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2.4.2 Ben Ali et l’Islam

Chapitre 3. L’identité: dimension catégorielle

VI- Les effets de la catégorisation sur l’individu et le groupe

1. Les effets de la catégorisation sur l’individu

1.1. La stigmatisation

Il s’agit d’un mot d’origine grecque dont le sens premier est une malformation physique d’une personne considérée comme inférieure. Cette notion a été développée par Goffman dans son ouvrage « Les stigmates- les usages sociaux des handicaps » (1975) qui la définit comme un attribut indésirable ou discréditant que possède un individu et qui réduit le statut de cet individu aux yeux des autres » (1963). Le stigmate, pour Goffman, correspond alors à une caractéristique propre à l’individu qui, si elle est connue par les autres, le fait passer pour une personne d’un statut social inférieur. Cet auteur distingue trois types de stigmates, les stigmates corporels (ceux qui ont des cicatrices au visage), les stigmates de personnalité (les alcooliques, ceux qui ont fait un séjour dans un hôpital psychiatrique) et les stigmates tribaux (la race, l’ethnie, la religion). Ces stigmates peuvent être visibles ou invisibles, quand ils sont visibles l’individu devient discrédité ce qui peut troubler ses interactions sociales. En effet, le fait d’être perçu comme appartenant à un groupe dévalorisé et jugé très négativement va affecter l’estime du soi et les performances du sujet. Ainsi, la connaissance des stéréotypes appliqués à son groupe d’appartenance va aussi troubler ses interactions et ses relations sociales. La stigmatisation produit et reproduit alors des attitudes et des stéréotypes négatifs qui légitiment les rapports de force des groupes dominants envers les groupes dominés et stigmatisés. En conséquence, elle concerne tout le champ des attitudes, des stéréotypes et de la perception sociale contrairement à la discrimination qui concerne les actions et les comportements qui différencient négativement les groupes de non appartenance du groupe d’appartenance.

2. Les effets de la catégorisation sur le groupe

2.1. La discrimination

La discrimination est un comportement négatif, non justifiable et non désirable à l’égard des membres d’un exogroupe envers lequel nous entretenons des préjugés (Dovidio et Gaertner, 1986). Lorsque les préjugés et les stéréotypes sont mis en actes on peut parler de discrimination. Il existe différentes formes de discriminations allant du comportement non verbal (regard biaisé, évitement) jusqu’aux insultes et agressions physiques. En effet, quand la discrimination se rapporte à une race on parle de racisme, à une catégorie d’âge, elle devient âgisme, au sexe opposé, on dit sexisme, au juif, c’est l’antisémitisme.

Page 86 Une expérience du choix des poupées par les enfants noirs et blancs (Clarck et Clark, 1947) a montré que mêmes les enfants peuvent adopter des comportements discriminatifs, sous-estimant leur groupe d’appartenance lorsqu’on leur transmet des stéréotypes négatifs. Ces auteurs réalisèrent à l’époque leur expérimentation avec des enfants blancs et noirs américains de 3 à 7 ans qui devaient exprimer leurs préférences pour des poupées qu'on leur présentait, des poupées de peau noire et de peau blanche. On leur demandait également d'énoncer les "traits" qu'ils prêtaient à chaque poupée en indiquant quels adjectifs "va le mieux avec quelle poupée". La préférence des poupées à la peau blanche par les enfants blancs explique la présence d’une certaine discrimination stéréotypique dès l’enfance en faveur de l’endogroupe, les traits attribués à ces poupées justifient cette idée. La même expérience, réalisée avec des enfants noirs, montre l’effet négatif de la discrimination. Ainsi, les enfants noirs, contrairement à ce que d'autres théories préconisent (le biais de bienveillance endogroupe, bien connu des psychologues sociaux, indique qu'en pareil cas, les enfants noirs vont préférer les poupées noires) étaient également victimes des mêmes stéréotypes : ils préféraient les poupées blanches, et attribuaient beaucoup plus de traits négatifs aux poupées noires qu'aux poupées blanches...

Ce favoritisme du groupe majoritaire explique jusqu’à quel point l’identité du groupe minoritaire peut être effacée, annihilée pour que l’individu (même enfant) gagne une estime de soi et une appartenance sociale positive. Devine (1989 ; Devine et al., 1991) contestent cette idée en faisant une différence entre les stéréotypes personnels, qui dérivent d’une conviction personnelle et les stéréotypes culturels, appris depuis la prime enfance et qui ne sont activés que dans des circonstances spécifiques. Frantz Fanon, dans « Peau noire, masques blancs » (1952) a bien souligné que cette situation est créée par le colonisateur qui favorise un système de croyance qui légitime et perpétue les inégalités (Kaiser et Miller, 2001). Le Noir qui assimile les stéréotypes des Blancs à son égard, dès qu’il parle français devient raciste contre les membres de sa race. La discrimination peut aussi engendrer chez les individus un sentiment d’injustice sociale, ce qui peut augmenter le stress et l’anxiété qui se traduit par une méfiance et une hostilité envers les personnes ou les groupes dominants et même aussi l’agressivité. Puisqu’elle atteint l’identité sociale, la discrimination peut dans certains cas entrainer un repli sur l’endogroupe (Dion, 1986) qu’on peut appeler ethnocentrisme, dont les conséquences sont la fermeture et le fanatisme.

Word, Zanna et Cooper (1974) se sont intéressés à l’étude de la discrimination dans le cadre d’une simulation d’entretiens d’embauche. Dans cette recherche, des participants tous

Page 87 Blancs jouaient le rôle des recruteurs et devaient interviewer des candidats « Blancs » et des candidats « Noirs ». A l’insu des participants, les entretiens étaient filmés. L’analyse des séquences a notamment révélé que, lorsque les candidats étaient Noirs, le participant (le recruteur) se tenait à une plus grande distance du candidat, mais aussi, la durée des entretiens était en moyenne 25% plus courte que celles des entretiens avec les candidats « Blancs ». En revanche la discrimination est une conduite socialement non désirable ce qui rend sa mesure relativement délicate. Il est alors conseillé d’utiliser des mesures indirectes ou tout au moins que la personne ne soit pas consciente que son comportement fait l’objet d’une évaluation. En laboratoire, les chercheurs utilisent très souvent l’indicateur de la distance sociale (Macrae, Boden-hausen et Milne, 1994). En situation naturelle, la discrimination est mesurée par les procédures dites de tribunaux (testing) qui consiste à ne faire varier que le critère susceptible de provoquer le comportement discriminatoire comme l’âge, le sexe, la race, la nationalité et l’ethnie. C’est cette procédure expérimentale que nous allons utiliser dans notre recherche.

3. Conclusion

La catégorisation est un processus cognitif qui permet de simplifier le grand nombre d’informations provenant du monde extérieur, permettant de l’appréhender le plus rapidement et le plus économiquement possible, mais cette simplification ne se passe pas sans erreurs de raisonnement et de jugement du sujet percevant.

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VII- Les stéréotypes et les méta-stéréotypes en tant que produit et