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2.4.2 Ben Ali et l’Islam

Chapitre 3. L’identité: dimension catégorielle

VII- Les stéréotypes et les méta-stéréotypes en tant que produit et processus catégoriels

6. La mesure des stéréotypes

Les psychologues sociaux ont mis en évidence plusieurs méthodes pour mesurer les stéréotypes, nous présentons brièvement quelques-unes de ces méthodes puis nous commentons les avantages de ces méthodes à la méthode que nous avons utilisée dans cette recherche.

6.1. Les mesures explicites des stéréotypes

Ces mesures sont appelées aussi mesures classiques. Elles sont fondées sur l’évaluation de la disponibilité des traits de caractères donnée au sein d’une catégorie. Autrement dit, elles cherchent à repérer chez les individus ou les groupes, avec une échelle d’attitude, les représentations associées à un stéréotype. Nous citons dans ce cas la méthode de la liste d’adjectifs de Katz et Braly (1933) et la méthode des pourcentages d’attributs partagés de Brighman (1971).

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6.1.1. La liste d’adjectifs de Katz et Braly

Katz et Braly (1933) considèrent le stéréotype comme une croyance socialement partagée. Ils ont développé une méthode dans une recherche célèbre sur les groupes ethniques selon laquelle on demande aux sujets de choisir dans une liste de traits, les cinq traits caractérisant le mieux les membres d’un groupe donné. Selon Braly et Katz cette méthode permet d’identifier les traits stéréotypiques partagés par les individus. Cela se fait en calculant les fréquences de choix de chacun des traits produits dans une population, les traits stéréotypiques sont ceux sélectionnés par un grand nombre de personnes, ceux qui montrent un fort consensus. Pour étudier la dimension contextuelle du stéréotype, Madon, Guyll, Aboufadel, Montiel, Smith, Palumbo et Jussim (2001) ont repris les résultats de Katz et Braly et les ont comparés à des recherches similaires réalisées vers les années soixante, il ressort que les contenus des stéréotypes des dix groupes ethniques ont changé, le japonais jugé intelligent et progressiste vers les années trente devient rusé et sournois trente ans après. Le stéréotype change en fonction du temps et du contexte de son actualisation.

6.1.2. La méthode des pourcentages d’attributs partagés de Brighman

Contrairement à Katz et Braly, Brighman (1971) considère le stéréotype comme une croyance individuelle. De fait, il pense que si la méthode de la liste d’adjectifs permet de mettre en évidence la présence d’un consensus chez un groupe donné, elle ne permet pas de montrer l’existence des stéréotypes chez chaque individu. Pour combler cette lacune, Brighman propose une méthode fondée sur le calcul de pourcentages des attributs partagés. Avec une échelle de Likert allant de zéro à cent pour cent, on demande aux sujets d’estimer le pourcentage des membres d’un groupe donné possédant tel ou tel trait. L’avantage de cette méthode est la facilité de son utilisation.

6.2. Les mesures implicites des stéréotypes

Ces mesures reposent sur les processus de traitement de l’information et plus précisément sur le mode de fonctionnement de notre mémoire. Elles se fondent sur la vitesse avec laquelle l’information nous vient à l’esprit. L’objectif de ces mesures est de déterminer si les connaissances présentes en mémoire (concepts, traits de personnalité) sont activées par la présentation d’une catégorie sociale ou d’un membre de cette catégorie. Le principe de base de ces mesures repose alors sur l’idée que les représentations constitutives des stéréotypes constituent un réseau, l’activation d’une représentation donnée peut modifier l’accessibilité à une autre représentation associée dans le réseau. Pus la force de la relation est

Page 94 importante plus une représentation est activée, et plus une représentation est activée plus elle vient rapidement à l’esprit. Cela nous rappelle l’association des idées appliquée en psychanalyse. Nous citons comme exemple, la méthode des associations libres et la méthode d’amorçage séquentiel.

6.2.1. La méthode des associations libres

Appelée également méthode d’évocation libre ou d’induction qui consiste à dire ce que l’on pense en évoquant un mot. Cette méthode permet de répertorier les stéréotypes qu’un groupe entretient vis-à-vis d’un autre groupe on demande à un échantillon de personnes de « dire tout ce qui leur vient à l’esprit à l’évocation d’un groupe social donné » ce qui permet d’accéder au contenu d’une représentation sociale (De Rosa, 1988 ; Vergès, 1992 ; Abric, 1994). Le contenu de la représentation d’un groupe (ou du stéréotype) sera repéré par les mots cités par chaque individu pour qualifier les membres d’un groupe social donné. On obtient un contenu bien précis de stéréotypes, ce contenu varie en fonction de l’ordre d’apparition du trait et en fonction de sa fréquence (sa répétition dans les évocations des sujets). Plus un terme apparait rapidement plus il est central et mieux il est représentatif du groupe. Cette méthode a l’avantage de ne pas trop déranger les sujets avec une longue liste de questions, de leur donner plus de liberté dans l’exercice d’évocation et de permettre d’accéder facilement et rapidement à un contenu plus riche et plus consistant associé à la catégorie sociale. Le logiciel adapté à l’approche des représentations permet aussi d’avoir des résultats pertinents dont le traitement manuel s’avère fastidieux et extrêmement longs et compliqués.

6.3. Adaptation des mesures explicites et implicites des stéréotypes à

la technique de notre recherche

Les mesures explicites des stéréotypes ont deux limites, la première est l’interférence de la présence de l’enquêteur sur les réponses produites (par échelle), donc les réponses ne sont pas tout à fait conscientes et il y a une possibilité d’influencer les attitudes et les comportements par la situation expérimentale. La seconde, étant fondée sur un processus d’introspection, les sujets vont avoir la possibilité de cacher ou de contrôler leurs attitudes personnelles. La désirabilité sociale ou les normes peuvent ainsi inhiber l’expression des stéréotypes. Les mesures implicites, quant à elles, permettent une estimation de l’activation des stéréotypes en mémoire et d’obtenir des résultats subtils mais leur utilisation est très limitée parce que le chercheur doit avoir et savoir utiliser ses techniques et matériels de recueil et d’analyse des données.

Page 95 Dans notre recherche nous avons pris en considération une mesure à la fois implicite et explicite, individuelle et collective des stéréotypes correspondant à toutes les méthodes que nous avons citées. En effet, une association libre (Vergès 1992) sous le mot inducteur « Musulman » puis « Musulman Tunisien », d’abord en son propre nom puis au nom du « Musulman d’Orient » permet de rendre compte des attributs partagés entre le groupe d’appartenance et le groupe de référence (Katz, Braly, 1933) et ceux qui caractérisent particulièrement le groupe d’appartenance (Brigham, 1971) et spécifiquement les sous- groupes d’appartenance (McCauley et Stitt, 1978). De même évoquer librement les cinq premiers mots qui viennent à l’esprit et les cinq caractéristiques les plus typiques que les Musulmans d’Orient attribuent aux Musulmans Tunisiens permet d’accéder facilement et rapidement aux stéréotypes du groupe d’appartenance (De Rosa, 1988 ; Vergès, 1992 ; Abric, 1994). L’évocation libre des mots sous l’inducteur « Islam » au nom du musulman d’Orient permet aussi de mobiliser les préjugés et les stéréotypes que portent les sujets sur le groupe de référence.

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