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Le corridor, une notion importante dans le domaine de l’environnement

La notion de corridor : entre approches théoriques et construction institutionnelle

1 Une notion évolutive, à la croisée des disciplines

1.1 La notion de corridor dans les dictionnaires de géographie : géopolitique, économie, transports, environnement

1.1.4 Le corridor, une notion importante dans le domaine de l’environnement

Si la question des flux de marchandises apparaît de plus en plus centrale dans le concept de corridor, l’intérêt pour la circulation recouvre plusieurs champs disciplinaires, et notamment celui de l’environnement. En effet, d’après Pierre George et Fernand Verger, « c’est dans le domaine de l’architecture des paysages et de l’écologie que le terme est aujourd’hui le plus employé avec le sens de corridor biologique »51. Or l’emploi de la notion de corridor en sciences de l’environnement et le sens qui lui est donné dans ce contexte particulier peuvent être intéressants pour éclairer l’utilisation du terme en aménagement du territoire.

50 M. Witherick, S. Ross et J. Small, A modern dictionary of geography, op. cit. ; Houghton Mifflin Company (dir.), The Houghton Mifflin dictionary of geography, op. cit.

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Si l’on se réfère aux dictionnaires spécialisés en environnement52, le terme de corridor est absent, à l’exception des encyclopédies en ligne. Pourtant, l’écologie et la biologie font droit à la notion de corridor, qui est utilisée de manière fréquente dans le domaine de l’environnement. Elle peut être assimilée à une structure linéaire (un corridor fluvial par exemple…) plus ou moins naturelle, ou bien à un choix d’organisation de l’espace sous une forme linéaire. Le corridor est utilisé en écologie de manière à la fois scientifique et opérationnelle. Dans ces deux acceptions, la définition de la notion de corridor semble se fonder sur la linéarité et la continuité dans le temps et l’espace nécessaires aux objets étudiés, c’est-à-dire au vivant. Dans le domaine des sciences de l’environnement, le corridor écologique53 est défini comme suit :

« Un corridor écologique est une zone de passage fonctionnelle, pour un groupe d’espèces inféodées à un même milieu, entre plusieurs espaces naturels. Ce corridor relie donc différentes populations et favorise la dissémination et la migration des espèces, ainsi que la recolonisation des milieux perturbés »54.

Autrement dit, il relie des nœuds, des points clés – également appelés « réservoirs de biodiversité » – dans lesquels les espèces élisent domicile aux différentes étapes de leur vie, de manière cyclique ou continue pour se nourrir, se reposer et se reproduire notamment55. C’est notamment le cas des « corridors de migration » utilisés par certaines espèces d’oiseaux56. Un corridor migratoire est donc un espace virtuel, aérien, susceptible d’être emprunté dans tous les sens à l’intérieur d’un fuseau non délimité. Il met en relation des points qui correspondent à des habitats. Les flux, qui transitent par les corridors entre des points nodaux, sont donc essentiels. La fonction des gestionnaires de ces corridors est bien

52 François Ramade, Dictionnaire encyclopédique de l’écologie et des sciences de l’environnement, Paris, Ediscience international, 1993, 834 p ; Association française de normalisation (dir.), Dictionnaire de

l’environnement, 3e éd., Saint-Denis La Plaine, AFNOR, 2001, 270 p ; Yvette Veyret-Mekdjian, Dictionnaire de l’environnement, Paris, Armand Colin, 2007, 414 p.

53 Jodi A. Hilty, Corridor ecology: the science and practice of linking landscapes for biodiversity conservation, Washington, DC, Island Press, 2006, 323 p.

54 Futura Sciences, Corridor écologique,

http://www.futura-sciences.com/magazines/environnement/infos/dico/d/developpement-durable-corridor-ecologique-6418/, (consulté le 16 janvier 2015).

55 Jean Carsignol, « Des passages à gibier à la Trame Verte et Bleue : 50 ans d’évolution pour atténuer la fragmentation des milieux naturels en France », Le Naturaliste canadien, 2012, vol. 136, no 2, p. 76 ; Adil Baghli, Marc Moes et Claudio Walzberg, « Les corridors faunistiques du cerf (Cervus elaphus L.) au Luxembourg », Bulletin de la Société des Naturalistes luxembourgeois, 2007, no 108, p. 63‑ 80 ; Henri Jaffeux, « Un réseau écologique pour préserver la diversité biologique du continent européen », Liaison énergie

francophonie, 2008, no 7, p. 58‑ 62.

56 Nacima Baron-Yellès et Lydie Goeldner-Gianella, Les marais maritimes d’Europe atlantique, Paris, Presses universitaires de France, 2001, 294 p.

