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Quelques remarques sur la conception simonienne de l’autorité

La notion d’autorité en économie avant

2. Herbert Simon : un précurseur de la théorie économique moderne de la relation d'emplo

2.1. Quelques remarques sur la conception simonienne de l’autorité

Il est utile tout d’abord de préciser que l’article qui sera exposé dans la section suivante ne rend pas compte de manière fidèle de la conception simonienne initiale de l’autorité. Au contraire, il s’agit d’une version très appauvrie, destinée en fait à montrer aux économistes néoclassiques que leur modèle standard, considéré par Simon comme très peu réaliste, devait et pouvait être amélioré27.

C’est dans Administrative Behavior (AB), publié pour la première fois en 1947, que cet auteur présente ses idées sur l’autorité dans les organisations, dans un chapitre entièrement consacré à cette question. Cet ouvrage est issu de sa thèse, soutenue en 1942, laquelle n’était ni une thèse d’économie, ni une thèse en théorie des organisations mais une thèse en science politique. Influencé notamment par l’économiste institutionnaliste J. R. Commons et par la sociologie fonctionnaliste, en particulier celle de T. Parsons, Simon sera d’emblée un auteur pluridisciplinaire. Mais c’est sans doute l’ouvrage en théorie des organisations de Chester Barnard28, publié en 1938 sous le titre

The functions of the executives, qui aura le plus d’impact sur la pensée du jeune Simon.

Ce dernier lui emprunte plusieurs notions que l’on retrouvera dans l’article de 1951, comme la “zone d’acceptation” que Barnard appelle la “zone d’indifférence”, mais aussi et surtout dans l’ouvrage de 1947, comme par exemple “l’équilibre de l’organisation”.

Il ne s’agit pas ici de commenter en détail les trente pages du chapitre VII, consacré à l’autorité, de AB mais il est utile de se pencher sur les quelques points autour desquels les économistes débattront trois ou quatre décennies plus tard.

Il est frappant de constater que, pour Simon, l’autorité est un élément central dans le fonctionnement des organisations. L’auteur indique tout d’abord que ce qu’il désigne sous le terme générique “d’influence organisationnelle” est un déterminant des prémisses à partir desquelles l’individu fonde ses décisions et donc coordonne son action avec celle des autres membres de l’organisation en vue de réaliser un plan préalablement déterminé. Or, Simon précise que “de tous les modes d’influence,

27Pour un examen approfondi de l’approche des organisations par Simon, voir Vieira [1998a] et [1998b]. 28 Barnard aura aussi une influence très importante sur Williamson, cf. Baudry [1999].

l’autorité est celui qui distingue en premier lieu le comportement des individus en tant que participants à des organisations de leur comportement en dehors de ces organisations. C’est l’autorité qui donne à une organisation sa structure formelle, et les autres modes d’influence ne peuvent être discutés qu’après avoir spécifié cette structure” (p. 124).

Simon définit l’autorité comme “le pouvoir de prendre des décisions qui guident

les actions d’un autre. C’est une relation entre deux individus, l’un “supérieur”, l’autre “subordonné”. Le supérieur élabore et transmet des décisions avec l’attente qu’elles seront acceptées par le subordonné. Le subordonné attend de telles décisions et sa conduite est déterminée par elles. (...) Le mode de comportement du supérieur implique un ordre [command] -un énoncé impératif concernant le choix d’une alternative de comportement par l’autre- et une attente que l’ordre sera accepté comme un critère de choix par l’autre. Le mode de comportement du subordonné est gouverné par une unique décision indéterminée, ou critère de décision, de «suivre cette alternative de comportement qui est sélectionnée pour moi par le supérieur»” (pp. 125-126). L’auteur

insiste sur le fait, à rapprocher de la notion de convention d’obéissance développée par Dockès [1999], que le subordonné n’est pas toujours en train de délibérer pour savoir s’il va obéir ou non. À propos du comportement dans l’armée, il précise qu’un “soldat

obéissant à un ordre ne réfléchit pas à la philosophie de l’obéissance mais il se donne à lui-même une règle de comportement qui rend ses choix réactifs [responsive] à l’ordre. Au lieu d’être guidé à chaque instant par une décision, «je vais attaquer maintenant», le soldat englobe toutes les décisions de ce type dans la règle générale, «j’attaquerai lorsque l’ordre m’en sera donné»” (p. 125).

