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Les principaux objectifs du Pitvi et leurs conséquences pour le corridor méditerranéen

Le corridor méditerranéen, objet d’un jeu institutionnel à plusieurs niveaux

1. Le corridor méditerranéen dans la planification nationale : une place ambiguë

1.1. Objectifs et enjeux du Pitvi

1.1.2. Les principaux objectifs du Pitvi et leurs conséquences pour le corridor méditerranéen

Le gouvernement Rajoy doit faire face à la situation de crise économique qui affecte l’Espagne en gérant l’héritage des grands projets d’infrastructures, tout en annonçant de

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manière claire la fin des grands investissements de prestige. En effet, le Pitvi doit être considéré comme un plan d’infrastructures de crise prenant en compte les restrictions budgétaires :

« Les investissements publics dans le domaine des infrastructures sont une priorité de la dépense publique et un instrument de base pour dynamiser l’économie, augmenter la productivité, assurer un fonctionnement efficace du marché des biens et des services, la

vertebración du territoire et le développement des zones les plus défavorisées297. »298

Du point de vue territorial, ce plan reprend l’idée d’une structuration autour de grands axes en utilisant le concept de vertebración qui traverse le débat sur le corridor méditerranéen. Il s’agit aussi d’adapter la logique de financement des grands projets au contexte économique en favorisant l’optique du développement économique aux dépens de celle, auparavant privilégiée, de la connexion européenne. Le Pitvi énonce à cet effet cinq objectifs principaux, qui correspondent à de grandes orientations d’aménagement du territoire tout en tentant de répondre au contexte économique du début du mandat.

Encadré 2- Les cinq objectifs principaux du Pitvi

1. « Améliorer l’efficacité et la compétitivité du système global de transport en optimisant l’utilisation des capacités existantes » ;

2. « Contribuer à un développement économique équilibré, comme outil au service de la sortie de crise » ;

3. « Promouvoir une mobilité durable en rendant ses effets économiques et sociaux compatibles avec le respect de l’environnement » ;

4. « Renforcer la cohésion territoriale et l’accessibilité de tous les territoires de l’État à travers le système de transports » ;

5. « Favoriser l’intégration fonctionnelle du système de transport dans son ensemble en mettant l’accent sur l’intermodalité ».

Source : Pitvi, 2012299

Trois de ces objectifs sont fondamentaux pour comprendre les inflexions de la politique des transports qui peuvent concerner le corridor méditerranéen. En effet, la première proposition traduit la volonté d’arrêter les constructions de lignes nouvelles, ce qui marque une rupture

297 “La inversión pública en infraestructuras es una prioridad del gasto público y un instrumento básico para

dinamizar la economía, para el aumento de la productividad, el funcionamiento eficaz del mercado de bienes y servicios, la vertebración del territorio, y el desarrollo de las zonas más desfavorecidas.”

298 Ministerio de Fomento, PITVI, op. cit., p. II.214.

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nette avec la politique du PEIT qui prévoyait la construction de nombreuses LGV. Cette rupture est soulignée par le constat suivant :

« Les réseaux d’infrastructures de transport espagnols disposent d’importantes capacités, pas toujours utilisées. (…) D’autre part, et dans le contexte actuel de restrictions budgétaires, il paraît indispensable que l’accent traditionnellement mis sur les nouveaux investissements soit déplacé peu à peu vers l’optimisation de la gestion.300 »301

Le second objectif met en avant l’idée selon laquelle l’investissement en matière de transports permettrait de relancer l’activité économique :

« Les effets macro-économiques des investissements en infrastructures ont un double caractère :

- À court terme, des effets induits sur l’activité économique et l’emploi ; - À long terme, des effets sur la compétitivité de l’économie302. »303

