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Etudes sur les représentations sociales de l’Islam et du Musulman dans différents contextes culturels et expérimentau

1.3.1 Les pratiques

Chapitre 8. Revue de la littérature

2. Etudes sur les représentations sociales de l’Islam et du Musulman dans différents contextes culturels et expérimentau

Une étude récente conduite dans un contexte inter et intra culturel portant sur les représentations sociales des musulmans et des chrétiens arabes en France et au Moyen-Orient menée par El Fellah (2006) montre que les représentations sociales des musulmans arabes sont constituées d’éléments centraux appuyés sur la mémoire sociale. Le favoritisme endogroupe se manifeste lorsque le Musulman Français se compare au Musulman Libanais au niveau de la dimension historique et lorsque ce même Musulman se compare au Chrétien au niveau de la dimension religieuse. Aussi, les représentations sociales du musulman qu’il soit Arabe ou Français ont pour éléments centraux les pratiques religieuses. En revanche, au niveau périphérique, les Français arabo-musulmans actualisent l’image de la France alors que les Musulmans Français actualisent l’image de l’Islam, les premiers aspirent à l’égalité des droits de l’homme sur le territoire français, étant une société laïque qui les stigmatise, alors que les seconds condamnent l’intolérance de la nation française et se réfèrent à la charia ou la loi islamique. Les musulmans en France ont une conception plurielle de soi, ils se définissent dans plusieurs groupes à la fois et se réfèrent à plusieurs cultures, ce qui entraîne

Page 154 des contradictions dans leurs attitudes et représentations de soi musulman. Cette étude permet de comprendre l’impact de la religion sur la dimension centrale des représentations identitaires et l’impact de la culture sur la contextualisation historique et sociale des représentations identitaires. Culture et religion sont deux systèmes représentationnels qui, en fonction du contexte, l’un agit au niveau central, l’autre au niveau périphérique.

Nombreuses aussi sont les recherches qui se sont intéressées à la problématique de l’Islam et du Musulman dans un contexte interculturel, notamment américain et français. Parmi ces recherches, nous citons l’étude de Flament, Guimelli et Abric (2006), menée en France et évoquée dans un cadre théorique portant sur les objets de représentations sensibles et la zone muette. Les auteurs ont varié les situations d’énonciation, en introduisant deux consignes; normale où le sujet exprime sa propre opinion et de substitution où le sujet exprime l’opinion des Français en général, et deux enquêtrices, d’apparence arabe et française (Yamina et Céline). En procédant de la sorte, les auteurs voulaient créer un lien positif (implicite) entre l’expérimentatrice Yamina et l’objet de représentation Islam et un lien négatif entre l’expérimentatrice Céline et l’objet de représentation visé. Aussi, les chercheurs s’attendaient à ce que la consigne de substitution « Français » démasque en partie des opinions négatives sur l’Islam. Les résultats ont donné un effet plus significatif de la variable consigne que de la variable enquêtrice, les réponses négatives défavorables à l’Islam (obtenues sur une échelle d’opinions) sont plus importantes lorsque les sujets se prononcent au nom des Français en général qu’en leur nom propre. En s’étayant sur les résultats de cette étude, nous pensons utiliser, dans notre étude, les consignes normale et de substitution puisqu'elle permettent de repérer les croyances normatives positives et de démasquer facilement les croyances négatives contre-normatives qu’ont les sujets sur l’Islam et le Musulman, sans pour autant changer l’enquêteur.

Une deuxième étude évoquée dans un autre cadre théorique, celui de l’expression du stéréotype et son activation préalable, c'est-à-dire avant d’interroger les sujets. Pour vérifier cette hypothèse Flament et al., (2004) ont choisi d’étudier les représentations sociales des musulmans en France. Trois variables indépendantes sont mises en œuvre, la variable

enquêtrice (française, maghrébine), la variable Texte descriptif des musulmans (le plus neutre

possible), et la variable sexe des répondants. Le questionnaire comporte des jugements variés positifs, négatifs et neutres. Les résultats montrent l’effet de la variable sexe des répondants sur l’expression des stéréotypes du musulman plus que la variable Texte et enquêtrice, les femmes manifestent alors moins d’autocensure que les hommes. Nous pensons, aussi,

Page 155 prendre en considération la variable sexe, dans notre étude, et nous nous attendons à ce que les stéréotypes du musulman soient exprimés plus par les jeunes filles que par les garçons.