Simon souligne à plusieurs reprises que l’autorité, pour fonctionner effectivement comme guide de l’action du subordonné, doit être acceptée par celui-ci.29

Or il faut distinguer deux niveaux différents d’acceptation :

a) acceptation du plan d’action collective pour que la coordination des actions individuelles soit réalisée, c’est notamment l’autorité qui produit cette acceptation. Simon écrit : “un plan d’action est développé pour le groupe et ce plan est alors

communiqué aux membres du groupe. L’étape finale du processus est alors l’acceptation de ce plan par les membres. L’autorité joue un rôle central dans cette acceptation “ (p. 124, souligné par l’auteur). Comment l’autorité permet-elle cette

acceptation du plan ? Ainsi que nous l’avons vu, c’est son principe même que de faire

29Cette idée d’une acceptation volontaire de l’autorité, dans certaines limites, n’a probablement pas été

inventée par Barnard car, ainsi que nous l’avons vu, Coase [1937], qui écrit de manière indépendante, la puise pour sa part chez un juriste. Cette représentation de l’autorité, qui avait aussi cours dans la sociologie fonctionnaliste, était donc probablement assez répandue dans les années 1930.

accepter des décisions sans discussion, “l’obéissance (...) est la renonciation au choix” (p. 127).

b) l’autorité du supérieur doit être elle-même acceptée par le subordonné, c’est ce qu’écrit Simon à plusieurs reprises, ainsi par exemple page 129 : “(...) un subordonné

accepte les ordres (...)”. Il va jusqu’à nier l’importance des sanctions que peut infliger

le supérieur : “(...) l’autorité (...) renvoie à l’acceptation par le subordonné des

décisions du supérieur et non au pouvoir de ce dernier d’appliquer des sanctions en cas de refus d’obéissance” (p. 146). Il convient dès lors d’expliquer les raisons et l’étendue

de cette acceptation. La principale raison, selon Simon, réside dans la coutume. Chaque individu se conformerait au rôle, à la conduite qui serait socialement attendue de lui. Parmi tous les rôles socialement déterminés existerait celui de “l’employé” dont le contenu serait variable selon la situation sociale30. Dès lors, pour connaître les origines

de telle ou telle coutume, il faudrait se plonger dans l’histoire sociale.

Simon suggère donc l’idée d’une institutionnalisation de l’autorité. À propos de la notion d’institution, il écrit : “Les «institutions» d’une société peuvent être vues

comme les règles spécifiant les rôles que des personnes particulières vont assumer en relation avec d’autres sous certaines circonstances” (p. 130)31. Toutefois, l’auteur ne

pousse pas plus loin sa réflexion, il évoque cinq autres éléments pouvant expliquer les raisons de l’acceptation de l’autorité, dont certains sont en rapport avec l’idée d’institution : 1) les sanctions sociales; 2) les différences psychologiques : certains types de personnalités correspondent à une attitude de meneur d’autres à celle de suiveur; 3) l’adhésion aux objectifs de l’organisation32; 4) la peur de perdre divers avantages dont

notamment la position sociale et un salaire élevé, en cas de sanction due à un refus d’obéissance; 5) le fait de ne pas vouloir assumer des responsabilités33.

Simon tente donc de défendre l’idée d’une acceptation volontaire de l’autorité, sans pour autant développer suffisamment ses arguments notamment à propos de la notion d’institution. En outre, il tend à ignorer l’aspect coercitif de la coutume. D’autre part, il minore à plusieurs reprises le rôle de la sanction que peut infliger le supérieur, sans pour autant parvenir à montrer de manière convaincante la non pertinence de son rôle.

30 A propos de l’usage de la notion de rôle, signalons que le jeune Simon a été très influencé par la

sociologie fonctionnaliste de T. Parsons.

31On se souvient de l’influence de la pensée institutionnaliste de Commons sur Simon.

32 Ce qui n’est pas sans rapport avec la notion “d’équilibre de l’organisation” de Barnard (cf. Baudry

[1999]).

