• Aucun résultat trouvé

2.4.2 Ben Ali et l’Islam

Chapitre 3. L’identité: dimension catégorielle

V- Les biais cognitifs de la catégorisation sociale

1. Biais égocentriques

Ces biais sont mobilisés lors du traitement des informations relatives aux individus. Appelés aussi biais de complaisance parce que les sujets cherchent à maintenir une image positive d’eux-mêmes (Guimelli, 1999). C’est pourquoi ils favorisent les groupes dont ils font partie (l’endogroupe) des groupes dont ils ne sont pas membres (l’exogroupe), ils renforcent donc selon le cas le sentiment de similitude ou de différence.

1.1.

Biais de contraste et d’assimilation

Appelés également biais de favoritisme intragroupe ou endogroupe. Ces biais mis en évidence par Tajfel (1972) sont utilisés par le sujet afin d’exagérer son importance dans un groupe. Il s’agit du biais d’accentuation des différences inter-catégorielle ou biais de contraste, et du biais de surestimation des ressemblances intra-groupales ou biais d’assimilation. Ces deux processus cognitifs permettent de distinguer les groupes d’appartenance des groupes de non appartenance. Les endogroupes sont ceux auxquels l’individu s’auto catégorise, s’identifie et ressent une appartenance, un partage de caractéristiques, de buts et de sort commun. Cette auto-catégorisation varie en fonction de la situation (Oakes, Haslam et Turner, 1994) où certaines appartenances sont plus désirables que d’autres.

1.2.

Biais de faux consensus comme stratégies de protection de soi

Le faux consensus est un jugement social qui consiste à attribuer ou à projeter sur autrui ses propres opinions et traits de caractère et de comportement. C’est pour cela que les psychologues sociaux le considèrent comme un processus égocentré d’assimilation et de différenciation. Ce phénomène cognitif a été identifié pour la première fois par Ross (Ross et al., 1977) qui, dans une série d’expériences, ont montré comment les gens croient la plupart du temps que leurs opinions, attributs, caractéristiques ou comportements sont plus partagés par leurs pairs qu’ils ne le sont en réalité, ils ont expliqué ces attitudes par le biais du faux consensus. Marks et Miller (1987) ont repris les hypothèses proposées par Ross et ses collaborateurs du faux consensus et montré qu’elles reposaient sur des modèles théoriques dominantes en psychologie sociale, à savoir les théories de l’attribution sociale, les théories cognitivistes, les théories des relations intergroupes et les théories motivationnelles, ce qui laisse comprendre que le faux consensus est un mode particulier de traitement d’informations

Page 81 déterminé par des facteurs situationnels, dispositionnels, identitaires, cognitifs et motivationnels pour défendre le soi et réduire la dissonance cognitive. Les stratégies de jugement et de traitement de l’information sociale à propos du consensus dépendent de plusieurs facteurs dont les plus importants sont le statut social du groupe d’appartenance et les motivations identitaires des sujets. Nous explicitons ces deux dernières fonctions du faux consensus vu leur importance pour notre étude.

1.2.1. Faux consensus et relations intergroupes

Quel lien entre le statut du groupe d’appartenance, les relations intergroupes et le faux consensus ? Hots et Miller (1985), Mullen et Hu (1989), Mullen, Dovidio, Johnson et Copper (1992), Sherman, Chassin, Presson et Agostinelli (1984) notent que les individus ne jugent pas de la même manière le consensus de l’endogroupe et le consensus de l’exogroupe, l’appartenance des sujets à un même groupe favorise l’émergence du sentiment identitaire et d’une plus grande similitude entre soi et autrui de l’endogroupe qu’entre soi et autrui de l’exogroupe (Wagner et Gérard, 1983, cité par Verlhiac, 2000) du fait que les exemplaires dont disposent les individus en mémoire sont fournis par la fréquentation des gens qui leur ressemblent. Spears et al. (1987), aussi Spears et Manstead (1990) soulignent que l’augmentation du faux consensus dépend des représentations, des préjugés et des stéréotypes que les sujets développent à l’égard des groupes de non appartenance, donc les jugements du consensus sont déterminés par la nature des relations intergroupes.

1.2.2. Faux consensus et protection de soi

Selon la perspective motivationnelle, le faux consensus est un processus égocentré. Il s’agit d’un mécanisme de projection des idées et des qualités de soi non désirables sur autrui. Cette projection est la conséquence d’un mécanisme de défense du soi et de réduction d’une dissonance éprouvée par les sujets lors de la possession des traits indésirables (Holmes, 1968, 1978, 1981, Sherwood, 1981). Dans ce cas, le faux consensus permet aux individus de façonner la réalité sociale selon leur point de vue personnel pour faire face à l’adversité et s’adapter à ses contraintes. Ces tentatives multiples d’adaptation visent la protection du soi.

