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Le poids des régions méditerranéennes dans l’économie espagnole

Le corridor méditerranéen dans ses territoires

1 Le corridor méditerranéen travaillé par les forces du territoire en Espagne

1.1 L’axe méditerranéen en Espagne à l’aune des indicateurs socio- socio-économiques

1.1.2 Le poids des régions méditerranéennes dans l’économie espagnole

Le poids économique des régions méditerranéennes en Espagne est régulièrement mis en avant. Il s’agit même de l’argument principal mobilisé par les groupes de pression et les acteurs revendiquant la création d’une ligne ferroviaire littorale, et ce depuis les années 1920 et 1930. Le même argument était d’ailleurs invoqué dans le rapport de la Banque mondiale de 1963394 pour justifier le renforcement des infrastructures le long de la Méditerranée. Enfin, dans un article publié par les caisses d’épargne espagnoles, Julio Alcaide Inchausti distingue des « aires géoéconomiques »395 parmi lesquelles un « arc méditerranéen nord » et un « arc méditerranéen sud » correspondant aux provinces littorales, respectivement entre Gérone et Alicante et entre Murcie et Cadix. À travers une série d’indicateurs démographiques et économiques, parmi lesquels la production de richesse et la consommation, l’auteur montre que « l’arc méditerranéen nord » est l’une des régions géoéconomiques les plus dynamiques d’Espagne dans la période 1995-2005. Il est également possible d’analyser la place de l’axe méditerranéen dans l’économie espagnole au prisme des principaux secteurs d’activité. Nous nous intéresserons en particulier au secteur agricole, qui est à l’origine des revendications du corridor méditerranéen et qui est toujours un secteur clé par la production de fruits et légumes frais, au secteur industriel, actuellement porteur des plus fortes revendications en faveur du corridor méditerranéen, et au secteur tertiaire, étant donné que le tourisme est l’une des activités les plus importantes des régions littorales.

Le secteur agro-alimentaire est caractéristique de l’Espagne méditerranéenne, et en particulier de l’Andalousie, de la Communauté valencienne et de la Région de Murcie396. Historiquement, il est porté par les agrumes, en particulier les oranges, production phare de la région de Valence397. On sait d’ailleurs que c’est de là qu’est partie la revendication d’un axe ferroviaire littoral. Toutefois, l’agrumiculture connaît dans les années 1990 et 2000 une crise liée notamment à l’émergence de nouveaux producteurs compétitifs sur le marché, en particulier le Brésil qui devient le principal fournisseur d’oranges pour l’industrie agro-alimentaire européenne, et l’Italie qui met l’accent sur une production de qualité labellisée.

394 World Bank, The Economic Development of Spain, op. cit.

395 Julio Alcaide Inchausti, « Delimitación y análisis de las áreas geoeconómicas españolas, años 1995-2000 »,

Papeles de economía española, 2002, no 93, p. 246‑ 262.

396 José Manuel Naredo, Evolución de la agricultura en España (1940-2000), Granada, Universidad de Granada, 2004, 552 p.

397 V. Abad García, Historia de la naranja (1781-1939), op. cit. ; Irene Recaj Lambán, « La exportación española de cítricos », Agricultura: Revista agropecuaria, 1987, no 661, p. 544‑ 545 ; J. Palafox Gamir, « Estructura de la exportación y distribución de beneficios. La naranja en el País Valenciano (1920–1930) », art cit ; R. Hérin, « L’agrumiculture espagnole », art cit.

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Cette crise atteint son paroxysme dans les années 2010398. Le deuxième pilier de l’agriculture méditerranéenne espagnole est fondé sur les productions de huerta399, c’est-à-dire de fruits et légumes frais exportés vers l’Europe. Bénéficiant de conditions climatiques favorables, les régions méditerranéennes – en particulier Murcie et Almeria – peuvent produire durant une importante partie de l’année et fournissent ainsi largement le marché européen400 (cf. Carte 18).

Carte 18- Production de fruits et légumes en Espagne

Source : Eurostat401

Néanmoins, avec l’accroissement de la rapidité des échanges et l’amélioration des conditions de transport des denrées périssables, ainsi qu’avec l’abondance de la production de contre-saison des pays de l’hémisphère sud, le secteur agro-alimentaire espagnol souffre d’une

398 Antonio Martínez, « Los cítricos en su momento más amargo », Agricultura: Revista agropecuaria, 2012, no 947, p. 14‑ 17.