Ces difficultés relatives à l’explication de l’acceptation de l’autorité seront au centre des débats, 30 ans plus tard, entre Williamson, Kreps, Masten et Hart34 sur les

sources de l’autorité. Enfin, à propos de la notion de zone d’acceptation35, qui rend

compte de l’étendue de l’autorité qu’accepte de subir un subordonné, contrairement au modèle de 1951 dans lequel nous verrons que le nombre d’éléments qu’elle contient est déterminé de manière endogène, dans AB, Simon la présente davantage comme étant définie de manière exogène “par un grand nombre de circonstances” (p. 134). Il faut notamment remarquer qu’il est finalement contraint d’admettre que la sanction joue un rôle que l’on peut difficilement ignorer : “L’acceptation peut (...) prendre place lorsque

le subordonné n’attache pas d’importance à l’alternative sélectionnée, ou lorsque les sanctions sont suffisamment fortes pour l’amener à réaliser une alternative non désirée” (p. 134). Finalement, Simon ne parvient pas vraiment à expliquer pourquoi le

subordonné accepte l’autorité et donc à mettre clairement en évidence les fondements, ou les sources, de l’autorité. Nous émettons l’hypothèse que ceci est notamment dû au fait que cet auteur ne se préoccupe qu’incidemment des effets incitatifs. En revanche, il met davantage l’accent sur les fonctions de l’autorité -responsabilité, expertise et coordination- ce qui conduit à penser, bien qu’il ne parvienne pas à ignorer le “droit au

dernier mot” (p. 129) du supérieur sur le subordonné, que l’approche simonienne de

l’autorité relève d’une théorie essentiellement fonctionnaliste.

Pour terminer ces quelques pages sur les analyses de Simon, dans AB, à propos de l’autorité, mentionnons le fait qu’il aborde la question de la “hiérarchie de l’autorité”. Mais là aussi, et peut être de manière caricaturale, la hiérarchie est exclusivement expliquée par les fonctions qu’elle remplit. Elle permet d’éviter les conflits d’autorité et elle permet de savoir “qui doit décider” (p. 142). Elle constitue la voie normale de transmission de l’information, ceci traduit l’orientation cognitiviste des travaux de Simon.

2.2. “Un modèle formel de la relation d’emploi”

Du point de vue de l'histoire des idées économiques, l’article que Herbert Simon a publié en 1951, qui propose la première formalisation connue de la relation d'emploi, peut être comparé à celui de Coase [1937]. En effet, ces contributions ont été toutes deux abondamment citées dès leur parution mais ce n'est que des années plus tard que

34 cf. Baudry & Tinel [1999].

leur contenu a été véritablement exploité36. Ces travaux méritent largement d'être

qualifiés de "précurseurs" en ce qu'ils ont posé les jalons du développement de la théorie économique des organisations qui ne verra le jour qu'au début des années 70, soit une vingtaine d'années après la publication de l'article de Simon.

Cette contribution est remarquable à plus d'un titre parmi lesquels nous retiendrons ici, outre la première formalisation de la relation d'emploi, une réflexion à la fois sur l'autorité et le contrat. En effet, le souci qu'avait cet auteur de donner un contenu plus réaliste à la théorie économique de l'entreprise, qui n'était jusqu'alors pour les économistes qu'une "boîte noire", et de construire "un pont entre l'économiste, avec

ses théories de la firme et de l'allocation des facteurs, et l'administrateur, avec ses théories de l'organisation (...)" (Simon [1951], p. 293), l’a conduit, à l'instar de Coase, à

s'interroger sur ce qui distingue un simple contrat d'achat-vente (sales contract) d'un contrat de travail (employment contract).

Il s'agit dès lors de saisir la spécificité de la relation que nouent un salarié et son employeur. Ainsi, l'auteur suppose "que W [travailleur, worker] entre dans un contrat

d'emploi avec B [patron, boss] lorsque le premier accepte l'autorité du second et celui- ci accepte de payer à l'autre un salaire spécifié (w) [wage]. Ce contrat diffère fondamentalement d'un contrat d'achat -vente -le type de contrat qui est supposé dans les formulations ordinaires de la théorie des prix. Dans le contrat d'achat-vente chaque partie promet une rétribution [consideration] spécifique en retour de la rétribution promise par l'autre. L'acheteur (tout comme B) promet de payer une somme d'argent fixée; mais le vendeur (contrairement à W) promet en retour une quantité spécifiée d'une marchandise complètement spécifiée" (ibid., p. 294). En termes contemporains,

Simon semble définir le contrat d'achat-vente comme un contrat complet : tous les éléments nécessaires à la réalisation de la transaction sont précisés en détail de façon à ce qu'aucune difficulté ne survienne lors de son déroulement. Par opposition, la particularité de la relation d'emploi résiderait dans le caractère incomplet du contrat de travail37.