En effet, diverses conditions sociales actualisent et augmentent le faux consensus, par exemple, Campbell (1986) et Goethals (1986) ont montré que ce phénomène est observé dans un contexte menaçant, dans ce cas, le faux consensus va réduire le sentiment d’anxiété dû à la possession des traits et caractéristiques négatifs et indésirables. Le faux consensus a pour fonction, ici, l’autoprotection de soi. Le faux consensus apparait aussi quand les sujets ont un

Page 82

sentiment de déviance (Frable, 1993), subissent des échecs (Agostinelli, Sherman et al.,

1992 ; Sherman et al., 1984 ; Smith, 1960), veulent se conformer à un groupe (marks et Al., 1992) ou quand ils font partie d’un groupe minoritaire. Il dépend aussi du contexte évaluatif dans lequel les sujets sont placés et de la signification qu’ils accordent à cette évaluation. En effet, le faux consensus augmente notamment quand les sujets savent qu’ils sont évalués, une évaluation négative, et en public non en privé (Smith et Whitehead, 1988), sa principale fonction sera dans ce cas de réduire l’échec de cette évaluation. Monteil (1993), Monteil et al. (1996), en travaillant sur des situations de jugement public des bons et mauvais élèves montrent que les bons élèves n’assument pas publiquement une évaluation négative, ils notent que suite à une évaluation défavorable diffusée publiquement, congruente avec le niveau de réussite habituel ( Verlhiac, 1995, 1997) les sujets adoptent des stratégies d’autoprotection de soi par la construction d’une nouvelle signification de la situation sociale, alors le faux consensus est déterminé par le niveau d’estime de soi, des appartenances sociales et du processus de comparaison sociale auxquels les sujets sont exposés et contribue à la déformation de la réalité sociale en faveur des sujets concernés.

Verlhiac (2000) conclut que le faux consensus a plusieurs fonctions, l’autoprotection de soi et la valorisation de soi, il permet aux sujets, dans le cas d’une comparaison sociale négative de satisfaire le besoin d’appartenir à un groupe social valorisé et d’être vus positivement par les autres groupes avec lesquels ils entretiennent des relations sociales importantes. Le faux consensus est alors déterminé par la combinaison de plusieurs facteurs sociaux qui le renforcent ou l’affaiblissent (Doise, 1993), de ce fait, il augmente ou diminue selon les propriétés du contexte de sa production, la saillance ou non de la comparaison sociale, la position des sujets dans la situation de comparaison, en tant qu’évaluateurs (membres d’un groupe majoritaire) ou évalués (membres d’un groupe minoritaire), selon que les sujets concernés subissent un échec ou une réussite, ont un niveau élevé ou faible d’estime de soi, l’importance qu’ils accordent à leurs attitudes, les représentations qu’ils ont de soi, de leur groupe et des autres groupes d’appartenance, bref le faux consensus dépend des motivations à surestimer le soi et le groupe d’appartenance.

1.3.

Biais de fausse unicité comme stratégies d’amélioration de soi

Un grand nombre de recherches (Harris et Wilshire, 1988 ; Ross et al., 1977) ont montré que le faux consensus est présent même quand les sujets ont des caractéristiques socialement désirables mais varie en fonction du niveau d’estime de soi et de dépression des sujets (Verlhiac, 2000, p.170). Dans ce cas, il est appelé faux consensus inversé ou biais de

Page 83 fausse unicité. Il s’agit de minimiser, chez l’autre, les opinions et les attributs positifs, les sujets vont alors réduire le consensus ou la similitude entre soi et Autrui parce qu’ils perçoivent leurs habiletés ou leurs attributs positifs comme exceptionnels, qu’ils se considèrent les meilleurs, ils cherchent par cette stratégie l’accroissement du soi (Manstead et al., 1992 Marks, 1984). Ce sont les représentations, les préjugés et les stéréotypes qui aident les sujets à minimiser chez les groupes cibles, les traits positifs.

Chokier et Rateau (2009) ont pu mobiliser ces deux biais de faux consensus et de fausse unicité avec la consigne de substitution en manipulant différentes situations de comparaison sociale et concluent que ces deux biais permettent aux sujets d’atteindre un favoritisme endogroupe. Dans notre étude, nous pensons envisager les stratégies de changement motivationnelles en s’appuyant sur ces hypothèses de faux consensus et de fausse unicité.