399 R. Courtot, Agriculture irriguée et organisation de l’espace dans les huertas de Valencia et de Castellon,

Espagne, op. cit. ; Philippe Ellerkamp, « Plaines de Valencia et du Vaucluse : l’espace de deux huertas », Mappemonde, 1997, no 2, p. 20‑ 23 ; Robert Herin, « De la théorie de la huerta: Géographie comparée des huertas du Sureste espagnol, de Marrakech et de l’oasis d’Ispahan », Revue de géographie de Lyon, 1977, vol. 52, no 2, p. 177‑ 196.

400 Charlotte Emlinger, « Accords euroméditerranéens et libéralisation des échanges agricoles: quel accès au marché européen pour les fruits et légumes des pays méditérranéens ? », Les Notes d’analyse du CIHEAM, 2010, no 55, p. 2‑ 11.

401 Commission européenne, Base de données - Eurostat, http://ec.europa.eu/eurostat/data/database, (consulté le 11 mars 2015).

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concurrence croissante402, notamment de la part du Maghreb. Dans ce contexte, le projet de corridor méditerranéen, dont la revendication première était déjà liée au secteur agricole, refait surface comme un bon moyen d’améliorer la pénétration du marché européen par les productions espagnoles, en particulier grâce à des plates-formes logistiques multimodales efficaces (cf. Chapitre 5).

Les régions méditerranéennes occupent également une place importante dans le secteur industriel espagnol. Les prémices de la révolution industrielle espagnole se sont en effet largement appuyées sur l’artisanat présent en Catalogne, autour de Barcelone, ainsi que dans le Pays Basque, second pôle fondateur403. C’est la production textile qui a d’abord été développée, et qui est restée importante dans les régions méditerranéennes, avec désormais des clusters du vêtement et de la chaussure en Catalogne et dans les provinces d’Alicante et de Murcie404. Par ailleurs, certaines productions traditionnelles perdurent, comme la céramique à Castellón. Une industrie minière et chimique s’est ensuite développée autour des ports de la façade méditerranéenne. Toutefois, l’industrialisation espagnole est restée limitée et centrée sur les produits semi-manufacturés405, et un clivage entre le nord du pays plus industrialisé, et le sud du pays, majoritairement rural, subsiste (cf. Carte 19). À côté du modèle industriel fondé sur les clusters spécialisés, une industrie est aujourd’hui particulièrement puissante sur l’arc méditerranéen. Il s’agit du secteur de l’automobile, qui a trouvé en Espagne des avantages comparatifs406 lui permettant, tout en s’implantant en Europe, de bénéficier de coûts de main-d’œuvre relativement avantageux ainsi que de la proximité des grands ports. Aujourd’hui, Seat à Barcelone407 et Ford à Valence408 sont des acteurs incontournables du corridor méditerranéen. Les régions méditerranéennes accueillent donc à la fois des industries héritières des activités artisanales traditionnelles et des industries mondialisées.

402 Ana Isabel Sánchez, « La “crisis del pepino” llama a la reflexión », Agricultura: Revista agropecuaria, 2011, no 941, p. 374‑ 377.

403 G. Tortella Casares, El desarrollo de la España contemporánea, op. cit.

404 J.D. Romera Franco, « Dinámica industrial, planteamiento y ordenación del territorio en el municipio de Lorca (Murcia, sureste de España) », art cit.

405 Jordi Nadal Oller, « El fracaso de la revolución industrial en España: Un balance historiográfico », Papeles de

Economía Española, 1984, no 20, p. 108‑ 125.

406 Jordi Catalan, « La creación de la ventaja comparativa en la industria automovilística española, 1898-1996 »,

Revista de historia industrial, 2000, no 18, p. 113‑ 156.

407 « La apuesta y el ejemplo de Seat », La Vanguardia, 10 mai 2015 ; « Seat celebra que el Corredor Mediterráneo permitirá competir “de tú a tú” con otras regiones », La Vanguardia, 19 oct. 2011.

408 Miguel Pérez Sanchó, « La industria del automóvil en la Comunidad Valenciana: el caso de Ford España » dans José Luis García Ruiz (dir.), Sobre ruedas. Una historia crítica de la industria del automóvil en España, Madrid, Síntesis, 2003, p. 127‑ 166 ; « Ford condiciona el futuro de la planta de Almussafes al Corredor Mediterráneo », art cit ; « Ford Almussafes, más cerca del Corredor Mediterráneo », art cit ; « La planta de Ford en Almusafes se conectará al Corredor Mediterráneo en ancho estándar », art cit.

