• Aucun résultat trouvé

2.4.2 Ben Ali et l’Islam

Chapitre 4. L’identité : dimension représentationnelle

I- Les représentations sociales

2. Présentation des différentes approches d’étude des représentations sociales

2.4. Les approches récentes

2.4.1. Le modèle bidimensionnel de Moliner

Moliner trouve que la représentation est évaluative de nature et propose une deuxième dimension à la structure interne de la représentation qu’il appelle dimension évaluative. Alors, il a supplémenté au noyau central un caractère évaluatif, ce qui a facilité l’analyse de la dynamique des représentations sociales et a permis d’établir des ponts théoriques entre le concept d’attitude et celui de représentation sociale (Moliner, Tafani, 1997).

Selon ce modèle bidimensionnel (1994, 1996), le champ représentationnel s’organise autour de deux dimensions indépendantes, une dimension structurale relative au statut central versus périphérique formée de croyances associées et une dimension évaluative renvoyant aux prises de position envers ces croyances. Cette dernière pourrait être appréciée par une échelle d’attitude. Le modèle bidimensionnel de Moliner conçoit donc quatre champs cognitifs distincts, regroupés selon leur centralité et leur caractère plus ou moins évaluatif, ce qui permet de comprendre le rôle stabilisateur et structurant des croyances centrales s’exprimant dans la dimension évaluative de la représentation

Page 112 Zone du noyau central :

Ø pôle descriptif : il comprend des croyances centrales, non évaluatives permettant de définir l’objet de représentation,

Ø pôle évaluatif : il regroupe les normes, éléments centraux évaluatifs importants permettant de juger généralement l’objet de représentation.

Zone des éléments périphériques :

Ø pôle descriptif : il comprend des descriptions, des éléments non évaluatifs, Ø pôle évaluatif : traduit les attentes et les craintes individuelles.

Ainsi, les deux champs investis de valeurs positives ou négatives et sur lesquels doit porter une analyse factorielle approfondie sont le pôle évaluatif central et le pole évaluatif périphérique où résident les normes, les attentes et les craintes qui sont plus individuelles, plus émotionnelles donc plus évaluatives que les normes. Selon Moliner (1994, 1996), il y a alors dans la représentation des éléments plutôt descriptifs et des éléments plutôt évaluatifs, ces derniers ont une forte connotation évaluative parce qu’ils traduisent ce que les sujets ressentent à l’égard de l’objet de représentation.

2.4.2. Les études de Guimelli et Rimé portant sur la dimension affective de la

représentation

Les émotions peuvent changer la signification de l’objet de représentation selon le contexte vécu, et orienter les pratiques sociales. La logique émotionnelle a pour rôle d’actualiser les objets de représentation en leur inculquant les caractéristiques du contexte social immédiat et les caractéristiques de « l’âme collective » (Le Bon). C’est dans cette logique que réside la signification émotionnelle de l’identité du groupe (Tajfel et Turner, 1972, 1987). Plusieurs auteurs ont parlé de l’implication de la dimension affective ou émotionnelle voire aussi évaluative dans la genèse et l’expression des représentations sociales (Arruda, 2003 ; Boggi Cavallo et Iannacone, 1993 ; Jodelet, 1989, 2002 ; Molinari et Emiliani, 1996 ; de Rosa, 1993 ; Wagner, 1992) sans pour autant approfondir empiriquement leur position. Récemment, des études ont contribué à affiner la recherche sur les éléments constitutifs de cette dimension. Deschamps et Guimelli (2002) et Guimelli et Rimé (2009) considèrent que la dimension affective de la représentation contient des émotions. Campos et Rouquette (2000, 2003), Delouvée (2005, 2006) parlent par contre de nexus « nœuds affectifs prélogiques » associés à certains objets de représentation, notamment des objets sensibles. « Deschamps et Guimelli (2002), ainsi que Guimelli et Rimé (2009) posent que le caractère