Or deux dogmes différents sont ici exprimés. Le premier table sur une relance de l’activité par les grands travaux, idée fondée sur l’intervention publique qui a été mise en place dans de nombreux pays, mais dont les effets se font sentir essentiellement à court terme. Le second est en revanche fondé sur une idée libérale selon laquelle les avantages comparatifs créés par les infrastructures possèdent des vertus économiques à long terme. On est là dans une rhétorique des « effets structurants ». Pourtant, chacune de ces deux approches se heurte au constat des causes mêmes de la crise, en grande partie ancrées dans une bulle du secteur des bâtiments et travaux publics (BTP). Quant au quatrième objectif, il vise en particulier l’aménagement du territoire dans une perspective centraliste, car l’idée d’accessibilité des territoires sous-entend un point de référence qui est Madrid. En cela, les projets de transport espagnols reproduisent les plans d’infrastructures les plus anciens qui ont conduit à la création du réseau conventionnel et à grande vitesse actuel, et qui eux-mêmes ne diffèrent pas de la planification « à la française » qui a longtemps prévalu304. Cet objectif illustre bien le phénomène de « dépendance au sentier » énoncé par certains auteurs305 (cf. Chapitre 1). De manière

300 “Las redes de infraestructuras del transporte españolas tienen importantes capacidades disponibles, no

siempre utilizadas. (…) Port otra parte, y en el fiscalmente restrictivo escenario actual, resulta imprescindible que el tradicional énfasis sobre la nueva inversión se desplace gradualmente hacia la optimización de la gestión.”

301 Ministerio de Fomento, PITVI, op. cit., p. II.65.

302 “Los efectos macroeconómicos de las inversiones en infraestructuras tienen un carácter doble : - En el corto plazo, efectos inducidos sobre la actividad económica y el empleo

- En el largo plazo, efectos sobre la competitividad de la economía.”

303 Ministerio de Fomento, PITVI, op. cit., p. II.66.

304 G. Bel i Queralt, España, capital París, op. cit.

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singulière, c’est pourtant ce même objectif qui permet d’envisager une meilleure interconnexion au réseau ferroviaire européen, au nom du principe d’accessibilité. La seconde modalité ne vient pas se substituer à la première mais coexiste dans le discours institutionnel, comme si l’existence des RTE-T produisait un dédoublement de la centralité de référence. Si la réduction des investissements et la remise en cause du maillage du territoire peuvent contrarier le projet de corridor méditerranéen, certains des objectifs généraux du Pitvi viennent néanmoins en confirmer l’utilité, voire l’urgence. Dans le secteur ferroviaire en particulier, les orientations du Pitvi préconisent, dans un contexte de libéralisation du secteur, de travailler à la meilleure articulation des acteurs pour préparer l’ouverture à la concurrence et stimuler le marché. Or l’axe méditerranéen, qui supporte les principaux flux de marchandises du pays306, est à cet égard le premier concerné. Ces flux terrestres sont directement reliés aux ports de la façade méditerranéenne, qui jouent un rôle essentiel dans l’économie espagnole et dans la construction de la revendication du corridor (cf. Chapitre 5). De manière plus concrète, c’est l’interconnexion européenne qui est au centre des enjeux de deux des principales orientations : améliorer l’efficacité du transport de fret et de la chaîne logistique en abaissant les barrières physiques, économiques et opérationnelles d’une part, et améliorer l’interconnexion à grande vitesse avec les autres pays européens d’autre part. Les principaux investissements en matière d’interconnexion avec le réseau européen se sont faits jusqu’à maintenant aux deux extrémités de la chaîne pyrénéenne, dans le Pays Basque et en Catalogne, donc à l’une des extrémités du corridor méditerranéen espagnol et à l’un des points stratégiques du corridor tel qu’il est perçu par l’Union européenne. Ce sont d’ailleurs ces éléments qui ont justifié pleinement l’inscription du corridor méditerranéen dans les RTE-T. En effet, les priorités mises en avant par l’Union européenne, à travers les appels à projets de l’INEA sont systématiquement centrées sur la réduction des goulots d’étranglement, en particulier en ce qui concerne la traversée des frontières, et sur l’interconnexion et l’interopérabilité des réseaux nationaux (cf. 2).

1.2. Le corridor méditerranéen dans le Pitvi

La place du corridor méditerranéen dans la planification espagnole actuelle est soumise à des incertitudes, étant donné les restrictions budgétaires et l’intention de donner un coup d’arrêt aux grands projets qui y sont annoncées. Pourtant, le corridor est présent dans le plan, à la

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croisée de différentes priorités d’aménagement qui font écho aux demandes des différents échelons institutionnels.

1.2.1. L’inscription du corridor méditerranéen dans le Pitvi et le jeu

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