La modélisation des processus de gouvernance pour l’Opération d’Intérêt National de la plaine du Var1, initialement porteurs de concept de géogouvernance, permet aussi de mettre en lumière les processus de décision plus que sur les organes gouvernementaux. Il offre ainsi un angle de vue permettant l’observation des interactions porteuses de l’empreinte du ludique. Effectivement, si les sèmes de la géogouvernance peuvent être aisément identifiés, par exemple à travers les aménagements urbains qui en découlent, il n’en est pas de même pour la gouvernance par le ludique, dans des contextes de gamification. En effet, ceux-ci se traduisent non pas par le biais d’éléments matériels, mais par les interactions produites entre les médias de masse et les pratiques sociales des individus et des populations. Ce modèle met en l’occurrence la démocratie représentative en opposition avec la démocratie participative. Au prisme de ces deux aspects, le mode de gouvernance est analysé à partir des points suivants : intelligibilité de l’information, degré de participation citoyenne et

1 Michelle MASSON VINCENT, Nathalie DUBUS, Daniel BLEY, Christine VOIRON, Cécile HELLE, Jean-Paul CHEYLAN, Pierre DOUART, Annick DOUGUEDROIT, Jean-Paul FERRIER, Frédérique JACOB, Corinne LAMPIN, Gilles MAIGNANT et Jean-Yves PIOT, « La Géogouvernance : un concept novateur ? », op.cit.

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outils utilisés dans les processus de décision ; répartition des responsabilités et des pouvoirs ; état de consensus et degré d’acceptation des décisions. Cette grille générique applicable à différentes échelles institutionnelles et administratives permet également la notification du degré de gamification d’une société. Plus encore, elle autorise la mise en exergue du ludique comme mode de gouvernance.

Figure 3 : Schémas de Géogouvernance

« Fig.4 : La géogouvernance pour répondre aux enjeux territoriaux » in

Michelle MASSON VINCENT, Nathalie DUBUS, Daniel BLEY, Christine VOIRON, Cécile HELLE, Jean-Paul CHEYLAN, Pierre DOUART, Annick DOUGUEDROIT, Jean-Paul FERRIER, Frédérique JACOB, Corinne LAMPIN,

Gilles MAIGNANT et Jean-Yves PIOT,

« La Géogouvernance : un concept novateur ? », Cybergeo : European Journal of Geography, Aménagement, Urbanisme, document 587, mis en ligne le 03 février 2012, consulté le 20 juin 2018. URL :

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Effectivement, et comme l’a montré le travail mené sur la géogouvernance, la modulation du pilier didactique et informationnel en fonction des destinateurs est conditionnelle à l’efficience des gouvernementalités, quels que soient leurs objectifs. Aussi, la gouvernance par le ludique trouve son essence dans sa capacité à mettre le ludique au service d’une gouvernance appliquée à des macrocosmes en crise. Qu’il s’agisse de la gouvernance à l’échelle d’individus, de communautés, de populations ou de systèmes, le jeu trouve écho là où il y a un défaut de motivation et permet de retrouver une cohésion : dans les établissements scolaires, où les élèvent partagent leur attention entre leurs écrans personnels et les propos de l’enseignant, le jeu est utilisé pour de nouveau intéresser son public ; en milieu professionnel, lorsqu’il y a des lacunes dans le travail d’équipe on utilise le jeu comme levier de communication interne1, et comme le montre l’offre croissante en terme

de serious games, les jeux sont utilisés dans une grande diversité de cas, allant de la médiation territoriale et informationnelle avec Nddl Newsgame2, à la médiation familiale,

avec des jeux comme Clash Black3 . Cela signifie donc que le jeu constitue un moyen

d’information et de communication aux propriétés ultimes, quelles que soient la ou les périodes de la vie ou l’objectif pour lequel il est utilisé : pour enseigner, pour résoudre ou pour épanouir.

Aussi le jeu, parce qu’il a des propriétés remarquables, constitue un danger sur le plan éthique dans sa capacité à favoriser le contrôle social et à constituer un agent du pouvoir

biopolitique. En effet, par les capacités hypnotiques des écrans4 mais aussi par le pouvoir

du jeu à motiver des groupes humains malgré les crises, les activités ludiques présentent un caractère infantilisant5 qui peut à long terme présenter des effets néfastes à différentes

échelles ainsi qu’à différents niveaux : de l’échelle des individus à celle des systèmes d’organisation humains, et sur les plans physiques, psychiques, sociaux et politique6 .

Cependant, comme l’on déjà démontré une grande part des recherches en Game studies, l’expérience ludique présente des aspects extrêmement favorables sur les plans physiques, intellectuels, mentaux et sociaux. Effectivement, utilisés dans le cadre d’une gouvernance

1 Sophie COURAU, Jeux et jeux de rôles en formation, Issy-les-Moulineaux, ESSF éditeur, 2011, pp.60-66.

2 Casus Ludi, « Ndddl newsgame », http://nddl.newsgame.fr/, date de mise en ligne non indiquée, consulté le 21 mars 2018. Url : http://nddl.newsgame.fr/selection.

3 Interactive Situations, « Clash Black », http://www.clash-back.com/, date de mise en ligne non indiquée, consulté le 22 mars 2018. Url : http://www.clash-back.com/le-concept/.

4 Marco DELLA LUNA, Paolo CIONI, Neuro-esclaves. Techniques et psychopathologies de la manipulation politique,

économique et religieuse, Cesena, Macro édition, 2011, format ebook, emplacements 10858-4049 et 10872/14141.

5 Marco DELLA LUNA, Paolo CIONI, Neuro-esclaves. Techniques et psychopathologies de la manipulation politique,

économique et religieuse, op.cit., 2312/14141.

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par le ludique, le jeu aurait la capacité de favoriser l’intelligibilité de l’information et de catalyser la participation citoyenne pour in fine constituer un des facteurs principaux de

l’empowerment communautaire1 . L’empowerment individuel, par la participation, la

compétence, l’estime de soi et la conscience critique, permettrait aux individus d’agir en fonction de leurs propres choix, et contribuerait ainsi au pouvoir agir de la communauté2.

Utilisé en faveur de la gouvernance de macrocosmes positionnés sur des territoires en proie à la ludification, territoires gamifiés et ludicisés, le serious gaming s’opèrerait alors principalement dans le détournement de la réception des médias en général par les publics en faveur de l’empowerment des populations. Dès lors, afin de catalyser l’évolution des pratiques sociales, le travail d’éducation aux médias en faveur d’une gouvernance contributive et participative éthique apparaît comme essentiel, tant en amont par un travail auprès des acteurs du territoire et des experts de la communication et des médias, qu’en aval auprès des citoyens.

3.3.3 Le double régime de la contribution et de la participation à un nouveau paradigme de