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2.4.2 Ben Ali et l’Islam

Chapitre 2. L’identité : dimension psychosociale

II- Les théories de l’identité sociale

2. Les processus identitaires selon la théorie de l’auto-catégorisation sociale de Turner

Pour la théorie de l’auto-catégorisation sociale (Turner, 1982 ; Turner, Hogg, Oakes, Reicher, et Wetherell, 1987 ; Turner, Oakes, Haslam, Haslam et McGarty, 1994)Le comportement d'un individu ne dépend pas de ses relations interpersonnelles mais de la perception de son appartenance qui n’est pas fixe et stable puisque l’individu peut se percevoir appartenir à plusieurs catégories (ou groupes) à la fois, chaque catégorie sociale est la résultante d’une interaction entre les caractéristiques de l’individu et celles de la situation sociale. Ainsi, quand les individus se définissent, ils procèdent par trois types de catégorisations, l’humain, le social et l’individuel. Ce système d’auto-catégorisation est inductif, ce qui donne trois types d’appartenances organisées dans un système hiérarchique de classification dont les niveaux supérieurs incluent entièrement les niveaux inférieurs et où habitent les représentations cognitives de soi. En effet, au niveau inférieur, individuel ou subordonné, l’individu s’auto-catégorise comme une personne singulière et réalise pour cela des comparaisons entre Je et l’autre de son groupe d’appartenance en faveur de lui-même (le Soi), ce qui va augmenter les différences inter-inter-individuelles. Au niveau intermédiaire, l’individu s’auto-catégorise comme membre d’un groupe et réalise des comparaisons intergroupes ce qui va augmenter par effet d’assimilation ou de stéréotypie cognitive, les similitudes intra-catégorielles et, par contraste, les différences inter-catégorielles, entre endogroupe et exogroupe. Enfin, au niveau supérieur l’individu s’auto-catégorise comme étant membre de l’espèce humaine, et se définit incomparable avec son espèce mais réalise des comparaisons favorables à lui avec les autres espèces. Turner a maintenu par cela le pôle individuel de Tajfel (le soi comme individu unique) et dichotomisé le pôle collectif en d’une part l’identité sociale et d’autre part l’identité spécifique (ou collective). Alors, à chaque niveau, l’individu est motivé à évaluer positivement les catégories auxquelles il appartient. Avec la théorie de Turner l’identité nous apparait à l’articulation de trois dimensions, singulière, sociale et universelle. Sans la dimension singulière on n’est qu’une photocopie de notre groupe d’appartenance, sans la dimension sociale, on manque d’appartenance culturelle et sociale, sans la dimension universelle, toutes nos identités annoncent la guerre idéologique.

Page 71 Les processus qui entrent en jeu dans la détermination de l’identité sont différents de ceux mentionnés par la théorie de Tajfel, ces processus sont l’antagonisme fonctionnel, le méta contraste et la dépersonnalisation.

2.1. L’antagonisme fonctionnel

Pour Turner, le choix du niveau d’auto-catégorisation inhibe la perception de différences intra-catégorielles et stimule la perception de différences inter-catégorielles, il freine aussi la perception de similitude interclasse, au niveau supra ordonné, c'est-à-dire entre espèces. Par exemple une comparaison entre deux groupes ethniques au niveau intermédiaire n’est possible que si ces deux groupes sont reconnus similaires au niveau spécifique c'est-à- dire humain.

2.2. Le méta contraste

Dans chaque niveau, l’individu va établir une distinction positive en sa faveur, cette distinction se fait selon le processus de catégorisation mis en évidence par Tajfel et Wilkes ; une maximisation de ressemblances intra-catégorielles et de différences inter-catégorielles, entre endogroupe exogroupe. Autrement dit, selon la situation, c’est l’individu qui choisit à s’identifier à tel ou tel groupe et à abandonner tel autre.