Page 113 “sensible” de certains objets sociaux (l'insécurité, l’Islam) amènent les individus à partager et à produire des représentations qui ont plus de charge affective. En conséquence, pour eux, «certaines cognitions qui composent le champ des représentations sont porteuses d’émotions plus ou moins intenses. Celles-ci sont alors susceptibles de colorer ce champ d'une manière spécifique, contribuant ainsi à son organisation » (Deschamps et Guimelli, 2002) » (Lheureux et Guimelli, 2009). Ces constats confirment bien que la représentation a une organisation interne bidimensionnelle formée par des éléments cognitifs et des éléments affectifs évaluatifs. Plus tard, Lheureux et Guimelli ont adopté une approche convergente avec celle de Banchs (1996) qui met l’accent sur le rôle essentiel de la composante affective dans la constitution des représentations sociales et dans la mise en œuvre des pratiques et ont étudié expérimentalement cette approche. Ils ont ainsi prouvé dans une étude empirique, fondée principalement sur une tâche d’association libre puis sur un questionnaire de cratérisation affective, que les deux méthodes ont donné une organisation interne identique des dimensions cognitives et affectives de la représentation étudiée, cela veut dire que les cognitions sont intimement liées aux émotions. Les résultats confirment, alors, les hypothèses de départ qui posent que les cognitions partageant les mêmes sentiments sont plus connexes que celles ne partageant pas les mêmes sentiments.

2.4.3. Les études de Rouquette portant sur la dimension affective de la

représentation des personnes

D’autres recherches sur le contenu de la composante affective ou émotionnelle de la représentation ont pris place autour du concept de "nexus" (Rouquette, 1994). Rouquette définit le nexus comme une forme de connaissance emblématique qui s’exprime dans « des opinions fortement tranchées, des prises de position fortement marquées ou des slogans largement mobilisateurs ». Il s’agit « des termes du langage commun », des « étiquettes verbales à forte valeur affective car se manifestant par des réactions spontanées d’adhésion ou de rejet » (Lo Monaco et Guimelli, 2009) des « noyaux de sens irraisonnés, d’origine affective » (Guimelli, 1999, p.99) couvrant une réalité prélogique et mobilisatrice d’une communauté d’individus. Leur force dépend de la période dans laquelle ils se manifestent et s’expriment. Rouquette (2010) explique que ces noyaux centraux sont différents des noyaux centraux de la représentation, pour cet auteur « la pensée sociale s'élabore et se diffuse principalement dans le cadre des communications, les médias mais surtout les conversations. C’est là où les représentations sociales peuvent être développées, discutées et argumentées puisqu’elles sont avant tout des "théories naïves". En revanche, les nexus sont d'une seule pièce, en tout ou rien : on y croit, on y adhère, cela ne se discute pas, cela ne se détaille pas

Page 114 en éléments périphériques. Tout y est central. Lorsque les gens sont mobilisés par un nexus, ils ne vont pas essayer de l'analyser : le nexus est pour eux de l'ordre de l'évidence, laquelle ne se décompose pas. C'est pour marquer ce caractère d'enchevêtrement, d'entrelacement, de "non-décomposabilité" que j'ai choisi le mot latin de nexus, qui renvoie à un "nœud" de sens, un "bloc" où tout se tient »1.

2.5. Conclusion

De la société au groupe puis à l’individu, des cognitions aux attitudes et émotions, ces approches offrent des explications différentes mais complémentaires sur la dynamique du champ représentationnel et proposent de l’étudier en composantes. Ces composantes ou dimensions pourraient se ramener à trois : informative, structurale et attitudinale. En effet, malgré la différence entre les auteurs sur le nombre des dimensions du champ représentationnel, toutes ces théories recourent au modèle atomique pour illustrer la dimension structurale de la représentation. Elles accordent toutes à la représentation un noyau central autour duquel gravitent des éléments périphériques. Le repérage de ces composantes est indispensable pour l’étude de la représentation.