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2.4.2 Ben Ali et l’Islam

Chapitre 4. L’identité : dimension représentationnelle

II- Contenu et structure de la représentation sociale

La représentation n’est pas une copie conforme de la réalité mais une interprétation de celle-ci. Etant ainsi, elle n’est que dans l’esprit de l'homme, dans sa pensée et son imagination, ses éléments constitutifs sont des cognitions, des pratiques, des jugements et des émotions dont l’organisation détermine sa signification. Nous détaillons ce contenu et cette structure ci-après :

1. Contenu de la représentation

1.1. Eléments cognitifs

Les représentations ont un contenu. Pour Moliner une représentation est un ensemble d’« information, d’opinions et de croyances » (1996, p.13) dont certaines sont plus importantes que les autres. Ce sont les individus qui, au cours de leurs échanges, en fonction du contexte, s’accordent à leur établir cette classification et cette hiérarchisation. Les études sur l'information au niveau des représentations sociales montrent qu'elle est sélective et varie selon l'attitude du sujet. Les opinions quant à elles sont des points de vus rationnalisés et argumentés, élaborées pour justifier les conduites. De ce fait, elles restent souvent au niveau

1 Cette citation est une réponse à la question que j’ai posée au professeur Rouquette sur les nexus lors du Congrès International des Représentations Sociales CIRS ayant lieu en Tunisie en 2010

Page 115 des clichés collectifs. L’ensemble d’informations et d’opinions forment une croyance, vécue comme une conviction à laquelle le groupe tient comme vraie mais sans preuve. Certaines recherches ont montré qu’une représentation est formée de plus de croyances que d'informations. Quand ces croyances se durcissent elles deviennent des normes et des valeurs constituant l’environnement idéologique du groupe et du moment (Abric, 1994).

Une deuxième définition sur le contenu de la représentation affirme qu’elle est aussi constituée d’un ensemble « d’attitudes» (Abric, 1994, p.19), de « jugements et de stéréotypes » (Ibid., p.25), qui orientent les « pratiques » et les conduites, jouent comme une grille « d’interprétation de la réalité » (ibid, p.13), l’interprétation et le jugement sont loin d’être objectifs. L'attitude est un état mental qui oriente la personnalité et l’identité (ex. l'attitude xénophobe et raciste). Elle est plus stable et plus fiable que l'opinion, puisque c'est une tendance à réagir, une préparation à l'action et une conduite anticipée. Les études sur les changements d'attitudes (Lewin, 1945) montrent qu’elle fonctionne mieux en groupe. Il est plus facile de repérer ou de faire changer l'attitude d’un individu lorsqu’il est en groupe que lorsqu’il est isolé. D’où l’intérêt d’étudier les attitudes, selon Doise (1992), dans leur ancrage dans des catégories d’appartenance en lien avec les rapports sociaux que dans les caractéristiques psychologiques (ou dispositions internes) des individus. L’attitude a quatre fonctions ; de connaissance, d’adaptation, d’expression des valeurs et de défense de soi, aussi trois composantes, cognitive, affective et opératoire. Sa composante affective s’exprime par une attraction ou un rejet, j’aime ou je n’aime pas, je suis pour ou je suis contre. Nous nous attendons à réactiver sa composante affective et sa fonction de défense du soi avec les connotations que les sujets sont incités à attribuer à leurs associations.

C’est pour cela que maints chercheurs (Moscovici, 1988 ; Jodelet, 1989) rappellent que les représentations ont toujours une base affective et qu’il faut prendre en considération les émotions « pour comprendre comment s’opère la construction sociale de la réalité » (Guimelli et Rimé, 2009, p.166).

1.2. Eléments affectifs

1.2.1. Les émotions

Si les attentes et les craintes sont des éléments évaluatifs de la représentation comme l’affirme Moliner (Moliner et Tafani, 1997), elles sont aussi des émotions. Du fait que les représentations sont inscrites dans le temps et socialement élaborées (Lheureux et Guimelli, 2009) ces émotions sont temporaires et circonstancielles, on peut supposer que celles-ci

Page 116 constituent la partie la plus vivante, le cœur battant de la représentation, voire le seau qui marque son actualité. Par conséquent, si les émotions sont circonstancielles, c’est parce qu’elles ont pour origine des événements et des conditions de vie partagées collectivement, elles vont ainsi amener les individus à appréhender et réagir différemment à l’objet de représentation.

1.2.2. Les stéréotypes

Les stéréotypes sont plus forts et plus tenaces que les opinions ou les préjugés, car ils sont chargés par plus d’émotion. Ce sont des opinions majoritaires, qui constituent la marque du groupe, Fiske (1998) les considère comme la part cognitive de l’attitude, puisque les attitudes sont un élément de la représentation, les stéréotypes en sont un produit partiel (Vidal et Brissaud-le-Poizat, 2009). Abric (1994) les situe au niveau périphérique mais dans certaines conditions socio-affectives ou idéologiques, il a pu les identifier au niveau central. Moscovici (1961), dans ses premières analyses, les considère comme les conséquences du processus représentationnel puis il montre que les représentations sont les conséquences des stéréotypes. Doise et Deschamps (1973) considèrent les stéréotypes comme étant le noyau central des représentations sociales qu’ils proposent d’appeler représentations intergroupes. Présents au niveau central ou périphérique de la représentation, les stéréotypes vont jouer le rôle d’un filtre à travers lequel se re-codifie la perception sociale et se déterminent les rapports entre différents groupes sociaux.

1.2.3. Les nexus

Les nexus sont des stéréotype très anciens stabilisés dans le temps parcequ'ils ont une forte connotation affective. Ils sont propres à une culture donnée et à une période historique donnée. Plusieurs recherches (Campos et Rouquette, 2000, 2003 ; Delouvée, 2005, 2006) ont montré que si l'objet de représentation active un nexus, il prendra une forte connotation affective. Nous citons dans ce cadre les deux recherches qui nous semblent les plus importantes (Lo Monaco ; Rateau ; Guimelli, 2007) conduites à propos de la représentation du groupe idéal à partir d'une technique de mise en cause. La première montre que l'activation d'un nexus module fortement l'effet de la mise en cause d'un élément central de la représentation et que, inversement, une menace pesant sur un nexus entraîne un rejet massif de l'objet même lorsque celui-ci apparaît comme conforme à ses prescriptions centrales. La seconde recherche prouve le pouvoir du nexus dans la réduction des divergences intra et inter-groupales. Ces résultats permettent de comprendre le contenu et les fonctions de la

Page 117 composante émotionnelle ou affective des représentations sociales dans le masquage des processus de différenciation inter-catégorielle.

C’est la consigne de substitution portant sur les cognitions et les connotations (les signes (+) et (-) attribuées par les sujets à leurs associations) qui vont nous permettre de repérer facilement les stéréotypes, les émotions ainsi que les nexus dans les réponses recueillies.

1.2.4. Les prototypes

Quand il porte sur un objet social, le prototype est le modèle idéal voire le plus représentatif de la catégorie, il a une connotation positive et suscite une attitude favorable. Quand la représentation porte sur un objet physique, le prototype pourrait se manifester sous forme de normes sociales et de valeurs collectives très valorisées.

1.3. Elément praxiques