Bien que la théorie micro-économique des contrats, et en premier lieu la théorie des coûts de transactions, n'ait pas maintenu cette stricte opposition entre incomplétude du contrat d'emploi et complétude du contrat dit "classique"38, on doit reconnaître que

Simon est l'un des premiers économistes à mettre au premier plan à la fois le rôle des contrats et celui de l'incomplétude (bien qu'il n'emploie pas ce terme) dans la théorie

36 Si Arrow [1974] et Williamson [1975] reprennent la définition que Simon donne de l’autorité sans

utiliser son modèle, Hess [1981] donne les caractéristiques formelles d’un marché où un tel type de contrat est utilisé.

37 Nous verrons ci-dessous qu’en fait le contrat d’emploi est lui aussi un contrat complet. 38 Autrement dit, il peut exister des contrats incomplets d’achat-vente.

économique de la firme. Toutefois, contrairement à ce qu’a pu avancer cet auteur, l'incomplétude peut être présente dans des contrats autres que des contrats d'emploi ainsi que les travaux sur l'intégration verticale l'ont montré. Par conséquent, la spécificité de la relation d'emploi, qui ne réside pas dans l'incomplétude du contrat de travail, doit être recherchée ailleurs et Simon en a d'ailleurs l'intuition car il précise, pour compléter l'opposition entre contrat d’achat-vente et contrat de travail, que "le vendeur n'est pas

intéressé par la façon dont sa marchandise, une fois vendue, est utilisée, alors que le travailleur est [souligné par l'auteur] intéressé par ce que l'entrepreneur voudra qu'il fasse (...)" (ibid. p. 294). Ce dernier point renvoie à l'élément central de cet article de

Simon : l'autorité de l'employeur sur l'employé. La spécificité de la relation d'emploi résiderait donc, du fait de la particularité de la marchandise échangée que représente le travail, dans l'existence d'une relation d'autorité.

En suivant Simon, si l'on définit x comme un élément de l'ensemble de tous les comportements possibles effectués par un salarié dans le cadre de son emploi, "nous

dirons que B exerce une autorité sur W si W autorise B à sélectionner x. Par conséquent, W accepte l’autorité lorsque son comportement est déterminé par la décision de B. En général, W acceptera l’autorité seulement si x0, le x choisi par B, est restreint à un sous ensemble donné (“l’aire d’acceptation” de W) de toutes les valeurs possibles” (p. 294). La relation d’emploi se caractériserait donc par l’autorité. Celle-ci

se définirait, comme chez Barnard ou Coase, par le fait que l’employé accepte dans certaines limites, d’être commandé par l’employeur.

C’est à cette définition que se référeront la quasi totalité des théoriciens modernes de la firme et des organisations lorsqu’ils aborderont la question de l’autorité. On peut toutefois d’ores et déjà préciser que la principale limite du modèle de Simon, au regard des préoccupations de la théorie des contrats, réside dans le fait que cet auteur ignore totalement la dimension incitative de la relation d’emploi. En effet, il n’y a pas de différence entre le x désiré par B et le x effectivement réalisé par W : il n’y a pas d’aléa moral, c’est à dire pas de problème d’agence. Ainsi que nous le verrons, les théoriciens des contrats s’attacheront notamment à “combler cette lacune”, mais ils ne pourront le faire que parce que Simon aura auparavant “cadré” avec rigueur la problématique. En outre, cette approche laisse en suspens des questions qui ne seront abordées que dans les années 1980 et 1990 : quel est le (ou les) fondement de l’autorité? Pourquoi l’employé accepte-t-il l’autorité de l’employeur?39

39 Bien que Simon pose explicitement cette question : “Pourquoi W signe-t-il, pour ainsi dire, un chèque

en blanc en donnant à B son autorité sur son comportement?” (p. 295). Sa théorie formelle ne permet pas

d’y répondre car l’employé n’a jamais intérêt à s’y soustraire, notamment en raison de l’absence d’asymétrie d’information.

