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1.3.1 Les pratiques

Chapitre 8. Revue de la littérature

1. Etudes sur le phénomène islamique en Tunisie

Une étude en sociologie ayant pour objet « La place de l’éducation islamique dans la vie de quelques familles tunisiennes (Trabelsi, 1975) nous renseigne sur les caractéristiques psychosociologiques des parents que devrait avoir l’échantillon des jeunes tunisiens sur lequel nous allons travailler. La population de cette étude est composée en partition égale d’hommes et de femmes d’origine rurale et urbaine, instruits et non instruits et de niveau socioéconomique favorisé, moyennement favorisé et non favorisé. Les hypothèses portent alors sur le niveau socioéconomique, le sexe, le niveau d’instruction et l’origine géographique des sujets en lien avec le niveau de religiosité des sujets et de leur attachement à la culture musulmane traditionnelle. Les résultats ont montré qu’en général 74% des familles enquêtées accordent plus d’importance à la culture islamique contre 25% qui préfèrent la culture occidentale mais il y a des différences très significatives entre les réponses des sujets en fonction des appartenances sociales. Les ruraux, les femmes, les familles de niveau de vie défavorisé et de niveau d’instruction inférieur sont plus attachés au patrimoine culturel arabo-musulman que les urbains, les hommes, les favorisés et les intellectuels. Le chercheur explique cette différence par l’influence de la culture occidentale qui pousse les classes ouvertes à adopter « tout ce qui a trait à l’Occident parce que conciliable avec le progrès technique, scientifique et avec les grands courants novateurs. L’authenticité et la reconnaissance du patrimoine arabo-musulman sont d’autant plus restreintes qu’elles tendent à être remplacées par d’autres valeurs que l’Islam (Trabelsi, 1975). Ceux de milieu défavorisé et d’instruction inférieure y compris les femmes sont attachés à la culture traditionnelle parce que leurs moyens de s’informer sont très limités. Il conclut que les attitudes religieuses varient en fonction du milieu géographique, du sexe, du niveau économique et culturel du Tunisien. Sfayhi1 (1980), dans sa thèse de doctorat sur « La

femme tunisienne, aspects législatifs, psychologiques et sociologiques de son évolution »

Page 152 montre aussi que plus le niveau d’instruction croît chez la femme tunisienne plus le voile disparait, et partant, moins elle est attachée à la culture arabo-musulmane.

Deux études portant sur l’interdiction du voile en Tunisie et ses répercussions sur la représentation du soi méritent d’être mentionnées. La première est menée par Ben Salem (2010) et a porté sur des témoignages de femmes voilées victimes de discrimination en Tunisie. Elle montre que toutes les femmes interrogées ont subi des humiliations de la part de la police (à l’époque du président Ben Ali) ou de leurs supérieurs hiérarchiques et sont privées dans certains cas du droit à l’enseignement. A titre d’exemple, nous citons deux cas mentionnés par la chercheuse, une étudiante décide de ne pas travailler quand elle aura terminé ses études parce qu’elle est persuadée qu’elle ne trouvera pas de travail à cause du voile. Une autre qui passait le concours pour l’ENA (École Nationale d’Administration) était sure qu’elle ne réussirait pas à l’oral pour la même raison, celle-ci a aussi perdu plusieurs opportunités d’embauche. Toutes les enquêtées qualifient les privations qu’elles vivent de sacrifice. Ainsi, le port du voile qui est à la base un acte de piété devient en Tunisie un acte de résistance, d’affirmation de soi contre les autres. La seconde étude est menée par Graën (1985) montre aussi que le voile, en Tunisie, remplit une double fonction; un moyen pour revendiquer une identité arabo-musulmane et un moyen pour se valoriser et se distinguer des autres. Bref, en Tunisie, « la femme qui se voile n’est pas simplement une pratiquante qui applique une obligation religieuse mais aussi une personne qui fait acte de résistance à l’État qui interdit le voile et persécute celles qui le portent ». Le voile est un libre choix pour la femme tunisienne, celle qui le porte cherche une nouvelle identité arabo-musulmane et s’oppose à la politique de désislamisation.

Leyens et al. proposent une analyse psychosociologique sur les conséquences de l’interdiction du voile (notamment dans une société d’accueil comme la France et la Belgique), cette analyse serait aussi valable pour la Tunisie, étant le premier pays du "monde" qui a interdit le port du voile. Les auteurs mentionnent trois facteurs pouvant se répercuter négativement sur les individus, les groupes et la société suite à cette interdiction. Au niveau de la société, c’est la distorsion des normes de non-discrimination, ce qui peut favoriser l’apparition d’autres formes de racisme, puisque le groupe dominant impose au groupe minoritaire de lui ressembler (en interdisant le voile), ce comportement « n’est que du racisme larvé ». De même, le malaise psychologique créé à la suite de l’interdiction du voile va augmenter l’identification au groupe d’origine entrainant une conséquence à l’opposé de ce qui est recherché. Enfin, il peut y avoir un effet de rebond, du fait que le statut de la voilée

Page 153 devient plus visible et plus envié par les non voilées. Alors les filles musulmanes qui portent le voile par fanatisme risquent de devenir plus fanatiques.

En psychologie sociale toujours, la thèse de Camilleri sur Jeunesse, famille et

développement : essai sur le changement socioculturel dans un pays du Tiers Monde (Tunisie) (1973) portant sur la façon dont les jeunes tunisiens perçoivent et agissent sur leur

culture d’appartenance, nous donne une idée sur les facteurs dynamogènes de l’identité tunisienne. Après une analyse des entretiens faites sur 1500 jeunes tunisiens âgés de 17 à 30 ans, et des études de cas et des analyses de contenus sur des lettres envoyées à la radio de Tunis à propos des programmes sur des jeunes, Camilleri a réussi à donner une vision globale et synthétique sur la culture tunisienne traditionnelle dans sa relation dynamique avec la modernité tout en montrant les stratégies utilisées par les jeunes pour modérer ou supprimer les conflits et préserver leur cohésion avec la famille. Les analyses ont conduit l'auteur à formuler sa théorie des stratégies de changement social en situation d'acculturation, ces stratégies comme nous l’avons mentionné (voir p.141) se traduisent par des procédures de rationalisation, de "dissociation" ou de réappropriation des traits culturels familiers et étrangers. A la fin, Camilleri conclut qu’il y a un "traditionalisme ouvert" dans les attitudes de la plupart des jeunes tunisiens qui cherchent à adapter l’Islam aux valeurs de la modernité.

2. Etudes sur les représentations sociales de l’Islam et du Musulman