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d’assurer ou de restaurer la continuité le long d’un axe marqué par des déplacements. C’est ce qui transparaît également dans la définition de corridor biologique :

« Un corridor biologique est l’ensemble des habitats nécessaires à la réalisation des cycles vitaux (reproduction, croissance, refuge…) d’une espèce qui sont reliés fonctionnellement entre eux »57.

Cette définition met en avant deux idées principales : celle d’un ensemble d’éléments distincts, donc d’un regroupement d’une part, et celle d’une liaison entre eux, donc d’une communication se produisant entre ces différents éléments, en l’occurrence par le déplacement des espèces vivantes qui les peuplent. Ces éléments, pourtant absents des dictionnaires spécialisés, ont en France une traduction immédiate en aménagement du territoire dans le concept de « trames vertes et bleues »58, qui est ailleurs décliné sous diverses appellations et qui est développé par les gestionnaires des parcs naturels et des réservoirs de biodiversité. Il s’agit ici de conforter des corridors dans une logique de planification des aires protégées en créant des continuités entre des objets préexistants (réserves naturelles, parcs naturels régionaux…) pour permettre le passage de l’un à l’autre. Les trames sont des objets spatialisés, par lesquels on crée un réseau d’aires de gestion maillé sur des systèmes de points et sur la diversité des itinéraires naturels à des fins d’intégration. Il s’agit d’une création d’axe, voire d’un alignement au sens géométrique du terme. Le corridor écologique recouvre donc trois approches : la première, naturaliste, décrit des alignements préexistants ; la deuxième, gestionnaire, cherche à conforter ces structures ; la troisième, stratégique, avance des éléments de planification59.

L’articulation avec les infrastructures de transport est d’ailleurs essentielle car, dans la plupart des cas60, la continuité écologique visée l’est pour pallier les coupures induites par les réseaux de transport ou d’énergie : les deux réalités tendent à se tourner le dos dans la littérature scientifique alors qu’elles sont intimement liées. Ces définitions, qui correspondent à des

57 Futura Sciences, Corridor biologique,

http://www.futura-sciences.com/magazines/environnement/infos/dico/d/developpement-durable-corridor-biologique-6422/, (consulté le 16 janvier 2015).

58 Laure Cormier, Les Trames vertes : entre discours et matérialités, quelles réalités?, Thèse de doctorat, Université d’Angers, Angers, 2011, 387 p ; Sandrine Liénard et Philippe Clergeau, « Trame Verte et Bleue : Utilisation des cartes d’occupation du sol pour une première approche qualitative de la biodiversité », Cybergeo :

European Journal of Geography, 2011, p. http://cybergeo.revues.org/23494 ; J. Carsignol, « Des passages à

gibier à la Trame Verte et Bleue », art cit.

59 Pierre Alphandéry et Agnès Fortier, « La trame verte et bleue et ses réseaux : science, acteurs et territoires »,

VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement, 2012, vol. 12, no 2.

60 Jérôme Dorey, Les routes et bords de routes: barrières ou corridors écologiques ?, Mémoire, Université de Rennes, Rennes, 2010, 26 p ; S. Liénard et P. Clergeau, « Trame Verte et Bleue », art cit.

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champs disciplinaires relativement éloignés a priori des transports, recoupent donc des thématiques intéressantes à la fois pour le champ de la géographie et pour celui de la conception et de l’analyse des réseaux61. La principale idée qui sous-tend les notions de corridor écologique ou biologique est celle d’un continuum permettant de dépasser les discontinuités ou les points de rupture d’un réseau défini par les flux qui l’empruntent. Les corridors doivent permettre le déplacement du vivant, ses échanges, son accès à différents milieux, son activité biologique. Au-delà de la métaphore organiciste, ces acceptions de la notion de corridor offrent un point de départ intéressant pour l’analyse des corridors de transport.

Les acceptions qui apparaissent dans les dictionnaires de géographie se structurent ainsi autour de trois grandes approches : la géopolitique d’abord, l’économie ensuite et l’environnement enfin. La géopolitique est au fondement de la notion dans la plupart des usuels, même si elle s’appuie sur une base liée aux transports. Un glissement de la notion vers sa dimension économique et marchande oriente l’approche vers la mise en avant des moyens de communication. La dimension environnementale est également présente, à la marge dans les dictionnaires, mais de plus en plus dans les pratiques de gestion. Dans le domaine des transports, il en va de même : l’approche des corridors évolue de la théorie vers la pratique. L’ensemble de ces approches trouve son aboutissement dans l’étude des corridors comme ensemble de flux, comme réseau structuré par ce qui le parcourt, que ce soient des biens, des personnes ou des animaux. L’évolution du contexte met au premier plan successivement la géopolitique dans un contexte de crise internationale, le commerce dans la mondialisation et l’environnement dans une logique de développement durable.

1.2 Approches de la notion de corridor dans le champ du transport et de

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