2.1. Etudes sur la zone muette et la dimension émotionnelle ou

affective de la représentation sociale de l’Islam

La dimension émotionnelle de la représentation sociale de l’Islam a été étudiée par Guimelli et Barbara (2013)1 sous l’hypothèse de Fiedler (1988) qui stipule que l’induction

d’une émotion positive entraînerait un « relâchement » cognitif se traduisant par le démasquage des aspects positifs de la représentation et le masquage des aspects négatifs, tandis que l’induction d’une émotion négative provoquerait un « resserrement » cognitif se traduisant par des stratégies opposées. Pour mettre à l’épreuve cette hypothèse, Guimelli et al. (2013) induisent tout d’abord une émotion chez les sujets par le biais d’un texte sur l’Islam. L’induction comporte cinq modalités : induction de la peur, de la colère, de la joie, induction neutre et absence d’induction. Les effets de l’induction sont contrôlés. En croisant cette première variable indépendante avec une seconde qui concerne le caractère central ou périphérique des croyances qui sont présentées aux 150 étudiants en premier cycle de sciences humaines, les résultats montrent que l’induction de la joie entraîne le démasquage des aspects positifs de la représentation de l’Islam tandis que l’induction de la peur et de la colère accentuent de manière très significative les stratégies de démasquage des items négatifs. Concernant le statut central des éléments, l’impact des émotions est très élevé, mais polarisé sur deux items, le premier positif et le second négatif. Ce dernier point est interprété comme allant dans le sens du caractère dichotomique de la représentation sociale de l’Islam mis en évidence par une analyse factorielle (ACP) qui dévoile une opposition entre le « bon Islam » et le « mauvais Islam ». C’est dans ce sens que nous pensons proposer aux sujets une consigne de substitution sur la connotation des mots cités sous l’inducteur Islam. En attribuant une valeur positive ou négative aux mots évoqués au nom du Musulman d'Orient, celui qui juge négativement le Musulman Tunisien, nous allons pouvoir mobiliser la dimension émotionnelle de la représentation de l’Islam, ce qui permet de connaître, par conséquent, si l'inducteur "Musulman d'Orient" induit chez les jeunes tunisiens une émotion positive ou négative et comment l'une ou l'autre de ces émotion va se répercuter sur sa définition du bon et du mauvais Islam.

Page 156 Si les opinions négatives augmentent lorsqu’elles sont produites au nom d’autrui, c’est que la dimension émotionnelle ou affective de la représentation est située au niveau de la zone muette. Une étude de Deschamps et Guimelli (2004) sur la représentation de l’insécurité et de la sécurité (des biens et des personnes) montre qu’avec la consigne de substitution un système de défense ou d’autodéfense apparaît. Les auteurs concluent que la consigne de substitution mobilise la dimension émotionnelle de la représentation et rend saillantes les cognitions collectives contre-normatives chargées d’une intense émotion, celles susceptibles de changer le contexte social en faveur de l'endogroupe. Pour Banchs (1996), Deschamps et Guimelli (2002), Guimelli et Rimé (2009), la composante affective ou émotionnelle de la représentation joue un rôle important dans l’orientation des conduites et la mise en œuvre des pratiques.

2.2. Zone muette et processus de comparaison sociale

Chokier et Rateau (2009), en reprenant le thème de l’insécurité pour étudier l’image de soi avec une consigne normale et de substitution, ont pu démontrer l’existence d’un lien entre les processus de masquage de la représentation et les processus de comparaison sociale qui génèrent des mécanismes d’autoprotection de soi ; les réponses obtenues en substitution contiennent plus d’opinions non désirables (ou négatives) et moins d’opinions désirables (positives). Cela était expliqué par les auteurs par les motivations de la comparaison sociale qui en évoquant, au nom d’autrui, plus d’opinions négatives, et en leur nom propre plus d’opinions positives, les sujets cherchent à faire une comparaison sociale en leur faveur. Les chercheurs recommandent à la fin d’étudier dans tout objet de représentation sensible « les opinions problématiques, investies dans le champ représentationnel, c'est-à-dire celles qui manifestent un enjeu social important en termes de relations interindividuelles et intergroupes » (Chokier et Rateau, 2009) et c’est le contexte d’énonciation qui devrait être manipulé pour amener les sujets à verbaliser ces opinions. C’est dans ce sens que nous choisissons utiliser la consigne de substitution1, dans l'étude des représentations sociales de

l'Islam afin de mobiliser les cognitions chargées d’une forte émotion permettant aux sujets de se comparer positivement et distinctivement aux Musulmans d’Orient.