2.3. La dépersonnalisation

La dépersonnalisation permet aux individus de passer de leur identité personnelle vers une identité sociale. Dans ce processus, les caractéristiques personnelles des sujets s’estompent ou disparaissent de la conscience et sont remplacées par les caractéristiques stéréotypées du groupe. Cela veut dire que, une fois insérés dans une catégorie les individus seront « des exemplaires interchangeables » d’une catégorie. Il s’agit d’une redéfinition cognitive du soi qui ne se définit plus à partir d’attributs de son identité personnelle mais bien en fonction de son appartenance sociale et des stéréotypes qui y sont associés. « La dépersonnalisation du soi est la stéréotypisation subjective du Soi en fonction de la catégorisation sociale pertinente » (Turner, 1999, p. 12). L’auto-stéréotypisation produit alors un biais d’assimilation qui amène l’individu à se comporter conformément aux normes de son groupe d’appartenance.

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2.4. Conclusion

L’objet central de cette théorie est le groupe et non les relations entre groupes. Le choix de la catégorie ou du groupe dépend de plusieurs facteurs; les caractéristiques de la situation, les caractéristiques du sujet percevant et ses dispositions cognitives (ses expériences passées, ses motivations actuelles, ses valeurs, ses opinions et attitudes, ses objectifs et besoins personnels) et enfin l’adéquation de la catégorie avec la réalité que l’on cherche à se représenter. Cette adéquation a deux natures ; comparative (institutionnelle) qui fonctionne selon le principe de méta contraste et normative qui fait référence au contenu et à la signification sociale de la catégorisation. Cela veut dire que ce n’est pas le conflit intergroupe et le besoin d’avoir une identité sociale positive qui vont faire surgir l’identité sociale mais la saillance de la catégorie. Par exemple l’identité musulmane d’un individu peut être la plus saillante si ce dernier se trouve dans une comparaison avec un juif et moins saillante s’il se compare avec un autre musulman. L’auto-catégorisation permet à l’individu de produire le comportement social le plus adapté et le plus utile à la situation. Cette théorie a de ce fait approfondi les aspects cognitifs de l’identité sociale. Aujourd’hui, elle a une influence considérable sur les approches en psychologie sociale, notamment celle des représentations sociales.

Dans notre étude, le mot stimulus « Musulman », présent dans la consigne normale va rendre saillante l’appartenance musulmane, étant Musulman, le sujet va alors mettre de côté ses caractéristiques personnelles et adopter un comportement collectif conforme aux normes du groupe d’appartenance. Le processus de dépersonnalisation facilite au soi le passage d’un niveau de fonctionnement individuel à un niveau de fonctionnement collectif. Par contre quand on ajoute « Tunisien » et « Orient » à l’inducteur « Musulman », au niveau de la consigne de substitution on va activer le processus d’antagonisme fonctionnel dont la fonction est d’inhiber la perception de similitude intra-catégorielle et de stimuler la perception de différence inter-catégorielle, ce qui rend le niveau de catégorisation intermédiaire plus saillant, et le résultat est une différenciation entre Nous Musulmans Tunisiens / Eux Musulmans d’Orient.

Une fois devenues saillantes, ces deux catégories vont inciter le sujet à prendre parti pour ou contre Eux. L’attitude favorable ou défavorable dépend en effet de la nature des rapports intergroupes, compétitifs ou coopératifs. Pour vérifier s’il y a entente ou désaccord entre le Musulman Tunisien et le Musulman d’Orient, si le Musulman d’Orient est catégorisé

Page 73 comme un endogroupe ou comme un exogroupe, voire s’il continue à être un référent religieux pour le Tunisien, nous devons chercher si le processus méta contraste engendre une identité sociale distincte et positive, ce favoritisme endogroupe va se manifester dans les représentations et les attitudes induites par les questions d’évocation et les connotations que les sujets vont attribuer à leurs associations.

Mais cette théorie, à elle seule, ne permet pas d’expliquer toutes les formes de la discrimination. La recherche d’Elias (Elias et al., 1997) menée sur une petite ville anglaise où les habitants sont tous des immigrés partageant la même nationalité, la même langue, la même religion et emplois a montré une discrimination marquante entre ces habitants en fonction d’autres critères comme leur ancienneté et nouveauté dans le pays. La discrimination peut avoir lieu sans jugement négatif sur la race ou sur le niveau socio- économique et culturel Pour mieux expliquer le phénomène de la discrimination, nous pensons que l’approche des représentations sociales pourrait apporter mieux des éclaircissements convaincants, surtout si nous considérons dans l'étude sa dimension affective et évaluative.

III- Résumé du chapitre 2 : la dimension psychosociale de