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Carte 19- Part de l’emploi industriel en Espagne

Source : Eurostat409

Enfin, le secteur des services est, dans les régions méditerranéennes, principalement centré sur les activités touristiques. Les Communautés autonomes littorales accueillent l’essentiel des visiteurs et connaissent une fréquentation croissante (cf. Carte 20). Le modèle du tourisme de « sol y playa », fondé sur le soleil et la plage410 s’est développé le long des côtes méditerranéennes avec l’aménagement de stations balnéaires intégrées, bétonnées, bien desservies par l’autoroute d’une part, puis par les aéroports et les vols charters d’autre part. Il constitue la source de revenus quasi exclusive de nombreuses communes littorales. Ce modèle, s’il existe toujours, connaît aujourd’hui une diversification411 avec le développement de formes de tourisme nouvelles en centre-ville, mais aussi en milieu rural, avec des touristes de plus en plus mobiles. De plus, le tourisme d’affaires se développe dans les grandes villes412. Dans cette double optique, le développement d’une liaison à grande vitesse est un

409 Commission européenne, « Base de données - Eurostat », art cit.

410 Fernando Bayón Mariné et al. (dir.), 50 años del turismo español: un análisis histórico y estructural, Madrid, Centro de Estudios Ramón Areces, 1999, 1106 p ; Ana Moreno Garrido, Historia del Turismo en España en el

siglo XX, Madrid, Síntesis, 2007, 333 p ; Rafael Vallejo Pousada, « Economía e historia del turismo español del

siglo XX », Historia Contemporánea, 24 avril 2012, no 25, p. 203‑ 232.

411 Antonio García Sánchez et Francisco Javier Alburquerque García, « El turismo cultural y el de sol y playa: ¿sustitutivos o complementarios? », Cuadernos de Turismo, 2003, no 11, p. 97‑ 105 ; Salvador Antón Clavé, « De los procesos de diversificación y cualificación a los productos turísticos emergentes. Cambios y oportunidades en la dinámica reciente del turismo litoral », Papeles de economía española, 2004, no 102, p. 316‑ 333 ; Salvador Antón Clavé, « Consideraciones sobre la reordenación y revitalización de núcleos turísticos. Revisión de procesos y experiencias », Papers de Turisme, 2014, no 11, p. 33‑ 47.

412 Armando Ortuño Padilla et al., « HSR passengers profile in “sun and beach” tourism destinies: the case of Alicante (Spain) », Paris, High-speed rail and the city, 2015.

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élément clé, donnant lieu à de nombreuses recherches qui tentent, en Espagne, de quantifier l’impact de l’ouverture d’une LGV413. Ces recherches montrent que le profil du tourisme littoral a considérablement évolué, laissant une place croissante au tourisme d’affaires, mais aussi aux séjours urbains courts inclus dans un voyage en Espagne plus long. Ils montrent aussi que la variabilité saisonnière du tourisme est désormais moins quantitative – la fréquentation se fait toute l’année – que qualitative – le tourisme d’affaires et les voyages organisés pour les retraités espagnols se font à contre-saison. Enfin, le littoral bénéficie du report d’une partie du tourisme naguère à destination de l’Afrique du Nord, ainsi que d’une plus forte résidentialisation sous l’effet du développement des résidences secondaires414.

Carte 20- Fréquentation touristique par Communauté autonome

Source : INE415

413 Salvador Antón Clavé, Aaron Gutiérrez Palomero et Oscar Saladié, « High-speed Rail Services in a Consolidated Catalan Mediterranean Mass Coastal Destination: a Causal Approach », Champs-sur-Marne, High-speed Rail and the City, 2015 ; Daniel Albalate del Sol, Germà Bel i Queralt et Xavier Fageda, « Competition and cooperation between high-speed rail and air transportation services in Europe », Journal of Transport

Geography, 2015, vol. 42, p. 166‑ 174 ; Daniel Albalate del Sol, « Evaluating HSR Access on Tourism: Evidence from Spanish Provinces and Cities », Champs-sur-Marne, High-speed Rail and the City, 2015 ; A. Ortuño Padilla et al., « HSR passengers profile in “sun and beach” tourism destinies: the case of Alicante (Spain) », art cit.

414 Juan Requejo Liberal, « La segunda residencia lanza una OPA sobre el litoral andaluz: una grave amenaza sobre el modelo de ordenación territorial para el litoral », Gijón, Ordenación del territorio, política regional, medio ambiente y urbanismo, 2001 ; Silvia Sanz Blas, « Imagen global e intenciones futuras de comportamiento del turista de segunda residencia », Revista europea de dirección y economía de la empresa, 2008, vol. 17, no 4, p. 95‑ 114.

415 INE, Hostelería y turismo,

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Ainsi, quel que soit le secteur économique considéré, les régions méditerranéennes espagnoles occupent une place importante. Un arc littoral se dessine donc, concentrant une grande partie de l’agriculture, de l’industrie et du tourisme espagnols, face à Madrid qui, en tant que capitale nationale, reste le pôle majeur de commandement de l’économie.

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