Simon fait l’hypothèse que les arguments des fonctions de satisfaction sont additives, on écrit S1 et S2, les fonctions de satisfaction de B et W de la façon suivante :

S1  F1(x) a1w et S2  F2( x) a2w , avec F1(x) 0, F2(x) 0, a1 0 et a2  0. On

suppose que si W et B n’effectuent pas de contrat ensemble, alors S1  S2  0. De même,

si un accord est trouvé, alors S1 0, S2 0, ce qui signifie que la relation d’autorité est

d’emblée considérée comme ne pouvant pas diminuer l’utilité d’un protagoniste : ce postulat conduit à ignorer toute question relative à l’aléa de moralité de la part de l’employé mais aussi à l’abus d’autorité de la part de l’employeur. Pour que le système soit viable, x et w doivent satisfaire les conditions suivantes : F1 a1w et - F2  a2w, ce

qui donne la condition nécessaire et suffisante a2F1  a1a2w a1F2. L’auteur démontre

à partir de la fonction de satisfaction jointe T (x, w) a2S1(x, w) a1S2(x, w)  a2F1(x) a1F2(x) T(x), que l’ensemble de solutions préférées

 

x,w est celui qui

permet à T ( x ) d’atteindre sa valeur la plus élevée.

Simon compare ensuite les caractéristiques des deux types de contrats que sont 1) le contrat d’achat-vente et 2) le contrat d’emploi. Le choix de l’une ou l’autre forme contractuelle dépendra de l’incertitude portant sur les satisfactions F1( x) et F2( x)

associées à un x donné, au moment où B et W devront choisir et signer un contrat.

1) le contrat d’achat-vente : il consiste dans un premier temps à estimer le x optimal qui permet de maximiser la valeur espérée T ( x ). Dans un second temps, les parties trouvent un accord pour préciser le w pour lequel W réalisera la tâche spécifiée x. La fonction jointe espérée s’écrit :  T(x)

a2 F

 

1(x)  a1 F

 

2(x) . La procédure de maximisation correspondant au contrat d’achat-vente consistera donc à max

x  T(x)

puis à s’arranger sur la valeur de w.

2) le contrat de travail : il consiste à inverser l’ordre des deux séquences de résolution. Dans un premier temps, les parties décident du niveau de salaire w et dans un second temps, une fois que les valeurs exactes de F1 et F2 sont connues, un x particulier

est sélectionné selon une procédure spécifiée à l’avance. Ainsi que le remarque Simon, il est possible d’imaginer un grand nombre de procédures différentes pour sélectionner

x, l’une40 d’entre elles consiste en ce que W permette à B de sélectionner x dans un

ensemble spécifié X, c’est à dire que W accepte l’autorité de B. La caractéristique de ce mécanisme est que B va très probablement choisir la valeur de x dans X qui sera optimale pour lui, comme w est déjà fixé, il maximise F1( x). Le contrat de travail tel

que Simon le définit, grâce à l’autorité qu’il institue, permet de faire face à l’incertitude en donnant le droit à l’un des protagonistes de différer la sélection de l’action que doit effectuer l’autre partie, sans pour autant que survienne une nouvelle négociation et un nouveau contrat. Cette propriété caractéristique de la relation d’autorité à faire face aux

contingences non prévues sera au premier plan, trente ans plus tard, dans toutes les analyses théoriques relatives à cette question.41

Une fois w spécifié, B choisit x dans X pour maximiser F1( x). Si l’on écrit xm le

x dans X solution de max

xX F1(x), le résultat en terme de satisfaction jointe s’écrit : Tx   a

2F1(xm) a1F2(xm)

. La notion de solution préférée permet de définir l’ensemble préféré X comme celui permettant à Tx d’atteindre sa valeur maximale. Dès lors, Simon remarque que le contrat d’achat-vente, où X ne contient qu’un seul élément, se présente comme un cas limite du contrat d’emploi. C’est donc l’étendue de l’aire d’acceptation qui différencie l’un et l’autre contrat. L’auteur écrit : “notre notion

d’ensemble préféré nous fournit une théorie rationnelle pour déterminer l’étendue de l’autorité de B sur W” (p. 299). Remarquons que si cette étendue de l’aire d’acceptation

est connue avant la signature du contrat alors, il n’y a pas d’incomplétude mais seulement de l’incertitude : Simon n’envisage donc pas vraiment la question de

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